Les visages pâles de Solange Bied-Charreton

Les visages pâles de Solange Bied-Charreton

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par TRIEB, le 27 juin 2016 (BOULOGNE-BILLANCOURT, Inscrit le 18 avril 2012, 72 ans)
La note : 10 étoiles
Visites : 2 806 

ETATS DIVERS DE LA CONSCIENCE

Lorsque Raoul Etienne décède dans sa demeure gersoise la Banèra, ses trois petits-enfants sont amenés à prendre la route pour assister aux obsèques du patriarche. Car c’en est un, l’expression n’est pas outrée. C’est un industriel, autrefois très prospère qui a réussi dans la fabrication des brosses à dent. Jean-Michel, le père, est décidé à vendre cette demeure d’un autre temps, d’un autre âge, qu’il trouve trop liée au passé, cette demeure qu’il n’avait jamais vraiment aimée : «L’avenir, selon lui, était au renouveau. Quoi qu’en pensent les enfants, la Banèra n'était pas leur bien le plus précieux. Parce que la Banèra n’était pas leur bien le plus précieux. Parce que la Banèra signifiait le passé, le passé qui nous ronge. Pour la première fois, il envisagea de l’abandonner. » Ce qui retient l'attention du lecteur très vite, ce sont les descriptions très détaillées, très véridiques, subtiles des états d’âmes et interrogations, tourments divers auxquels sont confrontés Hortense, Lucile, et Alexandre, les trois enfants de Jean-Michel.


Hortense fonde une start-up, Clean and Co, elle s'investit dans sa vie professionnelle, elle est désireuse de réussir, de s'imposer, comme tous les entrepreneurs en mal de reconnaissance et d’exultation entrepreneuriale. Sa sœur Lucile est graphiste, elle est difficilement intégrée dans sa boîte, en proie aux moqueries et aux lazzis de ses collègues, du service de l’Innovation graphique, elle s’y perd, lâche le morceau et tente de vivre une relation, sans issue, sans vérité, ni consistance, avec un certain Charles Valérien, rencontré lors d’une soirée.
Le cas d’Alexandre est un peu plus atypique ; il est attiré par le mouvement de la Manif pour Tous, persuadé qu’il est de la décadence de la France et de la proche disparition de la société patriarcale si la loi scélérate est votée et ouvre la porte aux pires dérives. Il croit participer aux événements, être en prise avec la réalité, s'engager. Ce qui est admirablement décrypté, disséqué, ce sont les différents états de conscience par lesquels passent ces personnages. L’auteure est sans complaisance avec eux, elle porte un terrible jugement : « Chacune de leurs actions prouvait leur vie risible, justifiait qu’ils poursuivent leur existence vaine, le tracé convulsif qu’ils avare entamé sans crever d’opercule. Aucune de leurs actions n'avait le moindre impact, elles effleuraient la vie, célébraient le néant, abolissaient le jour, sa possibilité, où ils seraient rendus à eux-mêmes. » Pourtant, elle entrevoit une résurrection à la fin du roman : la perspective qu’ils se retrouvent, tous, lors de la vente, comme pour se ressourcer et retrouver des fragments de sincérité et de vérité personnelle.

Ce roman évoque très bien les relations d’une famille bourgeoise, le poids de l’héritage familial, la place des fausses raisons qui orientent parfois les vies de chacun. C’est très bien écrit, tout en finesse, avec un humour grinçant. Un très beau roman réussi.

Connectez vous pour ajouter ce livre dans une liste ou dans votre biblio.

Les éditions

»Enregistrez-vous pour ajouter une édition

Les livres liés

Pas de série ou de livres liés.   Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série

Forums: Les visages pâles

Il n'y a pas encore de discussion autour de "Les visages pâles".