Après coup, précédé par Le Ressassement éternel de Maurice Blanchot

Après coup, précédé par Le Ressassement éternel de Maurice Blanchot

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Septularisen, le 19 septembre 2023 (Luxembourg, Inscrit le 7 août 2004, 56 ans)
La note : 8 étoiles
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«Un livre se passe de présentation, il procède par le coup de foudre, comme la femme avec l’amant et sans l’aide d’un tiers, ce mari…» (1)

«Le ressassement éternel» a été publié en 1952 aux Éditions de Minuit. Il est composé de deux très courts texte: «L'idylle» (daté de 1935) et «Le dernier mot» (datés de 1936). Maurice BLANCHOT (1907 – 2003) y a ajouté le texte «Après coup» en 1983. Ce texte peut être considéré comme une sorte de postface aux deux œuvres précédentes, si ce n’est comme une sorte d’explication de ceux-ci.

Au début de «L’idylle», nous faisons la connaissance d’un homme qui nous est désigné par le nom d’Alexandre Akim, mais dont nous ne saurons jamais le vrai nom. C’est un étranger au pays où il vient d’arriver et il a été placé d’autorité dans une sorte d’hospice. Il rencontre là une vingtaine d’autres vagabonds comme lui, qui y vivent en permanence.

Très vite l’hospice se révèle être une sorte de prison, et Alexandre est obligé de faire des travaux aussi pénibles que complètement inutiles, puisqu’il faut sans cesse recommencer…

«Le dernier mot» est une sorte de parabole biblique. Dans une ville inconnue et des temps inconnus, un homme dont on ne saura jamais le nom, mais uniquement le fait qu’il est juge, prend la fuite devant une catastrophe annoncée.

La ville se délite et part en morceaux, en proie aux flammes et à la tempête. Bientôt tout est plongé dans les ténèbres, les bibliothèques ferment, les écoles et les élèves disparaissent. Notre homme trouve refuge en compagnie d’une jeune femme dans une immense tour, dont le propriétaire lui apprend que c’est la dernière tour (la Tour de Babel?..) qui subsiste… Et que s’il peut tenir jusqu’au chant du coq, il verra qu’il est le… Tout-Puissant!

«Après coup», se présente comme une «explication de texte», de Maurice BLANCHOT sur les deux précédents. Il en appelle à Paul VALERY (1871 – 1945) (2), Franz KAFKA (1883 – 1924) (3), Albert CAMUS (1913 – 1960) (4), Georges BATAILLE (1897 – 1962) (5), William STYRON (1925 – 2006) (6), - dont il critique le roman «Le choix de Sophie» (7), comme n'étant un véritable livre sur la Shoah puisque c'est un roman, donc une œuvre de fiction et non pas le témoignage réel d'un rescapé des camps de concentration -, et même au philosophe américain Theodor W. ADORNO (1903 – 1969) (8), pour expliquer ses textes… Dont, curieusement, il dit lui-même n’avoir que peu de souvenir, ces textes n’étant pas au départ destinés à la publication… Mais dont il reconnaît volontiers l’aspect prophétique, au regard de la barbarie qui allait frapper l’Europe à peine quelques années après leur écriture…

Que dire de plus? Les deux histoires se déroulent dans un monde et un temps imaginaire. L’atmosphère est lourde et inquiétante. C’est un peu la littérature du «vide». C’est beau, profond. C’est un monde impersonnel et inconnu ou bizarrement rien n’est vraiment interdit, mais rien n’est vraiment autorisé. Ce n’est pas sans rappeler le livre «Le procès» (9) de Franz KAFKA. Les personnages, eux, sont étrangers à eux-mêmes et à ce qui leur arrive, indifférents à tout et à tout le monde. Ici c’est à Albert CAMUS que l’on pense, et notamment à son livre «L’étranger» (10). La ville, elle, ressemble de façon étonnante à celle décrite dans le livre «La mélancolie de la résistance» (11), du hongrois Laszlo KRASZNAHORKAI (*1954) (12). Elle tombe en ruines, mais malgré tout des gens y vivent. On a l’impression que tous la connaissent très bien mais, qu'ils peuvent s’y perdre définitivement à n’importe quel moment!..
Je dois toutefois reconnaître que ce qui m’a le plus plu dans ce livre est la tension permanente, qui tient le lecteur en haleine, et qui va en s’accroissant tout au long du livre, on suppose qu’il va se passer quelque chose, on sent qu’il va se passer quelque chose, on sait qu’il va se passer quelque chose, mais on ne sait ni quoi, ni quand, cela aura lieu, et cela ne fait que renforcer l’intérêt du lecteur…

Est-ce que je conseille la lecture de ce livre? Oui bien sûr, surtout si on aime l’écriture bien «léchée», avec beaucoup de style. Forcément, Maurice BLANCHOT quoi qu'étant un écrivain très confidentiel, n'en demeure pas moins un des plus grands écrivains français du XXe S.
Ce n’est certes pas facile à lire, mais pour peu que l’on s’accroche un peu, et que l’on veuille faire «fonctionner» un petit peu son cerveau, ce livre est pour vous… Si l’un des livres dont je parle plus haut, a «touché» de près ou de loin votre cœur de lecteur, alors vous pouvez être sûr que celui-ci va vous plaire!..

(1). Stéphane MALLARMÉ (1842 – 1898). Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/5692
(2). Cf. Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/6431
(3). Cf. Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/486
(4). Cf. Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/185
(5). Cf. Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/4016
(6). Cf. Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/834/
(7). Cf. Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/1064
(8). Cf. Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/8712
(9). Cf. Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/877
(10). Cf. Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/631
(11). Cf. Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/49028
(12). Cf. Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/37617

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