Un crime trop souvent oublié

Qui connaît l’histoire de ces citoyens français qui furent incorporés de force dans la Wehrmacht en 1942 et qui sont morts loin des leurs sur le front russe ?

Trop souvent oubliés de l’histoire, ces milliers de jeunes français qui furent obligés de porter l’uniforme de l’armée ennemie parce qu’ils avaient le malheur d’habiter l’Alsace ou la Moselle…

En 1940, l’armée française est vaincue par l’armée allemande. Dans les conditions de l’Armistice, l’Allemagne exige de récupérer les territoires perdus en 1918 : l’Alsace et une partie de la Lorraine, considérées par les Allemands comme des territoires germaniques. Résultat : c’est l’annexion des 3 départements de l’Est de la France et la germanisation et la nazification des populations (les Polonais de Silésie qui avaient un nom de consonance allemande connurent le même sort).
En 1942, face aux pertes considérables de la Wehrmacht sur le front russe, il faut trouver de nouveaux contingents, Hitler exige une nouvelle levée d’hommes. Résultats, 21 classes d’âge en Alsace subirent la conscription obligatoire au bénéfice de l’armée allemande soit 100 00 jeunes alsaciens, 14 classes d’âge en Moselle, soit 30 000 mosellans et sept au Luxembourg soit 11 000 luxembourgeois. Tous ces jeunes hommes furent envoyés au combat… sur le front russe. On va les appeler « les malgré nous ». Certains avaient déjà fait l’objet d’une mobilisation dans l’armée française en 1939. L’incorporation de force demandée par Hitler, était contraire au droit international et est reconnue aujourd’hui comme un crime contre la condition humaine, mais apparemment personne ne pouvait rien faire à l’époque, il n’y eu pas de protestations même de la part du gouvernement de Vichy, qui défaite oblige a dû fermer les yeux.
Pourquoi ces hommes de nationalité française en 1940 ne désertèrent-ils pas en masse et refusèrent-ils pas cette incorporation pourraient dire certains ? C’est très mal connaître le fort pouvoir de répression et d’obligation du pouvoir Nazi de l’époque. Ceux qui ont refusé de porter l’uniforme allemand ont été emprisonnés, mais le plus grave était les répercussions sur les familles qui étaient déportées entièrement dans des régions du Reich qu’ils ne connaissaient pas, voir même, dans des camps de travail. Pourtant malgré cette terrible répression beaucoup (on parle de 57%) ont déserté et sont passés dans l’autre camp, se sont rendus aux Russes ou seront réfractaires. Malgré tout, ces jeunes français se sont retrouvés au milieu des combats sur le front russe dans des contingents composés entièrement d’allemands de souche (on évitait de les regrouper) certains parlaient allemand grâce au dialecte alsacien mais d’autres comme les « welche », par exemple, ceux des Vosges, ne comprenaient pas un mot d’allemand. Leur histoire est longue et dramatique. L’Alsace connaîtra 30 000 morts sur le front russe et 10 000 disparus. C’est la région de France qui aura le plus grand nombre de morts au combat pendant la guerre. Ce qu’on sait encore moins c’est que nombreux ont été prisonniers des Russes et ce sont retrouvés dans des camps soviétiques au fin fond de la Sibérie comme le camp de Tambov (De Gaule arrivera à en faire libérer 1500 des Russes qu’il ramènera en Angleterre pour composer son armée). Certains qui avaient subi une nazification psychologique pendant l’annexion et au sein de l’armée allemande, feront l’objet d’une marxisation dans les camps soviétiques… Certains ne furent libérés qu’en 1947, le dernier alsacien rentré de Sibérie le sera en 1957…
A leur retour ils ne parlèrent pas. Ils n’y arrivaient pas. D’ailleurs on ne voulait pas écouter ces histoires. C’était trop proche et trop douloureux. Ils en avaient honte. Beaucoup les considéraient comme des traîtres. Notamment à Paris car ils avaient porté l’uniforme allemand. Les langues se sont déliées tard. Il fallait que le temps fasse son travail et que de l’eau passe sous les ponts. Beaucoup ne parleront jamais de ça car ils sont morts maintenant. Ils ont emporté avec eux leur souffrance et leur secret et des témoignages précieux pour les générations suivantes et pour l’histoire.
Ce document, édité par le Conseil Général et les archives départementales du Haut Rhin, relate donc cette histoire tragique de ces jeunes français isolés dans des bataillons de la Wehrmacht, envoyés sur le front russe sans d’autres choix possibles que de mourir (le taux de décès sur le front russe était le plus élevé pendant la seconde guerre mondiale, les soldats allemands redoutaient d’être envoyés sur ce front) ou d’être fait prisonniers dans des camps russes. C’est un document avec des témoignages de rescapés et un état des lieux des recherches notamment possible grâce à l’exploitation des archives russes qui se sont ouvertes récemment. Tragique et douloureux pour de nombreuses familles alsaciennes et mosellanes qui toute furent touchées par ce drame ; qui n’a pas un père, un oncle, un frère qui fut incorporé de force dans l’armée allemande en Alsace et en Moselle ? Le traumatisme dans ces départements est immense et a été occulté par la France et l’Allemagne après la guerre.
Pour toujours les Alsaciens feront le choix de la France et reprocheront ce crime à l’Allemagne. Document essentiel pour la mémoire Nationale de la France qui a trop souvent ignoré ce drame.

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  Août 1942, l'incorporation de force des Alsaciens et des Mosellans dans les armées allemandes [Texte imprimé], actes de la [1ère] rencontre de l'AMAM du 15, 16 et 17 octobre 2002, Colmar réunis par Jean-Luc Eichenlaub,... Jean-Noël Grandhom

  de Grandhomme, Jean-Noël (Editeur scientifique) Eichenlaub, Jean-Luc (Editeur scientifique)
  Archives départementales du Haut-Rhin
  ISBN : 9782860680516 ; 15 EUR ; 01/01/2003 ; 257 p. p.