la mecanique du psychopathe

Sur un ton résolument féroce et comique, voici une série de nouvelles toutes plus atroces les unes que les autres, mais où l’on ne peut s’empêcher de rire.
Cela commence par la description d’une réalité ordinaire, dans un vocabulaire, parfois châtié, parfois cru et trivial. Rapidement l’histoire dérape, s’emballe on quitte la rassurante banalité pour entrer dans un univers menaçant et monstrueux, dont les règles n’ont plus rien avoir avec le nôtre.
Il s’agit généralement de personnages communs, presque inoffensifs au premier abord qui s’avèrent rapidement être de dangereux psychopathes dont la spécificité est d’être motivé par une raison divine ou pseudo rationnelle qui justifie à leurs yeux leurs actes abominables.

Ils s’expriment en toute candeur, satisfaits du devoir accompli, ne se sentant pas coupables. Je suppose que c’est le ressort comique du récit, l’auteur n’interpose pas de morale entre le personnage et le récit.

Cannibalisme, violences et cruautés de tout ordre se succèdent sans temps mort, dans un style efficace, percutant, les scènes sont découpées comme dans un film
La plus achevée et intelligente des nouvelles : « Un pédophile au grand cœur » fait comprendre comment une personne ordinaire glisse dans l’acceptation de crimes abominables grâce à la manipulation épistolaire du tueur ;
Elle débute par l’échange de lettres entre un prisonnier Alfred, et une jeune femme seule et naïve Josie.
Voici un passage clé du récit : après plusieurs demandes de Josie pour connaître la nature du délit :

« Le 5 novembre 2009
Josie,
Je crois avoir compris la raison de votre silence . Vous avez vraiment envie de savoir….
Il y a des moments dans la vie où il faut faire preuve de franchise, et je crois que ce moment en un ; Josie j’espère que vous allez être compréhensive et faire la part des choses.
Voila j’ai séquestré, violé et décapité huit femmes . La justice a considéré qu’il s’agissait de jeunes femmes, (OK, elles avaient quinze ans au moment des faits mais elles avaient toutes leurs dents).
Bref, vous vouliez savoir, maintenant vous savez. Les hommes commettent parfois des erreurs et je dois reconnaître qu’il s’agit là de huit grosses erreurs. Mais l’erreur est humaine, j’espère que vous saurez être clémente et que vous allez éviter de me juger à l’emporte pièce.
Je tiens à vous, vraiment.
Alfred


Le 1 décembre 2009
Alfred,
Je dois avouer que j’ai été un tout petit peu surprise en lisant la lettre dans laquelle vous expliquez la raison de votre présence en prison. Surprise et effrayée .Je vous avais toujours imaginé comme un simple voleur à la tire, et votre aveu m’a fait froid dans le dos surtout celui concernant les décapitations. Vos lettres sont d’une telle délicatesse, d’une telle sensibilité que d’imaginer ces mains qui m’écrivent de si belles choses séparer huit têtes de leurs corps n’est pas chose facile. Enfin surtout pour moi qui vit seule et qui suis une catholique pratiquante.
Par ailleurs j’ai bien réfléchi à vos meurtres . Et je me suis dit que peut être, ils étaient eux aussi la condition à votre survie.
Mon pauvre Alfred, je suis navrée…Tout cela doit être tellement dur.Je voudrais vous serrer dans mes bras, vous transmettre l’amour que vous méritez et que vous n’avez pas eu.
Votre Josie pour toujours »


L’auteur a du talent, les histoires sont prenantes bien que monstrueuses, le rythme est soutenu, le style est riche et adapté, et on ressent que ces récits ne sont pas gratuits, ils ont un sens.

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  Un fauteuil pneumatique rose au milieu d'une forêt de conifères [Texte imprimé], nouvelles Thibault Lang-Willar

  de Lang-Willar, Thibault
  H. d'Ormesson
  ISBN : 9782350871561 ; 12,93 € ; 06/01/2011 ; 190 p. ; Broché

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