Les Mensonges de Françoise Mallet-Joris

Les Mensonges de Françoise Mallet-Joris

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Fanou03, le 26 juin 2017 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 48 ans)
La note : 8 étoiles
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Une sombre symphonie

Klaes van Baarnheim, un riche brasseur qui souffre d'une maladie de cœur, règne en maître absolu sur ses affaires et sa maison. Il a recueilli sa fille Alberte, maintenant adolescente, dont la mère, Elsa, une prostituée du port, couve toujours le vain espoir que le bourgeois l’aimera de nouveau. Mais Klaes van Baarnheim ne peut plus supporter les exigences d'Elsa. Il lui fait une dernière proposition pour qu'elle quitte la ville définitivement et ne revoie plus sa fille.

Je dirais que la structure des Mensonges est une série de cercles concentriques de lieux et de personnages. Le premier de ces cercles pourrait être représenté par la ville où se passe l'action, une cité portuaire (Anvers ?) où coexistent les quartiers mal-famés, les quais, les demeures bourgeoises. Ce monde urbain est un personnage à lui tout seul. Françoise Mallet-Joris en fait une description remarquable, à la fois très réaliste (voir la visite de la brasserie par exemple), presque socio-économique, le tout avec un style puissant et poétique. La ville porte les protagonistes, elle les déploie, les entoure, les étouffe.

Viennent ensuite les personnages, plus ou moins secondaires, qui gravitent autour de Klaes van Baarnheim. La situation rappelle d'ailleurs quelque peu Le nœud de vipère: un vieil homme riche est entouré d’une cour d’héritiers présomptifs qu’il méprise. Familles proches ou domesticité, tous s’efforcent de se plier aux désirs du patriarche, dans l’espoir d’obtenir peut-être quelque arpent de sa fortune. Il y a un peu de vaudeville dans cette cour, une peinture de mœurs un peu caricaturale parfois, mais souvent acerbe.

Mais ce qui fait battre sans doute le cœur des Mensonges sont les relations entre Klaes van Baarnheim, sa fille Alberte, et Elsa, son ancienne maîtresse, la mère d’Alberte. Relations terribles, affrontements hors-norme entre trois figures qui ne le sont pas moins, un bourgeois, agonisant, qui veut ordonner le monde à sa volonté (en cela il évoque irrésistiblement les caractéristiques du Bourgeois telles que décrites par Jacques Ellul); une femme, aux limites de la folie, qui se berce dans ses illusions, nourries par ses mensonges et ceux qu’on lui raconte; une jeune femme impénétrable, fascinée par la puissance et la richesse de son père, mais qui lui résiste cependant.

Je suis vraiment surpris qu’un récit d’une telle force soit relativement méconnu. Les Mensonges est en effet un roman intense, une sombre symphonie, où les analyses psychologiques tiennent une place essentielle. La partition de Françoise Mallet-Joris y est tendue et profonde, son sens de la composition souvent admirable, en particulier la scène d'ouverture et la conclusion.

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