La guerre de Crimée 1853-1856 de Alain Gouttman

La guerre de Crimée 1853-1856 de Alain Gouttman

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Fanou03, le 7 novembre 2014 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 48 ans)
La note : 7 étoiles
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Une guerre oubliée

Combien de personnes savent encore aujourd’hui à quoi fait référence, à Paris par exemple, le boulevard de Sébastopol ou le pont de l’Alma ? Cela est révélateur du relatif anonymat dans lequel est tombé l’étrange épisode de la guerre de Crimée, qui se déroula pendant quatre années, entre 1852 et 1856.

Sans doute les origines confuses du conflit et le théâtre des opérations, éloignés des protagonistes occidentaux, y sont pour quelque chose. C’est oublier pourtant qu’au plus fort des combats, ce sont quand même, du côté des « puissances alliées » (France, Royaume-Uni, Turquie, Piémont) jusqu’à 230 000 soldats qui furent mobilisés. Le livre de Alain Gouttman est donc particulièrement le bienvenu pour faire œuvre de mémoire. Cet ouvrage passionnant éclaire avec subtilité les tenants et les aboutissants d’une guerre quelque peu effacée de la mémoire collective.

Le livre réserve tout d’abord une place importante (mais nécessaire) aux évènements qui sont à la source de la Guerre de Crimée, qu’ils soient secondaires (mais non négligeables), comme « l’Affaire des Lieux Saints », ou qu’ils correspondent à l’enjeu principal : les ambitions territoriales russes face à un Empire Ottoman déliquescent.

C’est ainsi que l’invasion, par les troupes du tsar Nicolas 1er, de la Moldavie et de la Valachie, (Roumanie actuelle, alors possession de la Turquie) provoquèrent une « opération extérieure » de la France et l’Angleterre, alors liées par traité à la Turquie. Rapidement la campagne militaire se cristallisa autour de ce qui allait devenir un symbole, la place forte militaire russe de Sébastopol, qui malgré une résistance acharnée de la part de ses défenseurs fut enlevée le 8 septembre 1855, signant la victoire définitive des français et des anglais.

Je dois dire que j’ai beaucoup apprécié le style précis, mais vivant et fort alerte d’Alain Gouttman : il rend cette monographie plutôt dense très agréable à lire. L’historien donne moult détails sur les opérations militaires, en enrichissant les faits de ses analyses, et en n’hésitant pas en passant à critiquer certaines conclusions de travaux antérieurs. Il nous fait particulièrement bien comprendre l’articulation parfois sensible entre le jeu politique et les décisions des états-majors. De même il parvient à dépeindre avec vivacité les personnalités ayant pesé dans cette guerre, en mettant l’accent sur leurs qualités et leurs faiblesses.

Il faut souligner que, sans en méconnaître les défauts, Alain Gouttman professe à l'évidence une certaine indulgence envers Napoléon III. À ce titre un des efforts de Gouttman est de montrer que, contrairement à ce qui a pu être dit parfois, Napoléon III n’a pas fait que suivre la Grande-Bretagne mais qu’au contraire, au sein du couple franco-anglais, c’est plutôt l’empereur qui imposa ses décisions.

A l’issue de la lecture de ce livre, une impression assez curieuse se dégage, celle d’un conflit, où malgré la boucherie des combats il s’avère que les maladies (choléra en tête) firent beaucoup plus de victimes que les affrontements et où le sens du très long siège de Sébastopol finit par échapper aux officiers eux-mêmes.

Cette guerre était-elle utile ou nécessaire ? Vu de notre siècle, on peut en douter. En tout cas, en provoquant directement ou indirectement, par les jeux diplomatiques, la création de la Roumanie, de l’Italie et de l’Allemagne, elle modela en partie l'Europe moderne que nous connaissons.

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