Spinoza - L'homme qui a tué Dieu de José Rodrigues dos Santos

Spinoza - L'homme qui a tué Dieu de José Rodrigues dos Santos
(O Segredo de Espinosa)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone , Sciences humaines et exactes => Philosophie

Critiqué par Poet75, le 9 janvier 2024 (Paris, Inscrit le 13 janvier 2006, 67 ans)
La note : 8 étoiles
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Les aventures d'un philisophe

On le connaît aujourd’hui sous le nom de Baruch Spinoza (1632-1677) mais, dans le roman de José Rodrigues Dos Santos, il est désigné, le plus souvent, par le prénom de Bento, l’équivalent portugais de son prénom hébreux (qui veut dire « béni » en français). Beaucoup de lecteurs, dont je suis, se décourageraient peut-être rapidement s’ils se risquaient à entreprendre la lecture des écrits de ce philosophe dans le texte. Heureusement, ce roman bienvenu du journaliste, reporter de guerre et auteur de thrillers J. R. Dos Santos, tout en racontant la vie du philosophe dans son contexte historique pour le moins trépidant, nous en restitue la teneur en la rendant accessible à tous et facilement compréhensible, ce qui permet d’autant plus d’en mesurer l’audace.
Grâce au roman palpitant de Dos Santos, nous voici plongé dans une page d’histoire troublée, du côté de ce qu’on appelait les Provinces-Unies (les actuels Pays-Bas). Originaires du Portugal, les parents du jeune Baruch (ou Bento) s’y étaient établis, faisant ainsi partie de l’importante minorité juive d’Amsterdam. Or, alors qu’il était enfant, Bento assista, à la synagogue, à la réintégration humiliante d’un des membres qui en avait été exclu pour avoir tenu des propos contraires à l’orthodoxie juive. À la fin de la séance, tous les participants s’en allaient en foulant le corps de l’homme repentant allongé par terre.
Ainsi s’ouvre le roman de Dos Santos. Dès lors, Bento ne pouvait plus ignorer le sort réservé à ceux qui osaient se démarquer de l’enseignement et des croyances juives. Cependant, toute la suite du roman consiste à décrire et raconter l’itinéraire de celui qui, conscient de ce qu’il risquait, n’en consacra pas moins sa vie à la philosophie en s’opposant, très rapidement et de plus en plus fermement, non seulement aux croyances juives mais à celles de toutes les autres religions, en particulier les religions monothéistes. De ce fait, Bento ne tarda pas à être exclu de la communauté juive, bien décidé cependant à ne jamais se repentir comme l’avait fait son prédécesseur, mais il fut aussi en butte aux menaces provenant d’une des factions protestantes influentes dans le pays. Car, si les Provinces-Unies d’alors pouvaient être considérés comme plus libérales que les pays catholiques, comme le Portugal, il ne s’y trouvait pas moins suffisamment de fanatiques décidés à poursuivre, arrêter et punir sévèrement quiconque avait le front de douter des fondements de la religion.
La matière est bien suffisante pour Dos Santos qui, puisant dans ce contexte historique auquel il faut ajouter, entre autres, les périls des épidémies tout comme ceux des guerres, a de quoi narrer l’histoire d’un philosophe certes parfois apeuré (et il y a de quoi) mais convaincu de la justesse de ses raisonnements et bien décidé à les faire connaître. Ses livres majeurs, il ne put les publier qu’anonymement et rédigés en latin mais, malgré ces précautions, de nombreux soupçons pesèrent sur lui. Heureusement qu’il put compter sur l’amitié indéfectible de quelques fidèles, convaincus qu’ils avaient affaire à un penseur de premier ordre. Le récit se déploie au moyen de nombreux rebondissements, comme dans les meilleurs thrillers, et l’on a même droit à une histoire d’amour ! Eh oui, tout philosophe qu’il était et ne percevant rien de plus important que ses recherches et ses travaux, notre homme fut amoureux ! Amoureux d’une jeune fille charmante, quoique boitant légèrement du fait d’un pied bot, mais d’une jeune fille qui non seulement avait un autre prétendant mais était fermement attachée à sa foi catholique !
Or, et terminons par là notre compte-rendu de ce roman hautement captivant, Dos Santos émaille son roman de philosophie, celle de Spinoza bien sûr, mise ainsi à la portée de tous. Et, il faut le dire, les réflexions de Spinoza, si elles sidérèrent les croyants de son époque, ont de quoi en troubler plus d’un, aujourd’hui encore. Précisons tout de même que le titre accrocheur du roman ne correspond pas à la lettre au contenu. À proprement parler, Spinoza « ne tua pas Dieu », il ne se disait d’ailleurs pas athée, mais sa conception de Dieu ne s’accordait en rien avec les théologies des religions monothéistes. Surtout, Spinoza considérait que la Bible dans son entier n’était, en aucune façon, un livre inspiré divinement, mais qu’elle était manifestement un catalogue de lois et d’enseignements purement humains auxquels on avait instillé un substrat divin pour leur donner plus de poids. Il mettait en cause tout ce sur quoi s’appuyaient les religions pour maintenir les peuples sous leur domination. « Son idée, écrit Dos Santos, était de dénoncer les préjugés des religieux, qu’ils soient rabbins ou pasteurs chrétiens – ou de toute autre religion – dans le but de mettre fin aux idées fausses qu’ils propageaient et grâce auxquelles ils s’éternisaient au pouvoir. »
Saluons encore le prodigieux travail de recherche de l’auteur : rendre aussi captivante la quête philosophique d’un penseur du XVIIe siècle, la partager de manière aussi intelligible, aussi passionnante et, redisons-le, aussi provocante (aujourd’hui encore), c’est pour le moins remarquable.

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