Guillen Lombardo, le rebelle, à l'origine de la légende de Zorro de Fabio Troncarelli

Guillen Lombardo, le rebelle, à l'origine de la légende de Zorro de Fabio Troncarelli
( La spada e la croce)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Folfaerie, le 12 avril 2004 (Inscrite le 4 novembre 2002, 55 ans)
La note : 8 étoiles
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sur les traces de Las Casas

Un sujet rarement exploité et très bien traité par un spécialiste italien de paléographie latine et codicologie : l'inquisition au Mexique au XVIIè siècle. Cette époque n'est pas analysée sur toute sa durée mais à travers un personnage ayant vécu une période charnière, Guillen Lombardo (1615-1659), qui a donné naissance à la légende de Zorro, et qui a inspiré Kipling pour "l'homme qui voulut être roi".

C'était un Irlandais qui s'appelait William Lamport et qui se mit au service d'Olivares, éminence grise du roi d'Espagne Philippe IV. Pour un aventurier jeune et idéaliste, et loin d'être inculte, le Nouveau Monde représentait une réelle opportunité. Le Mexique était alors une vice-royauté, gouvernée par un vice-roi cupide et incompétent, qui pillait sans vergogne dans les caisses de l'Etat. La mission de Lombardo était donc d'espionner les agissements du vice-roi et d'en faire un rapport qui compromettrait le personnage et provoquerait sa destitution. L'homme le plus influent du moment était l'évêque Palafox, dont les réformes et suggestions étaient fort impopulaires parmi la haute société de Mexico. Les injustices étaient pourtant monnaie courante. Il existait un système de castes divisées en 25 catégories, dont la dernière se composait des Indiens et Noirs de sang pur. La corruption régnait à tous les niveaux, les moeurs étaient très relachées y compris au sein des ordres religieux, et surtout, le tribunal de l'inquisition était tout-puissant.

Alors que vient faire Lombardo dans cette histoire ? Il avait tout simplement monté un projet audacieux mais bien pensé : soulever les populations indigènes afin de faire cesser les injustices et leur donner un roi digne de ce nom. Il y avait tout de même 3 500 000 indiens pour 200 000 blancs. Parallèlement à son travail d'espion, Lombardo, suivant en cela les traces de Las Casas, n'hésitait pas à prendre la défense des Indiens et à remettre en cause la souveraineté de l'Espagne sur le Nouveau Monde. Il avait par ailleurs soutenu Palafox que l'Inquisition commençait à regarder de travers. C'était un jeu dangereux et l'Inquisition ne tarda pas à s'intéresser à lui. Arrêté et emprisonné avant d'avoir pu mener à bien son projet, Lombardo servit de bouc émissaire. Comme toujours en politique, les alliances faites et défaites, les vrais-faux amis, les trahisons, les revirements ponctuèrent son séjour dans les geôles insalubres de Mexico où il subit mauvais traitements et même des tentatives d'assassinat. Il fut l'un de ces rois de l'hiver, comme les appelaient les espagnols, un roi éphémère, incarné par ces mainnequins de paille que l'on brûlait au terme de la saison.

Ce livre passionnant donne une vision très juste des pratiques de l'Inquisition et a le mérite de rappeler que malgré les prises de positions de grands humanistes, et de Las Casas en particulier, les indiens eurent encore à souffrir pendant une longue période des agissements des colonisateurs (meurtres, tortures, acculturation...). Les rites païens célébrés par les populations indigènes étaient assimilés à la sorcellerie, pratique qui conduisait généralement au bûcher. L'Eglise catholique n'a décidément pas ma sympathie...

Cette histoire n'a pas manqué de me faire penser à l'une de mes récentes lectures, Spartacus, et ces deux destinées ont bien des points communs, et j'ai également pensé à quelques passages du très beau film de Roland Joffé : "Mission". A la fin de son livre, Troncarelli ajoute : "Après tant de siècles, à travers tant de métamorphoses, de morts et de résurrections, l'homme qui voulait devenir roi est encore vivant dans le souvenir des hommes. Dans la sentence de mort de l'Irlandais il était écrit que celui-ci devait être brûlé "afin que (...) nul n'en garde le souvenir". Le temps qui est juste, a prononcé depuis longtemps son verdict sur cette sentence".

Pour finir, il suffit de savoir que les révoltes indiennes, soutenues par le souvenir de Lombardo, éclatèrent bien des années après sa mort. C'est sa légende qui permit ce changement et alimenta cette force grandissante. Quelques auteurs du XIXè s'emparèrent de son histoire, jusqu'à ce que Johnston McCulley le transforme en justicier solitaire, ce Zorro qui fait partie de la mémoire collective. Une belle revanche.

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Les éditions

  • Guillén Lombardo, le rebelle [Texte imprimé], à l'origine de la légende de Zorro Fabio Troncarelli trad. de l'italien par Loïc Cohen
    de Troncarelli, Fabio Cohen, Loïc (Traducteur)
    Privat / Bibliothèque historique Privat.
    ISBN : 9782708956049 ; 28,20 € ; 09/05/2001 ; 315 p. ; broché
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