Soixante jours qui ébranlèrent l’Occident : 10 mai - 10 juillet 1940 de Jacques Benoist-Méchin

Soixante jours qui ébranlèrent l’Occident : 10 mai - 10 juillet 1940 de Jacques Benoist-Méchin

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Chene, le 9 décembre 2013 (Tours, Inscrit le 8 juillet 2009, 54 ans)
La note : 10 étoiles
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On connaît bien les effets, qu'en est-il des causes ?

« 60 jours qui ébranlèrent l’Occident » relate, chronologiquement, jour après jour le plus grand désastre de l’armée française, l’exode de 6 millions de citoyens, le rappel au pouvoir d’un vieillard nationaliste, le maréchal Pétain, acclamé par tous comme un sauveur, la signature de l’armistice de 1940 ouvrant la France à l’occupation et à la dépravation.
Avec une précision des faits, de notes écrites, de discours prononcés par les parlementaires, de comptes rendus des conseils et des Etats-Majors, de sources diplomatiques, d’intrigues de couloirs, d’accidents malheureux, de témoignages, de choses vues et entendues… Jacques Benoist-Méchin entreprend d’expliquer l’effondrement en quelques semaines de la 2eme puissance coloniale du monde.
C’est une histoire qui n’est pas apprise dans les salles de classe, du moins pas dans ce détail. Une histoire dont les médias parlent peu. On s’intéresse toujours, aujourd’hui, à l’histoire du régime de Vichy, les effets, mais rarement aux causes qui ont amené ce régime au pouvoir. On ne sait plus rien de ces hommes qui affrontèrent les évènements de l’époque, sauf quelques noms qu’on voudrait oublier ; Pétain, Daladier, Laval… Et d’autres que l’on glorifie : Churchill, Roosevelt, De Gaulle… Quelles furent les responsabilités des uns et des autres ? Qui se souvient des acteurs de ce drame : Chautemps, Herriot, Lebrun, Flandin, Mandel, Jeanneney, Reynaud, Blum, Spear ?
Par exemple, se rappelle-t-on que Robert Schuman, le fondateur de l’Europe, a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain et qu’il fut, même, secrétaire d’Etat dans son premier gouvernement en 1940 ?
Ce livre nous éclaire sur plusieurs points qui ont amené l’effondrement de la France, sur l’absurdité de la politique étrangère, sur l’impréparation de l’armée, sur la stratégie obsolète de défense mise au point après 14-18, sur l’incurie de la politique intérieure, sur les blocages et la déliquescence du régime, l’obsolescence des idées et sur l’incapacité des hommes…
A ce titre, plusieurs faits et actes effarants peuvent expliquer la défaite de 1940.

La politique étrangère de la France :
Pendant les années 30, notre pays était heureux. Il jouissait de la liberté et d’une prospérité relative. Il n’avait pas de raison de conflit avec ses voisins. En 1939 la France se retrouve seule face aux périls. Comment en est-on arrivé là ?.
Voulu par Paul Reynaud, l’accord Franco-anglais fut négatif pour la France. Celui-ci stipulait que les deux Nations étaient liées et ne pouvaient conclure de paix séparée avec l’Allemagne. Or à la veille de la guerre, alors que l’Angleterre est protégée par la mer du Nord et la Manche, la France est seule face à l’ultra-machine de guerre allemande, Wehrmacht et Luftwaffe confondue. Déjà la Pologne était vaincue, la Tchécoslovaquie dépecée, les USA n’étaient pas encore prêts et ne voulaient pas intervenir et la Russie avait conclu un pacte (Brest-litovsk) avec l ‘Allemagne.
Sa seule alliée ? L’Angleterre qui n’a pas d’armée… En effet, au début de la guerre, elle ne put envoyer que 35000 hommes (en 1939, les Anglais sont encore moins bien préparés que les Français. Leurs forces terrestres sont quasiment nulles. Alors que les Allemands font une guerre de 1939, nous rejouons 1914, les Anglais arriveront à maturité en 1944). Déjà, la France était dans une position tragique. Elle ne pouvait plus négocier une non intervention, en vertu de cet engagement, et elle devait donc se résoudre à affronter seule, l’Allemagne et l’Italie soit une coalition de 125 millions d’habitants puissamment armée, tout en ayant à surveiller aussi sa frontière des Pyrénées et celles de ses colonies.

L’impréparation de l’armée Française :
A la veille de la guerre, l’armée française est dans une totale impréparation ! Depuis deux décennies, la ligne Maginot a concentré tous les crédits militaires. Or, cette dernière ligne de défense ne couvre pas le Nord de la France ! Là où précisément passeront les Allemands. L’armée française a trop peu de blindés, trop peu d’avions, pas de DCA, pas de mines antichars, et encore moins de plan de mobilisation industrielle ni d’outillage adéquat… Son potentiel militaire n’aurait pu être optimal qu’en 1942. Contrairement à l’Allemagne, l’industrie fonctionne au ralenti, elle sera même en panne pendant la mobilisation… (130000 ingénieurs et ouvriers devront être rappelés en urgence). Face à l’armée allemande ultra moderne en 1940, le retard de l’armée française sera impossible à rattraper en quelques mois. Ce qui fera dire au général Gamelin, chef d’état-major au début de la guerre : « jamais à aucune période de son histoire, la France ne s’est engagée dans une guerre dans des conditions initiales aussi défavorables ».

La doctrine des Etats-Majors Français et Allemands :
En 1939, l’Allemagne compte deux stratèges et tacticiens exceptionnels : d’une part, Manstein, qui élabore le plan de contournement de la ligne Maginot, la percée de Sedan, et le coup de ciseaux qui encerclera toutes les armées alliées. D’autre part, Guderian qui perfectionne la tactique de l’attaque-éclair, concentrée et massive des chars et des stukas.
Toute la stratégie Française est fondée, quant à elle, sur la défense derrière la ligne Maginot. L’armée Française est incapable de mener une attaque offensive sur plusieurs semaines. Or c’est sur l’insistance des politiques que Gamelin poussera les armées Françaises au secours de la Belgique hors de ses lignes de défense. Gamelin a manqué de fermeté de caractère pour imposer ses décisions aux parlementaires. Il a laissé faire les politiques. La Wehrmacht n’aura plus qu’à laisser se dérouler le plan Manstein et encercler les armées alliées comme cela était prévu.
De plus, alors que les Allemands présentent un commandement unique, les armées alliées (France, GB, Belges et Hollandais) ont des vues différentes sur les positions à tenir. La coordination fut incohérente et la communication entre les différents QG était difficile.

L’incapacité du personnel dirigeant :
La veille du 10 mai, date à laquelle les armées Allemandes envahissent la Hollande et que 1500 chars traversent le Luxembourg à plein tube, Neville Chamberlain abandonne le pouvoir pour des raisons de santé. L’Angleterre n’a plus de gouvernement ! En France, Paul Reynaud dépose sa démission !
« il faut avouer dira le général Gamelin, que nous nous trouvions dans d’étranges conditions pour aborder la bataille. ». Pendant ces tergiversations politiques, le 16 mai, les blindés Allemands font une trouée de 70 kilomètres entre les armées Françaises et Anglaises dans laquelle les milliers de chars de Rommel et de Guderian s’engouffrent. En plus, Ils percent à un endroit où les armées Françaises étaient faibles, le gros des troupes étant montée plus au Nord en Belgique (ces dernières seront bientôt encerclées). Désormais en un jour les Allemands peuvent être à Paris, c’est la panique ! Paul Reynaud déclare : « nos vies ne comptent pour rien. Une seule chose compte : maintenir la France ! » Gamelin est remplacé par Weygand. Mais un nouveau malheur incroyable s’abat sur la France. Weygand établit un nouveau plan ambitieux et énergique. Il confie au général Billotte son exécution. Celui-ci en retournant à son état major meurt sur la route dans un accident de voiture tout bête ! Le plan ne sera jamais exécuté ! Désormais, plus rien ne pourra empêcher la défaite. Les Anglais se désistent et rembarquent, c’est Dunkerque à la stupéfaction des généraux Français. On oublie de dire que la résistance héroïque de l’armée Française à Dunkerque permettra le sauvetage de l’armée britannique.
Paul Reynaud n’aurait-il pas dû constituer un comité de salut public devant la patrie en danger ? Non, la IIIe République reste la IIIe République. Alors que les armées Allemandes déferlent de partout comme des ruisseaux sortis de leurs lits transformés en torrents destructeurs, et que des millions de réfugiés errent désorientés, le président du conseil n’a d’autres tâches que de respecter la constitution dans les formes. En effet, ce dernier se complique la vie à réunir les deux chambres pour demander l’autorisation de transférer le gouvernement à Alger et de continuer la lutte. On en tombe des nues 70 ans après ! Les politiques n’avaient pas pris autant de précaution lorsque, à la remorque de l’Angleterre, ils déclarèrent la guerre à l’Allemagne. A l’époque, les deux assemblées n’avaient même pas été consultées…

Fallait-il continuer la lutte même en dehors du territoire métropolitain, dans nos colonies, jusqu’au fin fond de l’Afrique, comme l’avaient fait les Russes face à Napoléon en 1812, s’enfonçant toujours plus loin dans leurs immenses contrées ? comme le demandait Churchill : reculer, se battre mais ne jamais se rendre jusqu’à la victoire ? Le transfert des débris de l’armée Française en Afrique du Nord a semblé insurmontable et irréaliste pour les dirigeants de l’époque. Pour lever les obstacles, il nous a manqué un Danton, un César, un Napoléon, un Nabuchodonosor, une Cléopâtre, un Koutousov. En 1914, Gallieni n’avait-il pas réquisitionné tout ce qui roulait (dont les taxis) pour monter les troupes sur le flanc des troupes allemandes qui descendaient sur Paris ? Ce fut la victoire de la Marne. Ne pouvait-on pas réquisitionner tout ce qui flottait pour transférer les troupes et le matériel en Afrique du Nord ?
Je sais c’est facile de dire cela aujourd’hui, mais à l’époque nous avions un Reynaud contre un Hitler…

La IIIe République choisira l’humiliation de la défaite, l’armistice et, quand tout sera perdu, la remise du pouvoir à un militaire, le maréchal Pétain (c’est l’assemblée nationale qui votera les pleins pouvoirs au maréchal Pétain).
D’ailleurs ce qu’on reproche peut-être le plus, à la IIIe République et à ce maréchal, c’est d’avoir rabaissé la France et d’avoir flétri son image pour longtemps en choisissant le parti de l’armistice au lieu du parti de la lutte à outrance.

Quiconque s’attaquera à cette œuvre gigantesque, de 1000 pages, accédera à un monument de l’écriture et de l’histoire incomparable et inégalée. « 60 jours qui ébranlèrent l’Occident » est paru en 1956. C’est une œuvre époustouflante et on la doit au talent d’écrivain de Benoist-Méchin. C’est un livre que, une fois ouvert, il n’est plus possible de fermer.

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