L'important c'est la sauce de Michel Thauvoye

L'important c'est la sauce de Michel Thauvoye

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Débézed, le 26 mars 2015 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (22 928ème position).
Visites : 1 875 

Noir de noir

J’ai quitté ce recueil de nouvelles comme on sort d’un petit immeuble de trois étages après en avoir exploré les différents niveaux l’un après l’autre. Au premier, j’ai me suis retrouvé dans une ambiance noire, noire comme un pur arabica, dans un univers à la limite de l’imaginable où des héros picaresques – peut-être toujours le même personnage glissé dans une peau différente à chaque fois – plus très jeunes, en rupture avec leur régulière, plutôt portés sur l’alcool et totalement dépourvus de scrupules et de vergogne, capables de tuer, de massacrer, d’assassiner sans aucun état d’âmes, sans le moindre regret, dans des histoires taillées au couteau, ciselées par un orfèvre de la chute imprévisible.

J’ai vite grimpé au deuxième niveau car j’ai bien compris que toute cette violence gratuite et d’une brutalité sauvage n’était qu’un artifice pour mettre le lecteur en émoi avant de le laisser comprendre que toute cette noirceur n’était qu’une énorme farce, qu’il ne s’agissait en fait que d’humour au second degré, d’humour noir comme le chocolat noir de chez noir vanté par un célèbre fabricant.

Et puis, réflexion faite, je me suis dit qu’il fallait jeter un œil au troisième niveau car toute cette violence totalement absurde n’était peut-être pas gratuite, que l’auteur avait certainement passé beaucoup de temps à observer ses concitoyens, leurs mœurs, leur comportement, mais aussi les institutions chargées d’organiser la vie de la société. Et, j’ai bien été obligé d’admettre que tous les vices et les travers dévoilés par l’auteur ne servaient pas qu’à faire frémir les âmes sensibles mais qu’ils lui permettaient aussi de dénoncer nos comportements souvent abscons et de dresser une satire au vitriol des méthodes trop fréquemment absurdes de l’administration.

Michel Thauvoye est un maître de la nouvelle, de la nouvelle noire en l’occurrence, cynique, machiavélique, totalement amorale, ses textes courts, lapidaires, tranchants comme la lame du rasoir, sont un champ de jeu taillé à la dimension de son imagination débordante et explosive. Il trempe hardiment le pamphlet, la parodie, la satire dans le vinaigre le plus acide pour narguer tous les pouvoirs drapés dans l’apparat de leurs abus.

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Des morts sans compter

9 étoiles

Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 17 mars 2017

Neuf nouvelles, placées sous le signe d’une citation introductive de Vian, qui alignent les cadavres et quelques affreux/ses en nous faisant parfois peur (surtout dans les récits d'anticipation) mais aussi souvent rire (jaune).

Examinons-les sans tarder.

Un amateur de cuisine qui quémande l’avis d’un veuf de fraîche date sur le plat qu’il est en train de préparer (1 mort)... Une cinglée qui cherche quelqu’un pour tuer ses parents ligotés chez elle... (3 morts prévus)... Un homme qui a relevé un défi aligne 4 meurtres en 24 heures (4)... Une bombasse rencontrée dans un bar se sert d’un client pour titiller la jalousie de son mari (plus de peur que de mort)... Une équipe de nettoyeurs dans un futur proche caniculaire débarrasse les victimes du réchauffement climatique (une hécatombe)... On vient prévenir un homme à son domicile qu’il a trépassé ailleurs (1 mort, pas celui qu’on croit)... Une épouse entreprend de tondre la pelouse pour faire chier son mari (0 mort sinon une flopée de trèfles)... Une guerre soudaine envoie dans la nature une troupe de miliciens volontaires (1 décès officiel)... Et, last but nos least, THE nouvelle, intense, parfaite. Six personnes dans un même véhicule en route pour la mer, la nuit, au son des Smiths et des Pixies avec une des passagères qui a envie d’uriner. Sea, sex, rock & coke. Mais évidemment c’est trop beau pour durer (1 mort et enterré).

Tous les récits sont écrits à la première personne, celle d’un narrateur davantage témoin ou victime qu’acteur des faits rapportés qui, même quand il en est l’auteur, se sent détaché des événements, en léger décalage, ne leur accordant pas l’importance qu’ils revêtent dans l’absolu, ce qui crée l’appel d’air propice à l’humour et à la gamme des sentiments éprouvés par le lecteur. Récits derrière lesquels se devine la malice d’un écrivain discret jusque sur la photo de quatrième couverture où une partie de son visage disparaît en partie masqué par un verre plein. Un recueil de nouvelles jouissif qui révèle un univers singulier rendu par une écriture sans un mot de trop, justement accordée à son objet.

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