Onze Bruxelles : La capitale belge dans la tourmente de novembre 1918 de Philippe Remy-Wilkin

Onze Bruxelles : La capitale belge dans la tourmente de novembre 1918 de Philippe Remy-Wilkin

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Kinbote, le 6 août 2023 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (22 911ème position).
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Un jeune homme au coeur de la tourmente

Le 8 novembre 1918, à quelques jours de la signature de l’Armistice, Valentin Dullac est dans le Plattennland, dans le Brabant flamand. Missionné par le roi Albert, qui est près de Gand, il fonce dans les vallons pour rejoindre Pede-Sainte-Gertrude et enmener une jeune femme du nom de Veerle Slagmulder auprès de son ami hospitalisé, Maarten Tongerlo. La jeune femme est en rupture avec son milieu familial parce qu’elle ne défend pas les mêmes valeurs, comme lui, Valentin, qui restera cependant tout du long du récit soucieux de savoir où ses parents se trouvent.

Dès le lendemain, on retrouve Valentin, au cœur de Bruxelles pour une autre mission : contacter Emile Franqui, président de la Société Générale mais aussi l’homme du Comité nationale de Secours et d’Alimentation car le Roi compte sur lui pour jouer un rôle essentiel dans le devenir du pays.

La situation dans la capitale, en fin de guerre, est calamiteuse, sujette au désordre, aux pillages et aux effets désastreux d’une épidémie de grippe espagnole. Au désordre social, à la misère économique, s’ajoute la pandémie avec son lot de victimes sans nombre.

« La fin du conflit a favorisé les desseins de la Grande Faucheuse : conditions sanitaires déplorables, affaiblissement par la malnutrition, concentration humaine et déplacements massifs. »

Valentin Dullac est là aussi pour la population, « pour ouvrir l’avenir, des avenirs, leurs avenirs ».

Le 10 novembre, on le retrouve ailleurs dans la ville pour accomplir sa mission, « transmettre des lettres ou des paroles du Roi à diverses personnalités » dont les noms résonnent jusqu’à aujourd’hui, jusque dans les noms des rues (les Adolphe Max, Maurice Lemonnier, Emile Vandervelde…). Il veut aussi « prendre le pouls de la ville » pour « ramener à Lophem un état des lieux », découvrir sur place ce qu’Albert ne pouvait savoir à distance, et pour cela, il n’hésite pas à prendre des risques, comme lorsqu’il décide de rencontrer des autorités et soldats allemands, toujours sur place. À leur contact, il apprend qu’ils sont déchirés, entre partisans de la Révolution et ceux restés attachés au Kaiser – qui a fui aux Pays-Bas. Avec ce que cela entraîne de confusion dans l’armée allemande et la population. hétéroclite, entre ceux qui fuient la capitale, et ceux qui la rejoignent.

Nonobstant le contexte historique, précisé dans des passages en italiques, qui s’intègrent au récit, on est au cœur du Bruxelles de cette période aussi dramatique que gorgée d’espoir, par l’intermédiaire de Valentin Dullac, jeune homme courageux et loyal, modéré et lucide, attaché à personne du Roi comme au devenir de son pays. Un personnage romanesque, presque d’une autre époque, et qui veut devenir « le meilleur romancier possible ».

L’action nous conduira jusqu’au discours hardi et habile, dit de Lophem, du roi Albert, le 22 novembre, comprenant des avancées sociales et des innovations politiques, prenant certes des libertés avec la constitution mais dans le but de « cimenter l’union nationale » . C’est l’occasion pour Dullac, dont les actions jusque-là ont été narrées à la troisième personne, de s’exprimer à la première personne ; façon de montrer pour l’auteur que Valentin est partie prenante du discours qu’il a contribué à forger et qu’il devient par là l’écrivain qu’il a entrepris d’être.

Les nombreux personnages croisés par Valentin, qu’ils soient des notables ou des inconnus, sont croqués, individualisés par deux ou trois particularités physiques qui leur donnent une présence au-delà de ce qu’ils font ou disent. Cela souligne aussi l’extrême variété de la population et de l’agitation du moment.

« Dans la vie véritable, qui ne ressemble pas souvent aux récits qu’on en fait, écrit l’auteur, les causes, les conséquences, les caractères, les motivations et jusqu’aux faits mêmes, tout ou presque nage dans un brouillard cotonneux, un flou indécis. »

Un ouvrage remarquable, atypique de Philippe Remy-Wilkin qui dans le même temps où il nous documente sur un pan peu connu, peu rapporté, de la Première Guerre mondiale nous fait ressentir, entendre, humer, presque toucher, la capitale belge au sortir d’une période cruciale de son histoire, de notre histoire.

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La renaissance d'un état

8 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 11 août 2023

Début novembre 1918, un jeune militaire belge protégé du roi, opérant en civil, fonce sur sa mobylette à travers le « Pajottenland » vers une ferme où la sœur de son ami blessé est en situation difficile sous la menace de pseudo résistants, ceux qui veulent, à la dernière heure, s’offrir une image de combattant, de patriote convaincu et engagé dans le combat contre l’ennemi. Après quelques échanges de propos et d’horions, Il libère la jeune femme et la confie à un homme sûr qui saura la mettre en sécurité. Lui, il doit accomplir une autre mission confiée par le Roi lui-même, une mission secrète qu’il ne peut dévoiler à personne même à ses plus fidèles amis, supérieurs hiérarchiques ou élus politiques.

Il fonce vers la capitale à travers un invraisemblable chaos digne de la débâcle engendrée par certaines guerres. Les Belges pensent que la guerre est finie et veulent regagner leurs pénates bruxelloises, d’autres fuient dans l’autre sens, certains veulent se mêler à la bagarre de l’après-guerre par conviction politique ou par intérêt personnel. Mais le problème le plus aigu est créé par l’occupant lui-même où une rébellion s’est déclarée. A Berlin, Karl Liebknecht a décrété « la République socialiste libre d’Allemagne, la fin du Capitalisme et la dictature du Prolétariat ». Les soldats allemands dont certains avaient déjà fraternité avec les Anglais à l’occasion d’un match de foot improvisé entre les lignes ennemies, déclare « la fondation du Conseil des Soldats de Bruxelles » qui prend localement le pouvoir avec « l’appui du Conseil des Commissaires du peuple, à Berlin ».

La pagaille est énorme, les Allemands se battent entre eux, les francs-tireurs belges tirent sur les ennemis en déroute, les pilleurs sont de plus en plus actifs tout comme les citoyens qui manquent de tout et pensent le trouver dans les wagons bloquer dans les gares. Mais, dans les Wagons, il y aa aussi des armes et des munitions qui trouvent vite preneurs et utilisateurs. Les Allemands ne peuvent plus assurer la sécurité, les Belges n’ont que très peu de moyens, c’est l’anarchie ! Valentin doit accomplir sa mission au plus vite, il doit faire rentrer en Belgique un homme politique important à qui le Roi veut confier un poste à responsabilité dans le nouveau gouvernement. L’homme a résisté à l’ennemi, il a été déporté en Allemagne, il faut l’extraire de sa cellule et le ramener à Bruxelles où sa présence est nécessaire pour constituer le nouveau gouvernement.

C’est cette course effrénée, toutes les péripéties qui agitent le milieu politique, les velléités de révolution, les émeutes populaires, …, que raconte l’auteur. Tout un ensemble de faits plus ou moins importants qui ont décidé du sort de la Belgique et un peu celui de l’Allemagne et de l’Europe. C’est le début de l’affrontement entre démocrates socialistes et spartakistes pour s’emparer des lambeaux du pouvoir impérial. L’affrontement qui conduira à la guerre suivante… comme l’ont raconté des historiens comme William Shirer, Markus Enzensberger et de nombreux autres.

Le sort de la Belgique se joue entre les forces révolutionnaires et celles restées fidèles au Roi cherchant à rétablir le pouvoir précédent. Tout un ensemble de tractations, d’alliances de circonstance, de manœuvres politiciennes, de cabales diverses sur fond d’émeutes accouchent de ce que sera la Belgique du XX° siècle. Des faits que beaucoup ont oubliés, ils ne semblaient sans doute pas assez importants à ceux qui ont écrits l’histoire de la Belgique pendant la libération de 1918, à la onzième minute, de la onzième heure du onzième jour du onzième mois de l’année 1918. Un exercice de mémoire pou remettre chacun à sa place et dans ses actes.

Merci à l’auteur d’avoir remis les pendules à l’heure et d’avoir comblé certaines lacunes dont les miennes.

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