Molson et le Québec de Gilles Laporte (Québec)

Molson et le Québec de Gilles Laporte (Québec)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Dirlandaise, le 26 avril 2012 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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Une histoire d'amour et de haine

Le fort sympathique historien québécois Gilles Laporte retrace dans ce livre toute l’histoire de la célèbre famille Molson, depuis l’arrivée au Québec de John l’ancien en 1786 jusqu’à la sixième génération avec les trois frères Andrew, Geoffrey et Justin. Je tiens à souligner le travail remarquable de l’auteur qui a bien cerné son sujet dans tous ses aspects autant politiques, économiques, sociaux que religieux. En effet, la famille Molson a contribué à façonner le Québec. John l’ancien ayant définitivement tourné le dos à sa mère patrie l’Angleterre, s’est établi ici et a fondé la première brasserie à force d’acharnement et de travail. John Molson était un innovateur de génie. Il a fait construire la première ligne de chemin de fer québécoise et a construit les premiers bateaux à vapeur ayant sillonné le fleuve Saint-Laurent pendant près de quarante années.

La brasserie Molson est toujours restée fidèle à ses origines et au quartier qui l’a vu naître. Située près du fleuve et du pont Jacques-Cartier, l’édifice des Molson est un emblème, presque un mythe dans l’histoire du Québec. Cependant, monsieur Laporte, loin d’idéaliser les frères Molson, reste lucide et sait mettre en valeur leurs qualités mais aussi leurs nombreux défauts. Chaque membre important de la dynastie a droit a une courte biographie et une analyse de son caractère, de ses décisions et de ses convictions. Tous les faits majeurs ayant touché de près le destin de la brasserie sont racontés avec clarté et une objectivité louable bien que parfois, le ton adopté par l’auteur ne laisse aucun doute sur ses allégeances politiques mais bon, c’est ce que j’ai décelé. D’autres pourront interpréter différemment certains chapitres.

Diriger une telle entreprise au Québec à l’époque de John l’ancien n’était sans doute pas une sinécure et le parcours de la famille s’est avéré assez houleux. Avec une telle diversité de caractères et d’aspirations, la brasserie ne pouvait contenter tout le monde. La deuxième génération s’y est intéressée au plus haut point mais la troisième a surtout mené la grande vie avec la fortune considérable accumulée grâce à la vente de bière auprès de la population ouvrière à forte majorité francophone. D’ailleurs la plupart des employés de la Molson étaient francophones et résidaient près de l’usine tout comme les propriétaires qui ont habité longtemps près des ouvriers avant de déménager vers les beaux quartiers.

Pour bien comprendre le Québec, il faut lire ce livre. Il m’a apporté un éclairage nouveau sur les conditions de vie des ouvriers francophones de la Molson qui, à défaut de recevoir un salaire décent, étaient bien protégés par la famille et recevaient des avantages sociaux non négligeables. Pourtant, je reste songeuse. Pourquoi les Molson n’ont-ils pas mieux payé leurs ouvriers, eux qui ont amassé une véritable fortune et qui ont choisi souvent de faire des dons de charité du côté anglophone ? L’exploitation des francophones québécois était à l’époque généralisée mais heureusement, avec le temps et l’éveil des consciences, le peuple a pu mieux se défendre et négocier des salaires décents à l’aide de syndicats.

Les derniers chapitres portent sur le hockey et l’équipe des Canadiens de Montréal, longtemps détenue par la famille Molson. L’équipe leur permettait d’avoir une bonne visibilité et de vendre encore plus de bière. Car, finalement, toutes leurs actions et décisions allaient dans ce sens : vendre encore et toujours plus de bière par tous les moyens.

C’est un livre remarquable, riche d’informations et de faits étonnants comme par exemple la mort de Harry Molson, riche passager du Titanic et celle du beau Percival, décédé lors de la Première guerre mondiale. Je termine cette critique en retranscrivant les propos tenus par le cinéaste engagé Pierre Falardeau, récipiendaire du prix L.-E. Ouimet-Molson pour le meilleur long métrage de l’année 1994 avec son film « Octobre ». Toujours fidèle à son image, monsieur Falardeau a refusé le prix mais gardé l’argent qui venait avec !!!! Il n’y a que lui qui pouvait agir de la sorte !

« Pour moi, Molson, c’est comme les colonialistes anglais qui rentraient de l’opium en Chine. J’haïs Molson parce qu’il a soûlé des générations de Québécois. On oubliait notre misère dans la broue. »

Et j’ai trouvé cette citation dans le livre, eh oui !

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