Sauver la guerre : Lettre aux futurs survivants de Gaston Bouthoul

Sauver la guerre : Lettre aux futurs survivants de Gaston Bouthoul

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Eric Eliès, le 2 mars 2012 (Inscrit le 22 décembre 2011, 49 ans)
La note : 9 étoiles
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Réflexion sur la guerre par le fondateur de la polémologie

Gaston Bouthoul est le fondateur de la polémologie, qui est l'étude scientifique de la guerre considérée comme un phénomène social. Faisant le bilan de l'échec des multiples traités de paix signés tout au long de l'Histoire, Bouthoul a beaucoup écrit, après la 2ème guerre mondiale, pour dénoncer l'inanité des condamnations morales de la guerre et l'illusion que la guerre était un outil au service de la politique. Pour lui, la guerre est l'exutoire récurrent et inéluctable des tensions démo-économiques lorsque celles-ci deviennent insupportables pour la société (grosso modo : lorsqu'une population jeune et active est privée d'avenir et n'a pas les moyens de subvenir à ses besoins) et les discours politiques ne sont que des justifications voire des émanations de la pulsion belliqueuse qui anime la société et non sa cause. Le retour à la paix ne survient que lorsque la saignée provoquée par la guerre (morts des combattants et/ou destructions matérielles) entraîne une relaxation suffisante des tensions démo-économiques qui avaient généré la guerre. Cette guerre est d'abord civile, par radicalisation des clivages ou par désignation d'une partie de la population comme bouc émissaire, puis se généralise en conflit avec les Etats voisins si la guerre civile n'a pas suffi à provoquer la relaxation. En fait, pour Bouthoul, la guerre civile a surtout un effet d'impulsion car elle fait tomber les barrières psychologiques qui retenaient d'aller à la guerre totale (ex : von Bernardi, etc.)
La spécificité du livre "Sauver la guerre", par rapport aux précédents ouvrages de Bouthoul, est de développer les conséquences de l'arme nucléaire qui, par la menace de destruction totale des belligérants, bouleverse les équilibres historiques ; la dissuasion nucléaire est une épée de Damoclès qui ne permet plus aux tensions démo-économiques de se résoudre temporairement dans la guerre. La situation est extrêmement dangereuse car les tensions démo-économiques sont fortes (Bouthoul écrit en 1960 ; je pense qu'il dirait la même chose aujourd'hui...) ; en outre, malgré les efforts de la communauté internationale (comme ceux de l'Eglise au moyen-âge), on n'a jamais pu empêcher l'usage des armes existantes. Aujourd'hui, dans cette époque marquée par un fort dynamisme démographique (notamment dû à l'amélioration de l'hygiène et de la médecine, etc.) qui a quantitativement effacé les pertes humaines de la 2ème guerre mondiale, les seuls ressorts de la régulation démo-économique sont le progrès technologique et les modes de consommation, qui périment régulièrement la production industrielle et provoquent une "destruction" des biens alimentant l'activité économique. Pour Bouthoul, les discussions sur le désarmement nucléaire et l'organisation politique de la communauté internationale visent inconsciemment, non à assurer la paix mais à "sauver la guerre" en permettant de retrouver une situation similaire à celle antérieure à la seconde guerre mondiale.

Bouthoul considère que seule une approche pragmatique et scientifique de la guerre peut permettre d'assurer la paix. Il rejette les principes des pacifistes qui se contentent de condamner moralement la guerre et de prôner le désarmement des Etats, car ils sont voués à l'échec tant que la société ne traite pas la cause profonde de la guerre : la pulsion belliqueuse née des tensions démo-économiques. Comme toutes les fonctions vitales de la société, l’impulsion belliqueuse est un phénomène social cyclique, qui mûrit lentement et se traduit par une exaltation des vertus de sacrifice et de stoïcisme guerrier. Elle prédispose la foule à la guerre et la rend sourde, voire hostile, aux mises en garde des opposants à la guerre. Pour Bouthoul, le pacifisme, pour être efficace, doit agir sur les causes du besoin provoquant le cycle de l’agressivité au lieu de s’attacher à effacer les conséquences de l’agressivité : la régulation démographique, le développement social et économique des sociétés doivent être des objets d'étude scientifiques pour préserver les sociétés de la menace de la guerre, qui a été omniprésente dans l'Histoire parce que mal comprise.

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