Nous, les noyés de Carsten Jensen

Nous, les noyés de Carsten Jensen
(Vi, de druknede)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone , Littérature => Voyages et aventures

Critiqué par Fa, le 12 juillet 2013 (La Louvière, Inscrit le 9 décembre 2004, 48 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (11 861ème position).
Visites : 4 230 

Magnifiques odyssées.

Laissons-nous embarquer pour un voyage magnifique (1848-1945) et près de sept-cents pages (dans l'édition initiale), nous relatant la vie et le portrait des habitants de Marstal, au Sud de l'archipel danois,, tant les hommes, partis en mer, parfois pour toujours, les femmes qui attendent, et les enfants qui déjà voient leurs destins se profiler.

Cette histoire se divise en quatre grands chapitres qui ponctuent la vie de Marstal et de ses habitants. La première partie relate l'enfance d'Albert et son voyage dans le Pacifique, à la recherche de son père, personnage quasi mythique disparu dans les confins du monde. La partie II relate la reconversion d'Albert et ses interrogations existentielles au soir de sa vie. Il s'attachera alors à Knud Erik, le jeune fils de Klara qui deviendra sa maîtresse et presque sa femme. La partie III nous rappellera les Buddenbrook, de Thomas Mann, où le monde de Marstal bascule vers le déclin au fur et à mesure que disparaît la marine à voile, nous verrons que ce déclin ne vient pas que du destin, mais aussi de la volonté d'une femme partie en guerre contre la mer qui a volé tant de pères, maris et fils de cette petite ville danoise.

Ces trois parties sont riches en tableaux, personnages complexes, couleurs tendres dans le froid du nord. La quatrième sera la cerise sur le gâteau. Nous y découvrirons la bataille de l'Atlantique, la terrible attente des marins, la lutte contre les éléments et le désespoir de rentrer un jour chez soi. Au soir de la seconde guerre mondiale, la conclusion sera magistrale.

Personnages complexes, manuel d'Histoire et livre d'histoires, décors extraordinaire, maîtrise de la narration. Tout est dans ce roman. Une magnifique odyssée.

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Un marathon !

8 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 15 mars 2020

La terre de Danemark est une espèce d'accident entre la mer Baltique et la mer du Nord. Marstal est un port situé dans un espèce de labyrinthe qui la protège un peu de son embarrassant voisin... L’Allemagne.
L'histoire débute par une scène de guerre navale. Le conflit entre le Danemark et la Prusse qui a commencé en 1848.
Puis vient un chapitre, nommé LA GARCETTE. Un instituteur sadique qui martyrise des enfants. Le lecteur désabusé se demande s'il est tombé dans un recueil de nouvelles et ne parvient pas à établir le lien.
Mais tout s'éclaire vite, l'auteur jette sur le papier la vie des ces marins, de ces hommes durs au mal, préparés au pire.
Presque trois semaines pour venir à bout de cette brique de mille pages. Des passages hallucinants.

Qu'est ce qui est venu en premier ? La roue ou la barque ? Que préférions-nous surmonter ? Le poids des charges que nous étions incapables de supporter, ou bien le piège mortel de l'eau, les lointains horizons de l'océan ?
Alors ces hommes que nous décrit l’auteur, ceux-là qui, petits garçons, entendaient en s'endormant chaque soir un orchestre sous leurs fenêtres qui jouait toujours la même mélodie. Le bruit de l'océan qui les appelait.
Les femmes, elles, n'entendaient pas la même chanson. Elle n'arrivaient pas à l'entendre. Ou bien elles ne voulaient pas. Leur sort serait d'être veuve ou au mieux d'attendre ce marin parti en mer pendant des années avant un retour de quelques semaines où des enfants apeurés verrait un étranger hirsute qu'ils devraient appeler papa.

Les rescapés et les autres

9 étoiles

Critique de Kostog (, Inscrit le 31 juillet 2018, 51 ans) - 9 novembre 2019

En dépit des presque 1 000 pages en édition de poche que compte Nous, les noyés, Carsten Jensen réussit avec virtuosité à tenir son lecteur embarqué dans sa fresque attachante des gens de Marstal. Des hommes destinés à devenir marins, car la mer, malgré tous ses dangers, ses naufrages et ses morts, représente le seul avenir et la seule richesse pour ces habitants de la Baltique, et des femmes, toutes à une vie de labeur, assurant le quotidien du ménage et de la marmaille durant de longs mois, et ayant souvent pour lot de devenir veuves sans nul espoir de pouvoir se remarier.

C’est le fond et le fil du roman. Il peut sembler sévère, mais le récit lui ne l'est pas. Basé sur des personnages hauts en couleurs et suivant leurs aventures pleines de rebondissements et de péripéties, il tient le lecteur en haleine jusqu'à la fin.

L'auteur aurait très bien pu faire le pari d'écrire une Comédie humaine des gens de Marstal, car les récits qui composent ce roman fleuve sont si divers qu’ils auraient pu être déclinés en volumes séparés avec leurs propres dénouements. On suit d'abord l'histoire assez picaresque et extravagante de Laurids Madsen, qui échappe à la mort dans un combat naval contre les Allemands, avant de disparaître au bout du monde. Puis celle de son fils Albert qui débute par un roman d'apprentissage, celui des années d'école marquées par la figure de l'instituteur Isager, un tortionnaire sadique dont toute la pédagogie consiste à distribuer cruellement les coups de garcette, enfer dont il n’échappe que pour éprouver la misère d'être mousse sur un bateau. Suit une quête du père qui n'est ni plus ni moins qu'un roman de piraterie dans les eaux du Pacifique. Devenu vieux, Albert est tourmenté par des rêves de bateaux coulés et de noyés dans lesquels il reconnaît les marins de Marstal et dont il a rapidement la confirmation du caractère prophétique par les terribles événements de la Première Guerre mondiale. Le destin de son fils adoptif, tiraillé entre l'interdiction maternelle de devenir marin et son désir de partir vers l’aventure, clôt le roman après que nous l'avons suivi au sein des sinistres dangers qui accompagnent les navires de transport attaqués par les sous-marins et les avions allemands de la Seconde Guerre mondiale. Les dernières pages sont, à mon goût, les plus faibles, mais c'était tâche quasi impossible de terminer par un feu d'artifice une telle épopée.

A la richesse de l’histoire, se combine le talent de Jensen pour dresser des portraits curieux, insolites et humains, sans oublier ceux de deux ou trois salopards de la pire espèce qui accentuent le caractère dramatique du récit dans les moments les plus palpitants.

Bref, difficile ne pas être admiratif devant la capacité de Jensen de traiter avec brio des registres si différents, tout en se tenant à une ligne, celle des noyés qui hantent le passé et le futur des habitants de Marstal, suffisamment consistante pour que le récit ne ressemble pas à un patchwork. Le passage répété mais toujours surprenant du « il » à la première personne du pluriel « nous » illustre bien à la fois les intentions et la maîtrise de l’auteur.

Nous, les noyés comblera les lecteurs qui apprécient que l'imagination de l'écrivain fleurisse sur le terreau de l'histoire et des détails véridiques, et, bien entendu tous ceux qui aiment se laisser transporter vers des cieux où le climat est rude et les lames de l’océan hautes et glaciales.

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