Comme l'errance du "Feu follet"

Gare Saint Lazare - Paris...
Un train Corail vers Evreux...
C'est le train de 19h05, les gens sont nombreux à rentrer du travail, je suis le seul à ressembler à un oisif, j'ai "le Feu follet" sur la plaquette en face de moi.

C'est le livre dont je suis le plus proche ou le film que Louis Malle en a tiré comme par un fait exprès illustré par les "Gymnopédies" de Satie.
Une dame à l'air sévère farfouille dans son sac pour en tirer "le Monde", un jeune homme BCBG téléphone, il a le mobile collé à l'oreille, "T'es où !?", "J'suis dans l'train..." etc...

Drieu, caricaturé souvent en dandy aristocratique, aurait sûrement détesté les portables qui sont l'expression parfaite du néant de la civilisation de la consommation.
Drieu a des opinions insupportables que l'auteur de cette biographie n'excuse pas non plus, comme écrivain, il les a rarement mises vraiment en avant sauf dans un rejet général du monde, comme Céline, qui, lui, est plus respecté. Il faut dire que Drieu ne semble n'avoir rien inventé comme style ou comme langage, et il parle toujours de lui lui reprochera-t-on, mais comme n'importe quel écrivain après tou. Il est moins précieux que Montherlant aussi. Drieu s'est affiché avec des nazis, des collabos, comme plusieurs autres auteurs qui n'ont pas été inquiétés à la Libération. Certains, comme Chardonne, avaient protégés leurs arrières. Cette ostentation politique était peut-être une part de sa volonté d'autodestruction.
Le train démarre et je plonge dans les déambulations apparamment sans causes du Feu Follet. Son amertume correspond bien à la musique de Satie.
Pour l'auteur de ce livre, Drieu a su, et c'est le plus élevé de ses mérites, préserver "une certaine fidélité à la violence du vrai".
Lire Drieu ne correspond pas du tout à notre époque de croyance généralisée en un progrès continu, à une espérance naïve dans la nature humaine qui ne change pas. Drieu n'est pas médiocre comme Brasillach (à mon avis), il est resté lui jusqu'au bout, un Alceste tragique et odieux, ainsi qu'un dandy, un être humain aussi, sensible jusqu'au bout à la médiocrité qui l'entourait, désespéré par la sienne propre.

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  Drieu La Rochelle ou Le bal des maudits [Texte imprimé] Jacques Lecarme

  de Lecarme, Jacques
  PUF / Perspectives critiques.
  ISBN : 9782130499688 ; 26,36 € ; 12/10/2001 ; 469 p. ; Broché

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