Césarine de Jean Richepin

Césarine de Jean Richepin

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Alceste, le 8 février 2024 (Liège, Inscrit le 20 février 2015, 62 ans)
La note : 9 étoiles
Visites : 722 

Au temps de la Commune de Paris

Le récit s’ouvre sur une scène hallucinante : la retraite chaotique de l’armée française après la défaite de 1870, vue par les yeux d’un jeune conscrit qui aurait défailli sans la vigoureuse prise en main du capitaine de Roncieux, qui l’admoneste de salvateurs « Du poil, crédieu , mon petit, du poil ! ». A ce nom de Roncieux, le narrateur, dont on ne connaitra jamais le nom, ne peut que se remémorer son camarade de lycée, Paul de Roncieux. Mais le capitaine reste très évasif sur un éventuel lien de parenté. Il admet que Paul est son fils mais qu’il le renie depuis qu’il est mène une vie d’homme entretenu par une femme…

Le calme revenu, le narrateur retrouve Paris, où la Commune ne tarde pas de s’instaurer, et éprouve le besoin de revoir son ancien camarade, qui fréquentait à l’époque un singulier cercle de mathématiciens chenus, où brillait la beauté et l’intelligence de Césarine… Il les retrouve tous deux en effet, et s’aperçoit que Paul, Césarine, et les hommes du cercle existent toujours bien mais nourrit des soupçons sur les relations entre eux tous. Paul, de son côté, décrit son père sous les traits les plus noirs, alors que le narrateur le considère comme son héros. On apprend d’ailleurs qu’il aurait purement et simplement assassiné son épouse, la mère de Paul. Par ailleurs, en fait d’homme entretenu, Paul est plutôt un grand malade soigné affectueusement par Césarine, qui, pour ce faire, finit par congédier tous les hommes du cercle avec qui elle entretenait peut-être des relations tarifées... Mais l’Histoire rattrape les amis puisque ils vivent la grande répression de la Commune par les Versaillais, dont le capitaine de Roncieux fait partie… Le drame final semble inéluctable.

Cette histoire relativement complexe et embrouillée n’est là que pour montrer comment une conscience humaine peut varier dans sa perception des gens et des événements en fonction des circonstances, des réactions ou des déclarations des uns et des autres. Le capitaine, si droit, et si humain en même temps, est-il vraiment un monstre ? Paul, à la fois doux et fort contre la maladie, est-il vraiment un pleutre ? Et Césarine cache-t-elle sa perversité sous la masque du dévouement ?
Un passage du roman résume cette situation inconfortable : « Dans le drame public comme dans le drame privé, j’étais condamné à trouver que personne n’avait absolument tort. De même que j’absolvais le capitaine de son meurtre, et Paul de sa rébellion, en les plaignant l’un et l’autre, ainsi j’avais conscience d’être impuissant et désarmé entre les troupes régulières affolées de discipline, et les fédérés affolés d’indépendance. »

Pour sublimer cette analyse psychologique, mêlée à une saisissante toile de fond historique, l’écriture de Jean Richepin fait merveille : qu’il s’agisse de camper un personnage populaire, de mener un dialogue houleux, de rendre l’atmosphère d’une chambrée ou d’un cabaret, ou de creuser les tortures mentales du héros, la phrase de Richepin nous entraîne dans un feu roulant d’images, de termes pittoresques, d’envolées syntaxiques qui retombent toujours élégamment sur leurs pieds. L’ouvrage est consistant mais l’ennui n’est jamais au rendez-vous.

Encore un roman et un écrivain injustement méconnu.

Pour information, ce lien vers une étude fouillée du présent roman, mais gâchée par un parti-pris idéologique, la seule question qui semble préoccuper la chercheuse est de savoir si oui ou non Richepin était anti-communard…
https://journals.openedition.org/rh19/369

Extrait :
« C’est qu’aussi la révolution ne m’apparaissait point terrible et grandiose comme je l’avais rêvée ; je m’attendais à des faces sombres, à des barricades, à une plèbe ou férocement hurlante ou sinistrement silencieuse. Le mouvement n’avait-il pas débuté, l’autre jour, par l’exécution de deux généraux à Montmartre ? Ce baptême de sang n’annonçait-il pas une exaspération formidable ? Paris n’était-il pas au pouvoir de deux cents mille insurgés furieux ? Je me figurais que j’allais débarquer dans une ville farouche, hérissée de baïonnettes, sentant la poudre et le massacre. Je tombai dans une ville en fête. »

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