Et le reste, Dieu le peut !

J’ai exhumé du fond des rayons de la bibliothèque d’études cet ouvrage, édité en 1933, de Ladislas Reymont, Prix Nobel de littérature polonais en 1924, qui raconte le pèlerinage à la Vierge de Czestochowa qu’il a effectué en 1894, avec, notamment, des paysans de la région de Varsovie à l’occasion du centenaire de l'insurrection de Kościuszko. « Ces simples notes de route, nerveusement griffonnées sur ses genoux par le jeune écrivain le plus sincère qui ne se soit jamais assis sur le rebord d’un fossé, sont en réalité un des plus beaux récits de Ladislas Reymont. » Ce premier opuscule qui eut un certain succès, annonce son chef d’œuvre, « Les paysans » qui lui vaudra la récompense suprême pour un écrivain.

Ce long périple de deux-cent-cinquante kilomètres au travers de la Pologne évoque à coup sûr les pèlerinages médiévaux, notamment celui en l’honneur de Saint Jacques de Compostelle. Les pèlerins souvent démunis, humbles et fort croyants vont pieds nus ou chaussés d’écorce de tilleul, riches de leur foi sans réserve, aveugle et inaltérable. « La plupart vivent de pain sec qu’ils portent sur le dos. Mais personne ne se demande s’il a mangé, s’il a dormi, s’il est malade, s’il fait chaud ou froid. Chacun tombe seulement, se relève et marche dans une tension d’âme qui ne fait que grandir. » Tout est dit, seule la foi sauve. Ils marchent donc ainsi sans se poser la moindre question, derrière la croix en chantant des cantiques tant que leur force le leur permet.

Et, Ladislas regarde, observe, hume, écoute et dresse un portrait vivant de la Pologne, de la Pologne riche des grasses prairies comme de la Pologne aride, pauvre et désolante, des paysages traversés, des villes et villages où le cortège fait étape, des auberges ou des logis de fortunes où il essaie de trouver un lieu où dormir quelques heures. Son regard acéré, son sens de l’observation et ses capacités de description lui permettent de nous offrir une incomparable galerie de portraits de ces manants qui marchent au rythme de leur foi pour demander, prier, guérir ou simplement parce qu’il faut accomplir ce pèlerinage comme des générations de Polonais le font depuis que la Pologne existe.

C’est un petit peuple que Ladislas nous montre, un peuple croyant jusqu’à l’obscurantisme, un peuple où les anciennes castes se mélangent mal, hobereaux et paysans conservent encore d’anciennes rancœurs entre eux, un peuple de chrétiens où percent, au hasard des descriptions, des petites pointes d’antisémitisme – nous sommes en 1933, n’oublions pas - « La ville de Przedborze est très vieille, très malpropre et fort juive. » Trois qualificatifs qui semblent plutôt péjoratifs quand on les associe de cette façon.

Avec ce carnet de route Lasdislas Reymont montre déjà qu’il est un grand romancier de la terre et de ses plus humbles habitants, ceux qui n’étaient encore que des gueux peu avant qu’il écrive ces lignes, et qui ne peuvent fonder un espoir que dans la religion qui est leur seul recours. « Ainsi donc, Frère, prie, aie la foi que tu redeviendras sain par la grâce de la Très Sainte Vierge de Czestochowa, et tu redeviendras sain. Car ce que nous pouvons, nous le pouvons, et le reste, Dieu le peut. Amen ! »

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  Pèlerinage polonais

  de Reymont, Ladislas Schoell, Franck L. (Traducteur)
  Editions "Je sers" Paris - Editions du Cavalier
  ISBN : 978SANS00002680 ; 10/02/1933 ; 235 p.