L'orphelin de Pierre Bergounioux

L'orphelin de Pierre Bergounioux

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Débézed, le 28 février 2011 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 422ème position).
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La renaissance par le livre

Même si le sujet est grave, certainement autobiographique, il n’est pas l’essentiel du livre qui réside, plus certainement, dans l’exercice de style que l’auteur s’impose en ciselant des phrases qui coulent comme un frais ruisseau du Massif Central, nourries de mots choisis avec une grande précision et parfois même une certaine originalité, même si quelques mots rares – affiquet, kraal, enfançon, riblon, … - sont utilisés sans parcimonie et peut-être même avec une certaine gourmandise.

Ce brillant exercice s’applique à l’évocation d’une période difficile de la vie de l’auteur, le décès de son père qu’il avait déjà vu mourir, en rêve, vingt-huit ans auparavant, quand il était en colonie de vacances. « C’est là-bas que c’est produit ce qui, à treize ans, me mit dans le cas de voir mon père mort et de rester longtemps, un siècle durant, peut-être, sans savoir si je ne l’avais pas tué. » Et, depuis ce jour, il entretenait la culpabilité de n’avoir pas été là au moment où il fallait pour secourir ce père en grand danger. Le second deuil ravive la culpabilité qu’il éprouve déjà depuis son rêve morbide et le laisse seul devant un grand vide seulement peuplé de la malle qui contient les oripeaux du défunt comme seul héritage.

Alors, il voudrait fuir, se réfugier dans le monde végétal, le monde de Rousseau, car la chaîne chromosomique des vivants est insécable, elle renvoie au premier orphelin, au premier père et elle comporte l’héritage du père qu'il va falloir assumer. Et, ce père, il n’a jamais pu communiquer avec lui, toujours séparé de lui par un journal ou une assiette. « Durant une période d’environ deux années, la double appartenance alternée aux règnes animal et végétal me permit de prolonger un équilibre précaire. » Mais, après, la culpabilité a pris le dessus et, alors, il a essayé de se fondre dans le minéral qui est encore plus immuable que le végétal, dans une sorte de fuite autodestructrice, un anéantissement devant l’impossibilité d’assumer son héritage.

Et, un jour, la renaissance à la vie surgira d’un livre, n’importe quel livre, le livre qui ouvrira la porte de tous les autres livres, la chaîne des textes écrits qui conduit à Flaubert, le grand écrivain qui, comme lui, ne sut jamais communiquer avec son père mais indique le chemin à suivre dans le dédale des lettres et des mots qui ouvrent la porte sur un autre monde supportable et même possible.
Une belle émotion qui se mérite dans un dédale de mots qui nous rappelle que le temps coule trop vite sous la plume du poète pour qu’on ait la possibilité de poser toutes les questions qu’on souhaitait, de dire tout ce qu’il aurait fallu, de trouver le sens de la vie . Mais peu importe car cette quête aurait été certainement vaine, « on ignore encore que nul ne sait pour la simple raison qu’il n’y a rien à savoir si ce n’est ce qu’un enfançon connaît. »

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"Tuer le père"

6 étoiles

Critique de Sissi (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 53 ans) - 14 avril 2011

En psychanalyse, c'est l'étape nécessaire pour parvenir à vivre pleinement sa vie d'homme.
Cela implique de réussir à opter pour ses propres choix, de se défaire d'une affectivité trop importante vis à vis de son géniteur,de se départir de la culpabilité ou l'attente de reconnaissance, et de tant d'autres sentiments qui empêchent.
Bergounioux (puisqu'il s'agit certainement de lui) aura mis des années pour franchir (peut-être) cette étape.
Il fait une première tentative, à l'adolescence, mais c'est finalement la vie qui imposera la mort véritable d'un joug paternel plutôt néfaste.
Se réfugiant dans la nature puis dans les livres une bonne partie de sa vie, il semble plus apaisé à la fin de ce long monologue où il affronte enfin la vérité et son chagrin en face.

Le style, un peu hermétique et alambiqué, nuit dans la première partie du livre à la fluidité de la lecture mais demeure d'une profondeur indiscutable.

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