Les jacarandas de Téhéran de Sahar Delijani

Les jacarandas de Téhéran de Sahar Delijani
(Children of the jacaranda tree)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Pucksimberg, le 30 avril 2014 (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (24 248ème position).
Visites : 3 320 

"Un roman saisissant ... un vibrant hommage à la liberté" ( Khaled Hosseini )

Sahar Delijani est née en Iran, en prison tout comme son héroïne. De 1979 à aujourd'hui, l'auteure offre une lecture saisissante de ce pays oriental. Ce roman se concentre sur un groupe d'individus de trois générations différentes, chaque chapitre se concentre sur un ou plusieurs personnages. A la fin du roman, le lecteur a fait le tour de ce microcosme. On découvre toute une famille et son entourage en proie à des régimes qui usent de la violence et de la peur. Des femmes et des hommes sont régulièrement enfermés, battus, exécutés. Neda naît dans la prison d'Evin de Téhéran et est vite enlevée à sa mère. D'autres enfants, qui occupent une place importante dans ce roman, ont assisté à des scènes atroces ou se trouvent privés de parents à cause du régime en place.

Le contexte historique transparaît évidemment à travers ces récits et certaines scènes sont très difficiles comme cette scène où une jeune femme est battue monstrueusement par un groupe d'hommes perdant ainsi son bébé de deux mois ... On imagine le climat qui régnait en Iran, ces familles désagrégées qui ne parviennent parfois plus à obtenir d'informations sur leurs membres emprisonnés, ces silences étouffants afin de se protéger ... Parallèlement à ces dures épreuves, il y a la vie qui continue avec ses fous rires, ses souvenirs nostalgiques comme l'odeur enivrante des jacarandas, l'odeur douce aussi de la grand-mère, les plaisanteries des cousins, les jeux d'enfants, cette solidarité qui unit ces personnages dont les femmes sont vraiment des personnages authentiques et touchants.

Il y est question d'amour, de l'Histoire et de l'histoire personnelle des individus, de la mémoire, de la famille. Ce roman n'est pas un témoignage, mais semble tout de même fortement inspiré de l'existence de Sahar Delijani, roman marquant par cette peinture faite de l'Iran vue de l'intérieur. C'est sans doute le point fort de ce texte, sans doute plus important que certaines histoires d'amour ...

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Triste humanité

8 étoiles

Critique de Killing79 (Chamalieres, Inscrit le 28 octobre 2010, 44 ans) - 31 août 2015

Sahar Delijani nous fait revivre une partie sombre de l’histoire récente de l’Iran. A travers trois générations d’hommes et de femmes de ce pays, elle met au grand jour les destins tragiques réservés aux opposants du pouvoir. Sous le joug de l’extrémisme politique et religieux, ces personnes éprises de liberté ont été confronté, à différentes époques, à la rigidité et à la cruauté des « redresseurs de torts ».

L’auteur met en place une toile de fond des plus dramatiques, devant laquelle se révèlent des êtres d’une grande humanité. Les émotions sont exacerbées par le danger perpétuel, les liens se créent dans la douleur. La famille, l’amitié et l’amour deviennent les seules armes permettant sinon de combattre mais au moins de vivre mieux dans cet univers de cauchemar.
J’ai compris qu’avec ce roman, Sahar Delijani voulait non seulement témoigner et dénoncer les méfaits dont elle a été victime, mais aussi démontrer le rôle prépondérant que joue le passé sur le futur. Les enfants subissent les résonances de leurs parents et héritent de leur douleur. Ainsi l’Histoire à venir est modifiée par le testament sentimental laissé par les anciens.

C’est un roman bouleversant autant par la souffrance que par l’indignation qu’elle procure. J’ai été emporté par ces sentiments qui ne sont finalement que les fondamentaux de la révolution. « Les enfants du Jacarandas » sont de terribles pages de l’Histoire mais de belles pages d’humanité. Un livre libérateur pour l’auteur, nécessaire pour le lecteur, mais profondément triste. J’ai donc été soulagé de sortir de cet enfer et de revenir à mon quotidien.

Nous avons tous un arbre en nous

10 étoiles

Critique de Deashelle (Tervuren, Inscrite le 22 décembre 2009, 15 ans) - 18 mai 2014

Sahar Delijani pourrait être une de nos filles. Sauf qu’elle est née à Téhéran, en prison, en 1983. Le roman autobiographique qu’elle vient d’écrire possède un souffle évocateur et purificateur puissant qui condamne toute tyrannie. C’est une tentative courageuse et bouleversante de faire la lumière sur la sombre histoire iranienne récente, sur les purges, la torture, la prison et la mort. Et de donner la parole aux victimes des atrocités du régime, ainsi qu’à leur famille et leur descendance. En 1988, des dizaines de milliers de prisonniers politiques ont été assassinés en Iran dont l'oncle de Sahar Delijani, ses parents ayant eu la chance d'avoir été libéré de prison juste avant la "purge".

Le titre du roman en anglais sonne plus juste : « The Children of the Jacaranda Tree ». Le titre français ne reflète pas vraiment combien cet arbre, le Jacaranda du jardin familial peut être mythique. C’est là en effet qu’une généreuse grand-mère et l’une de ses filles, Leila, ont élevé ces enfants spoliés de leurs parents après les arrestations qui ont envoyé les jeunes dissidents pourrir dans les geôles iraniennes surpeuplées. Cet arbre familial a une valeur symbolique pour l’auteur, et les métaphores liées à la nature et particulièrement aux arbres abondent au cours des différents récits. Il représente un lien indissoluble. Il s’agit certes, d’un arbre parmi tant d’autres qui fleurissent la ville de Téhéran. Il est chargé de douces et lourdes fleurs violettes, mais il est aussi l’arbre de vie, l’arbre généalogique, l’arbre de l’harmonie entre humains dignes de ce nom symbole de nature et de sacré. Il s’élance vers le ciel et l’espoir alors que passent et repassent les impitoyables sandales de plastique des Gardiens de la révolution qui traquent une population consumée de terreur.

Le premier chapitre s’ouvre sur l'histoire d’Azar, jeune prisonnière politique qui donne naissance à la prison d'Evin, à Téhéran dans des conditions plus qu’inhumaines. Elle redoute ainsi que ses compagnes chez qui l’espoir est revenu grâce à la présence de l’enfant, que sa petite fille Neda ne lui soit bientôt ôtée. On fait connaissance avec plusieurs détenues et leurs invisibles parents. Ceux-ci, quoi que hors des murs de la prison sont tout aussi prisonniers ou victimes de la haine, de la délation et du système. Parmi elles, Firoozeh, ne résiste pas à la délation en échange de privilèges de la prison. Parisa, qui a déjà un enfant qui grandit recueillie par la grand-mère, est enceinte d'un deuxième. Il y a aussi une gardienne de la révolution bien campée, amoureuse d’un certain Mizieh.

Résilience de la nature humaine: les histoires se croisent et tous ces enfants de dissidents apprennent à survivre sans leurs parents, auprès de leurs proches. Les jeux et les rires d’enfants renaissent. La vie quotidienne s’arrange d’expédients. Mais au cours des chapitres qui couvrent trois générations, un poignant récit de la douleur émerge à chaque instant. La douleur de la séparation des couples, celle des arrestations et des exécutions arbitraires, celle de l’abandon forcé des enfants, celle de la parole confisquée, et du silence imposé entre les membres d’une famille pour se protéger. Ce livre décrit aussi la douleur pour la grand-mère et la tante nourricière quand elles doivent « rendre » aux « vraies mères » sorties de prison, un à un les enfants auxquels elles se sont attachées.

Il y a aussi le thème récurrent du choix douloureux entre faire toute la vérité sur un passé familial douloureux et l’occulter pour préserver les enfants à qui on veut donner les meilleures chances d’épanouissement, loin des souvenirs tragiques. Il y a pour les enfants, devenus adultes, la douleur de la révélation des vérités dissimulées. Il y a la douleur de l’exil à l’étranger, celle des amours contrariées, et celle du retour dans un pays que l’on ne reconnait plus ou qui ne vous reconnait pas. Il y a la question de l’identité.

Malgré de lourds sacrifices, des histoires d’amour ont fleuri avec la ténacité du Jacaranda, en dépit des bombardements et de la guerre civile. Les femmes en tchador sont d’un courage inouï, elles sont étonnante de détermination, d’énergie et de séduction. On les voit passionnées, avec une féminité assumée lorsqu’elles se sont éprises d’un homme. On découvre chez elle un élan vital que nul homme, nulle violence ne peut étouffer. Des femmes-arbres. Jacarandas?

Ainsi, une deuxième génération pleine d’espoir de changement se retrouve dans les rues pour la « révolution verte» de l'Iran de 2009 et fait face aux représailles violentes comme leurs parents, 20 ans plus tôt. Dans le dernier chapitre, Neda - qui était le bébé dont la naissance ouvre le roman - est en Italie, son pays d’adoption. Elle rencontre un iranien fraîchement immigré, Reza, qui vient d'arriver à Turin. C’est un nouveau choc amoureux et une pénible épreuve de vérité. Qui furent les oppresseurs, qui furent les victimes ? Des familles peuvent-elles rêver de paix après tant de brutalités? A quel prix le présent peut-il être reconstruit? Heureusement, il y a le parfum des fleurs de Jacaranda.


Voici donc une œuvre de mémoire viscérale, très captivante. L’écriture vous prend à la gorge. Des balbutiements du débuts jusqu'à la voix mûre et assurée de la jeune femme qui écrit, les histoires et les souvenirs des morts et des survivants sont enlacés pour toujours et ne doivent jamais être oubliés. Une auteure courageuse et déterminée, comme le fut son attachante grand-mère.

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