Messiah de Gore Vidal

Messiah de Gore Vidal
(Messiah)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par B1p, le 24 août 2012 (Inscrit le 4 janvier 2004, 50 ans)
La note : 9 étoiles
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les visions et leur pervertissement

Je ne vais pas jouer au spécialiste de l’œuvre de Gore Vidal. Je n'essayerai pas de faire comme si j'étais un des lettrés qui peuvent parler de sa production littéraire autrement que par les lieux-communs nécrologiques que l'on nous a servis partout.

De Vidal, je connais la face trash (Myra Breckinridge), la face sensible (Un garçon près de la rivière). Grace à Messiah, je connais sa face intelligente et incroyablement contemporaine, et ce alors que le roman a été publié il y a 50 ans.

Dans un monde du futur, quelque part en Égypte - une contrée protégée de l'expansion galopante de la nouvelle religion planétaire par son assise musulmane -, le vieux Eugène Luther se souvient. Et il doit se dépêcher, car l'Islam, lui-même, est menacé. Accessoirement sa propre personne.
Il y a des années de cela, bien loin, tellement loin que cela s'est effacé des mémoires et de la Doctrine, il avait connu, lui, le Messie John Cave.
L'un des premiers, il avait été fasciné par ses dispositions oratoires. La personne n'avait de prime abord rien d'exceptionnel. Heureusement, un clan de gens fascinés étaient là : publicitaires, enthousiastes de la première heure, et lui, chargé du développement philosophique d'une doctrine nouvelle basée sur presque rien.
Le but : prendre des parts de marché et/ou faire bénéficier le monde entier des conseils simples de John Cave, être veule et peu intelligent, mais au regard et au pouvoir de persuasion hypnotiques lorsqu'on l'expose sur les ondes ou à la télévision.
Et ça marche. La tache s'étend. La nouvelle religion prend des parts de marché au grand dam des élites chrétiennes qui résistent comme elles le peuvent.
Et les luttes internes, le business. Les enthousiasmes et les manipulations. L'aveuglement, l'intimidation, la mort. Tout ça pour que la nouvelle religion triomphe, au mépris de tout idéal de monde meilleur qu'elle aurait voulu faire naître.
Et dissimulé dans les lieux où tout se décide : les luttes pour le pouvoir qui sont devenues la seule fin réelle du développement de la nouvelle croyance.

Vidal développe les mécanismes qui font passer l'élan sincère à la médiatisation, la manipulation et l'aveuglement de masse.
Putain que c'est bien vu et que c'est lucide.
Je me souviens d'avoir lu "Survivant" de Palahniuk et de m'être dit "Putain que c'est génial". Je me rends compte que 50 ans plus tôt Vidal avait écrit la même chose ou presque. Certes avec un langage plus châtié : d'une manière ou d'une autre il fallait bien qu'il soit de son époque. Mais le contenu, lui, est toujours aussi fascinant et reste instructif pour les lecteurs d'aujourd'hui comme pour ceux de demain, probablement.

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