Bruire de Daniel Blanchard, Farhad Ostovani (Dessin)

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par JPGP, le 4 juin 2023 (Inscrit le 10 décembre 2022, 77 ans)
La note : 10 étoiles
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Daniel Blanchard et les plaisirs du soir

En lisant Blanchard se comprend aussitôt qu'il faut bien que le plaisir soit encore là pour qu'un poète, en touchant au crépuscule, possède un regard si proche de ce qui se défait. Le livre le concentre dans ses haïkus là où l’univers en disparition s’approche. Mais la forme du genre forain le métamorphose en le retraversant au nom de l’amour (partagé).

Comme le vent qui couche avec l'espace afin de le rendre visible et apaisé., le poème devient un murmure sentimental (en rien affecté) au sein des plis imposés du Haiku. Par lui les émotions touchent autrement les sens et l’esprit. Il fait éclater l’abstraction des mots et la rythmique des vers occidentaux. Ce bruire est subtile. Il approche de la cendre à travers un regard aussi veuf que neuf. Et Blanchard apprend à énumérer sur ses doigts quelque chose qui ne peut pas compter sinon dans le parfait d’un passé antérieur.

Néanmoins la sécrétion d'images n’est pas là non pour retenir la vie mais pour y avancer. Chaque image transforme le passé à l’aune d’un présent qui s’enrhume. Paradoxalement la présence qui habite l’être n'est plus celle de la douleur nostalgique mais d'une forme de jouissance : elle permet de recommencer le jour.

Nulle odeur d'éther ou de térébenthine mais des voûtes pailletées, des ombres et trouées, là où, les mots tombant comme les feuilles d’automne, le temps obligent à comprendre (enfin presque) ce qu’est la vie. Le cœur y bat sans virus de mort mais en pulsion - même si en novembre la nuit tombe très vite…

Mais qu’importe la paroi reste mais le poète reste léger. Le haiku y engage. Car il déplace les lignes en ses vagues où s’accomplissent des mesures où des fils ténus d’une logique admise se brisent et que jaillissent un lux in tenebris avant que nous basculions dans les ombres éternelles.

Quant aux arbres morts de Farhad Ostovani, ils précisent l'histoire du labyrinthe de l'être. Ils rappellent s que l'homme quoique amoureux sera toujours moins ailé qu'un Dédalus Joycien. Mais cela n'enlève rien au plaisir d'avoir été, de s'en souvenir de manière moins médaillé mais plus habité qu'un ancien combattant des amours ancillaires. A l’image votive le poète préfère celle qui agace encore, qui "inter-loque" entre "deux bras d'eau vive". Ceux de la femme. Elle seule peut ou pourrait mettre à mal la caresse mortelle de la grande nuit perpétuelle.

Jean-Paul Gavard-Perret

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