Comment naissent les araignées ? de Marion Laurent

Comment naissent les araignées ? de Marion Laurent

Catégorie(s) : Bande dessinée => Divers

Critiqué par Blue Boy, le 19 novembre 2015 (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 342ème position).
Visites : 2 496 

Des vies sur le fil

Alice, mal dans sa peau, déprimée par le départ brutal de son petit ami... Isadora, SDF quadragénaire, une vie cabossée par l’alcool …Billie, camarade de classe d’Alice, victime d’une mère poule et d’un frère dominateur. Trois femmes, trois vies en souffrance qui vont se rejoindre le temps d’un voyage aux allures d’errance, comme une quête.

La première chose que voient les bébés araignées, c’est leur mère, comme le raconte Alice à sa copine Billie qui cherche le sommeil dans le froid nocturne. Et comme les bébés ont faim, alors ils la grimpent et se mettent à la bouffer, vivante… « Comment naissent les araignées », un titre réussi, pour une histoire en forme de toile. Trois portraits touchants, trois fils reliés par un autre fil, celui d’une aventure commune sur la route, hors des murs, comme une tentative d’ébranler l’inertie d’un cauchemar. « Comment naissent les araignées » aurait pu s’appeler « comment naissent les névroses ». Car qui dit « naissance » dit « mère ». Et qui dit mère dit transmission, transmission du bon comme du moins bon. Et quand le moins bon ressemble à la méchanceté ou la possessivité, les dégâts sont immenses pour la victime et la folie n’est jamais bien loin. Faut-il alors « bouffer » sa mère pour s’en sortir ? C'est très exactement de cela dont il est question ici.

La Française Marion Laurent nous propose donc là un beau roman graphique estampillé « USA in the nineties », une histoire de femmes américaines à la dérive. Si ce sont principalement les rapports mère-fille qui sont abordés, à l’exception de l’épilogue dédié au petit ami d’Alice, lui-même rejeton d’un géniteur absent, la thématique a trait à la filiation en général et aux bonnes vieilles casseroles familiales que chacun, homme ou femme, traîne avec soi des années durant, avec quelques pistes pour les larguer avant d’être cuit dedans. C’est aussi une « love story » impossible et désespérée entre Dwight et Alice, jeune et jolie Barbarella sous le pinceau de son « boyfriend », impossible parce que la tête et le cœur du jeune homme refusent de s’accorder.

En plus d’un scénario très bien construit, le dessin de Marion Laurent invoque l’urgence avec son trait gras et son absence de fioritures, exprimant à la fois la sensibilité de l’auteure et l’âpreté de ces vies déchirées, que les couleurs obstinément rosâtres tentent peut-être d’apaiser. Les dialogues sonnent juste, les paroles font mal mais libèrent aussi, et quand il n’y en a pas, ce sont les regards, les attitudes, les gestes qui parlent. C’est ainsi qu’en alternant les séquences avec et sans textes, Marion Laurent sait faire respirer son récit avec talent, nous captivant jusqu’à la dernière image, sublime, alors que Dwight vient d’avoir un accident, de cette biche hagarde en pleine forêt au milieu des croquis flottant dans les airs. « Comment naissent les araignées », un des coups de cœur de l’année ? On dirait bien que oui…

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Les éditions

  • Comment naissent les araignées [Texte imprimé] Marion Laurent
    de Laurent, Marion
    Casterman / Univers d'auteurs
    ISBN : 9782203060753 ; 23,00 € ; 25/03/2015 ; 160 p. ; Album
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Portraits sensibles et délicats

8 étoiles

Critique de Sentinelle (Bruxelles, Inscrite le 6 juillet 2007, 54 ans) - 27 octobre 2017

Portrait croisé de trois femmes des années 90 dans une ville banale de l’Amérique. Et celui d’un jeune homme et d’une histoire d’amour qui s’inscrit en filigrane, dans le premier et le dernier chapitre. Leur point commun ? Des failles ou encore l’incompréhension, les malentendus, les silences ou la difficulté de se construire dans les familles où l’un des parents est absent. Les relations Fille/Mère sont particulièrement abordées, avec toute la difficulté de s’émanciper du joug maternel, qui veut protéger mais qui étouffe, recourant parfois à la violence, frontale ou indirecte, par délégation de l’autorité sur le grand frère. La question de la transmission et de la filiation, de la construction de son identité, de ses choix et de leurs implications. C’est aigre-doux, mélancolique et touchant à la fois. Des portraits sensibles et délicats portés par des traits simples et épurés aux couleurs chaudes. Une jolie surprise en ce qui me concerne, avec l’envie d’aller plus loin en compagnie de Marion Laurence.

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