Savoir tourner la page

Le livre commence le 8 novembre 1944, jour du débarquement américain à Casablanca. Pour Armand qui travaille dans les assurances, c'est plutôt le jour où « commence la fin ». La fin d’une époque, comme on dit avec nostalgie en parlant le plus souvent d’une longue période de bonheur. Ressentant cet événement comme une déflagration, Armand décide d’aller à contre-courant de l’histoire qu’il pressent : il va quitter les assurances, épouser Agathe, lui faire trois enfants et leur construire une nouvelle vie dans ce Maroc encore sous protectorat français.
L’ascension sociale d’Armand qu’on observera tout au long de la construction de la nouvelle villa de la famille dans les beaux quartiers (la « Baraka », il en faudra !) se fera dans ce contexte difficile d’un pays qui découvre qu’il va pouvoir, peut-être, oser imaginer échapper à la férule de la France.
L’histoire de cette famille et de cette ville blanche en devenir nous fait assister à l’expansion peu contrôlée de l’économie du pays et au développement tout aussi peu maîtrisé de cette cellule familiale dans laquelle Agathe s’étiole et que les enfants eux-mêmes vont perturber par des fréquentations largement inavouables pour l’époque.
Armand semble fuir en avant avec des oeillères qui lui font ignorer jusqu’au bout cette volonté retenue mais massive des populations à recouvrer une autonomie oubliée.
Un peu plus de dix ans vont passer jusqu’à ce jour de décembre 1953 où des événements sanglants vont enfin ouvrir les yeux des autorités françaises.
La véritable bulle dans laquelle Armand et sa famille se complaisaient, leur faisant pratiquement ignorer l’existence des Marocains, hormis ceux qui les servaient, ou leur servaient, ce retrait volontaire qui ne les voyait fréquenter que la petite minorité française du Maroc, cette bulle va éclater au soleil. La répression sanglante des manifestations nationalistes allumera la peur. La peur de tout perdre : confort, statut, et accessoirement la vie...
Cette fresque vivante est dépeinte sans complaisance dans un style direct et vigoureux. L’auteur, né lui-même à Casa en 1943, reconstitue ce qu’a certainement dû être la vie de pas mal de familles issues de la colonisation et qui se refusaient à envisager que « leur » pays puisse un jour se tourner vers un avenir décidé en toute autonomie et faisant table rase d’un passé constructif mais définitivement révolu.

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  Casa [Texte imprimé], roman François Salvaing

  de Salvaing, François
  Stock / Roman
  ISBN : 9782234056046 ; 20,30 € ; 20/08/2003 ; 363 p. ; Broché

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