Champion et Ooneemeetoo de Tomson Highway

Champion et Ooneemeetoo de Tomson Highway
(The Kiss of the Fur Queen)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Libris québécis, le 10 décembre 2004 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 10 étoiles
Visites : 4 078  (depuis Novembre 2007)

La Survie de la culture indienne

Quand on pense à l'Amérique, surgit immédiatement une tête d'Indien avec des plumes dans un canot d'écorce. On tombe naïvement dans les clichés et les pièges à touristes quand on vient chez nous. Les Indiens portent des tuques comme nous (bonnets de laine) ainsi que des mitaines (moufles) et se déplacent en yacht sur leurs rivières. Pourtant beaucoup d'écrivains nous les ont fait connaître. Et qu'en est-il des auteurs amérindiens? À l'exception de ceux du Mid-West américain, peu de lecteurs les connaissent. Même au Québec, Bernard Assiwini est un nom inconnu. Pourtant il a écrit en français une oeuvre magistrale, en particulier, La Saga des Béothuks, dont le compte rendu apparaît sur le site. En 1998, Tomson Highway a écrit Kiss of the Fur Queen, traduit seulement cette année en français par une toute petite maison d'édition de l'Ontario sous le titre de Champion et Ooneemeetoo. Avant qu'Amazon vende ça, les poules auront au moins une dent. Depuis l'an 2000, on n'offre presque plus de produits littéraires en provenance du Canada. Juste les chansons sirupeuses de Dion et Garou.

L'auteur de ce roman fascinant est un Cri, comme son confrère du Québec, qui parle le français, l'anglais et évidemment le cri. C'est une oeuvre épique pouvant servir d'assises à la culture indienne comme celle de Garcia Marquez. À mes yeux, la comparaison ne relève pas du chauvinisme ou si peu. L'auteur raconte comme les deux frères Okimasis du nord du Manitoba ont été arrachés à l'âge de six ans à leur milieu familial pour être envoyés au sud de cette province. Adieu panses de caribous (rennes) faisantées au soleil, adieu les amis dont les noms ont de quoi faire rire tels que Fente de fesses. Cette appellation coule de la magie indienne qui roule ses enfants dans la mousse du lichen parmi les épilobes qui donnent des fleurs mauves majestueuses à l'orée des sous-bois boréaux. Il s'agit d'une écriture imagée et verte, disons-le, à l'instar du pénis en tire-bouchon de l'ancêtre dans Cent Ans de solitude. Mais l'humour sert à transformer en danse rituelle, dont les Indiens ont le secret, une liturgie qui sert à implorer le Grand Manitou afin qu’il adoucisse la gravité de ce qu'ils vivent, comme l'illustre l'aventure des deux jeunes héros, les alter ego des enfants Highway.

Ces derniers sont les victimes d'un enlèvement légal. Arrachés à la verte prairie du Manitoba, l'une des plus grandes régions productrices de blé au monde, pour des raisons qu'aujourd'hui on ne pourrait plus invoquer, Champion et Ooneemeetoo Okimasis ont été confiés à un pensionnat où les sévices sexuels faisaient partie de l’activité des ecclésiastiques en autorité. D'ailleurs, il y a un évêque qui a été condamné récemment pour cette raison alors qu'il était aumônier dans ces dits pensionnats catholiques destinés à rendre humains, les barbares autochtones. Dans ces milieux, on y perdait son nom. Les deux frères furent rebaptisés du nom de Jérémie et de Gabriel. Évidemment quoi de mieux pour les assimiler que de leur interdire aussi de parler leur langue tout en les sodomisant !

La découverte de cette culture oppressive ne les empêchera pas de s'en sortir grâce à la musique pour l'un d'eux et au ballet pour l'autre, un fort bel enfant. Et comme pour tout ange, le milieu de la danse, comme d'autres d'ailleurs, compte ses démons prêts à inoculer le venin de la mort sous la forme du sida.

L'auteur décrit sa culture et montre comment il n'y a pas si longtemps, on a tenté à l'aide de religieux diaboliques de détourner un peuple de sa vocation première, un peuple proche de la nature qui le nourrissait et qui l'abritait. Son roman n'est pas une plainte qui cherche notre apitoiement. Au contraire, Tomson Highway compte sur l'art et la tradition de son peuple pour que renaissent la confiance en soi et la dignité. Nappaaluk, Assiniwi et Highway ont le mérite de nous fournir avec brio des renseignements de première main. À l'exception du premier auteur, qui a plutôt produit un document, les deux autres manient l'art romanesque aussi bien que les Occidentaux.

La traduction française en vente au Canada s'intitule Champion et Ooneemeetoo. Bravo au traducteur!

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