Mémoires de deux jeunes mariées de Honoré de Balzac

Mémoires de deux jeunes mariées de Honoré de Balzac

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Monocle, le 31 août 2020 (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 65 ans)
La note : 4 étoiles
Moyenne des notes : 6 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (52 112ème position).
Visites : 4 268 

Un peu ardu

Roman épistolaire entre Louise et Renée qui se racontent leur vie et leurs déboires.
Les débuts sont gais et insouciants mais peu à peu les soucis du quotidien viennent donner une toute autre couleur au ciel bleu.
Ce qui est frappant est la connaissance qu'ont ces femmes et les affaires d'argent : les rentes, les placements, les bons d'état... tout ça n'a l'air d'avoir aucun secret pour eux.
La place de l'homme dans ce livre est secondaire mais ce n'est pas par hasard. Cette génération de dames se prépare à pouvoir se passer de l'homme comme maître.
Tandis que leur chemins se séparent, les lettres se font plus rares et chacune se rend vers sa destinée. L'une sagement mère, l'autre amante jalouse qui forgera son malheur.

Il semblerait que ce texte soit l'extrait de deux nouvelles de Balzac non abouties. Pour ma part j'ai trouvé la lecture assommante, mais les nuits d'insomnie parfois se contentent de peu

les personnages :

– Armande-Louise-Marie de CHAULIEU : fille du duc et de la duchesse de Chaulieu, grande famille du noble faubourg (le père sera ambassadeur en Espagne, et la mère la maîtresse de Canalis). Elle quitte son couvent à 18 ans, en 1823, et fait tout de suite ses débuts dans le monde. Elle a failli devenir Soeur Marie des Anges, et se laisse volontairement mourir à trente ans, en se rendant poitrinaire. Il est question d'elle dans Madame Firmani, précédemment lu

– Marie GASTON : le second époux de Louise

– Felipe HENAREZ : duc de Soria, baron de Macumer, ce Grand d'Espagne vit en exil à Paris en donnant des leçons d'espagnol au duc de Chaulieu et à sa fille. C'est Talleyrand qui révèle son identité. De Marsay tente de le dissuader d'épouser Louise, mais il se marie aux flambeaux, à minuit, en 1825.
– La comtesse Renée de L'ESTORADE (née de Maucombe) : d'une vieille famille provençale. Au sortir du couvent elle reste provinciale, épouse et mère. Son mari, le comte Louis, est un rescapé de Leipzig, il fait un parcours sans faute : député, pair de France, grand officier de la Légion d'honneur et président de chambre à la Cour des Comptes en 1835.

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Sur le mariage et l'amour

8 étoiles

Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 54 ans) - 18 décembre 2025

Louise et Renée sont deux jeunes filles qui sortent du couvent où elles sont restées ensemble plusieurs années et qui s’en vont chacune rejoindre leurs familles aristocratiques respectives, Louise à Paris où elle est une Chaulieu et Renée en Provence où elle est une Maucombe. Tout ceci se passe en 1823, année où elles commencent à correspondre par lettre pour se raconter l’une à l’autre leurs vies.

Ce sont de jeunes filles sans dot, car leurs familles les ont dépouillées de leur héritage pour mieux en pourvoir leurs frères, estimant, à tort ou à raison, qu’il leur est plus nécessaire qu’à elles. Leurs familles avaient donc espéré qu’elles resteraient à vie dans leur couvent pour qu’elles ne réclamassent jamais leurs parts de la fortune familiale. Mais puisqu’elles n’avaient aucun goût pour la vie monastique, il a bien fallu les en faire sortir et les réintégrer au sein du giron familial. Mais elles restèrent sans dot.

En ce temps-là, une jeune fille sans dot est presque impossible à marier, à moins que le futur mari ne l’accepte comme femme en certifiant officiellement avoir bien reçu la dot mais officieusement sans en avoir vu la couleur. Et c’est ce qui arriva à Louise, qui épousa un duc espagnol déchu et exilé en Sardaigne et à Renée un noble désargenté et traumatisé par les guerres napoléoniennes.

Au fil des échanges de lettres qui s’étalent sur plusieurs années, voient s’évoluer leurs situations matrimoniales et les justifications sociales, psychologiques et philosophiques qu’elles se donnent à elles-mêmes et à l’autre. Car il faut le dire, toutes jeunes filles qu’elles soient, leur tête est bien pleine et elles sont capables de discourir en hautes analyses fines sur les raisons et les sentiments qui les poussent à faire les choix différents qu’elles font. À tel point que cela peut paraître assez peu vraisemblable. On se laisse prendre pourtant au jeu.

C’est bien sûr Balzac qui met dans leurs pensées ses propres conceptions. Et il faut dire que c’est assez bluffant, cette capacité à longuement théoriser et argumenter sur l’amour et le mariage à partir de l’esprit donné à l’une puis de contre-théoriser et contre-argumenter sur les mêmes thèmes aussi longuement avec le raisonnement de l’autre. Car l’auteur les campe un peu dans des postures plus ou moins opposées entre elles, Louise représentant plutôt les passions et l’amour vécu dans la plus grande intensité possible, jusqu’à l’extatique et Renée plutôt dans l’amour raisonnable et vécu plus terre à terre, plus réaliste. Mais les deux connaissent les joies et les désenchantements du mariage chacune à leur manière et tour à tour.

La grande question du livre est donc le mariage et l’amour, vus de jeunes filles devenant femmes, dans le contexte social des années 1820-1830. Il est vrai que la forme épistolaire n’est pas évidente à faire vivre un livre dans les yeux du lecteur. C’est un genre difficile, et quand on a lu Choderlos de Laclos, on se dit que la barre est haute, haute même pour un génie comme Balzac. Ce sera d’ailleurs le seul roman de forme épistolaire de la Comédie Humaine. Et de mon avis, je pense que la première moitié du livre aurait gagné à être raccourcie et lui donner plus de vigueur ainsi. Mais l’histoire va crescendo et on apprécie la seconde moitié jusqu’au dénouement final et tragique.

Un livre où il faut apprécier la lenteur et les considérations sur le mariage propre à cette époque. Et la plume de Balzac, toujours aussi inégalable mais pas toujours égal pour le lecteur ici, mais qui étonnera par cette facilité apparente à dérouler contradictoirement en long et en large, en hauteur et en profondeur, ses idées qu’il a abondantes.

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