Les Asiates de Jean Hougron

Les Asiates de Jean Hougron

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Tistou, le 23 septembre 2015 (Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans)
La note : 8 étoiles
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La nuit indochinoise (6)

La famille « Groseille » aux colonies … La famille « Groseille, vous voyez ? Celle de « La vie n’est pas un long fleuve tranquille » ? Pour autant, cela ne signifie pas qu’il s’agisse d’un roman comique. Loin de là ! D’ailleurs, dans l’ensemble de la fresque « La nuit indochinoise » foin de comique, tragique à tous les étages, plutôt.
« Les Asiates » est un épisode vietnamien, un long épisode qui narre la vie d’une famille, genre « Groseille », du genre que chez moi, dans une expression picarde peut – être ( ?), on aurait pu nommer une « famille tuyau – de – poêle », signifiant par là que l’ascendance de certains membres de la famille n’était pas forcément établie et qu’une consanguinité était possible.
Toujours les années 50, qui précèdent la guerre qui chassera les Français d’Indochine. La situation dans les villes telles Saigon est encore confortable pour les colons mais l’insécurité due à la guérilla commence à y régner donnant un air marqué de paradis faisandé. Jean Hougron reprend depuis le début du siècle ce qui a amené Bressan, le père , et Françoise, la mère, à venir en jeunes colons conquérants chercher fortune et aventure en Indochine ;

«La carte de l’Indochine était dans la grande salle du rez-de-chaussée. Depuis quarante ans exactement. Sur le mur rayé de crasse, elle faisait pendant au portrait d’un évêque-soldat à grosse barbe qui fronçait des sourcils en chenilles. Personne ne la regardait jamais. Pas même les petits lorsque, d’aventure, ils entraient dans la maison. Quant au Père et à la Mère, ils l’avaient si bien perdue de vue qu’il aurait fallu la retirer pour qu’ils se souviennent soudain qu’elle avait été là.
C’était une vieille carte qui avait dû être très vivement coloriée autrefois : bleu pour la mer, blanc et rose allant jusqu’au brun pour les plaines et les montagnes, bleu encore pour les fleuves et les rivières. La Mère l’avait achetée à Marseille, dans une boutique du Vieux-Port, juste avant d’embarquer sur le voilier qui les emmenait à la colonie.
A bord, elle l’étalait presque chaque jour sur la couchette de la cabine. Son mari se penchait au-dessus de son épaule pour mieux voir, mais aussi pour respirer l’odeur de ses cheveux et toucher son corps tiède. Elle montrait une province minuscule, à peine grande comme l’ongle, s’exerçait en riant à prononcer un nom barbelé de consonnes et interrogeait, la voix émerveillée : Et nous irons là aussi, Pierre ? » Il posait sa main sur le bras de sa femme, approuvait pour qu’elle garde ce visage de très jeune femme heureuse et frottait sa petite moustache cirée, comme chaque fois qu’il était satisfait. »

Et il va dérouler le fil impitoyable des revers et des évènements qui vont conduire à la déchéance de Bressan et à l’état de demi – folie de Françoise. Toutefois, la situation familiale étant passablement compliquée, Jean Hougron éprouve le besoin de nous mettre en tête du roman, à l’instar de livrets de pièces de théâtre, les patronymes et ascendances des différents protagonistes. Les enfants de Françoise et Bressan (plus couramment appelé « le Père ») mais aussi ceux de Bressan avec Nam, la boyesse (la servante), avec Pauline, première concubine du père, avec Sao (la seconde concubine du Père !). Sao qui a eu aussi une fille dont le père est Henri, fils de Bressan … ! Vous suivez ? C’est compliqué et les précisions s’avèrent utiles au fil de la lecture.
C’est bien plutôt la déchéance d’une famille que traite là Jean Hougron. Un type de déchéance qui, néanmoins, fut largement facilitée par les conditions de vie des colons en Indochine. En cela, « Les Asiates » mérite largement sa place dans la fresque « La nuit indochinoise ». Nul doute qu’il y a connu des Bressan, des Françoise, durant ses quatre ans de présence en Indochine – quatre ans d’une extrême fécondité – et qu’il y a trouvé largement matière à un roman. Un autre éclairage de la réalité coloniale qui donne à voir le basculement progressif qui s’opère vers la guérilla, la guerre et l’élimination des Français. Pour autant les Vietnamiens n’étaient pas au bout de leur peine. Il allait leur falloir affronter alors les Américains …
Définitivement, Jean Hougron montre là son talent de romancier, et pas seulement celui d’un reporter de guerre ou de voyages.

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