Clandestine : Le journal d'une enfant sans papier de Loriane K., Christelle Bertrand (Co-auteur)

Clandestine : Le journal d'une enfant sans papier de Loriane K., Christelle Bertrand (Co-auteur)

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Débézed, le 30 janvier 2011 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 6 étoiles
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« Nous, on ne décide jamais de rien. »

Noël 2005, Loriane, 15 ans, fille d’une famille de réfugiés cabindais, ouvre son journal, les démarches de la famille ont échoué une nouvelle fois, ils peuvent être expulsés à tout moment hors de France. Alors, la vie clandestine s’organise avec tout cela comporte : la précarité, la pauvreté, la honte, la gêne, la différence, la fierté qui empêche d’avouer, de réclamer, de demander et même seulement de dire. Depuis six ans, la famille fait des efforts énormes pour s’intégrer, le père travaille au noir, les enfants sont scolarisés, Loriane est une brillante élève, mais la mère reste seule à la maison dans sa dépression.

Le retour au pays est impossible puisque l’enclave de Cabinda fait désormais partie de l‘Angola et que le père était un activiste qui refusait l’annexion et qu’il avait déjà été sévèrement menacé. Loriane a effacé son pays de sa mémoire, sa vie est en France, à Paris, ils ont tous appris la langue et rêvent d’être Français. Les démarches se heurtent à la tracasserie administrative, les associations arrivent en renfort, mais les résultats sont toujours décevants et la peur devient la règle avec l’impossibilité de vivre comme les autres, même si la famille ne vit pas dans un squat. Ils essaient de vivre normalement, dans une clandestinité administrative, sans rien montrer à leur entourage.

Pour les enfants la frustration est permanente, pas de cadeaux, pas de sorties scolaires, pas de vacances,… et il faut toujours inventer des motifs, plus ou moins crédibles, pour ne pas attirer l’attention sur leur situation ou avouer qu’ils sont dans la dèche totale. Cette vie sur le qui vive est épuisante, « Je ne sais pas combien de temps on va pouvoir vivre comme ça. A ne pas pouvoir rêver. » « Le plus dur c’est l’obligation de porter sur ses épaules toutes ces responsabilités, l’obligation d’être raisonnable, de ne pas être un poids pour les parents, de ne pas faire des bêtises, de se taire. » Des enfants adultes avant l’âge qui ne peuvent même plus rêver !

On compatit vivement avec cette gamine qui a perdu son enfance, ses rêves, son passé sans pouvoir envisager un avenir acceptable, mais le livre laisse toutefois un peu interrogateur. Il a été écrit en collaboration avec une autre personne et il est impossible de comprendre ce qui appartient à la jeune fille et ce que la «collaboratrice » a apporté au document final. Et c’est un peu dommage car j’ai trouvé ce texte trop raisonnable, trop sage, trop policé pour une jeune fille qui a mille bonnes raisons de se révolter et de crier sa colère. Bien sûr, Loriane est brillante, 17 de moyenne générale, bien éduquée, a envie d’apprendre, alors nous ferons l’hypothèse que c’est une adulte précoce qui s’est forgé une conscience politique très tôt. On éludera l’hypothèse que ce texte a pu être influencé, instrumentalisé, par la collaboratrice pour en faire un témoignage à vocation politique.

Et pourtant, comme j’aurais aimé que cette fille crie plus fort, hurle même pour qu’on l’entende jusqu’au sommet de la pyramide du pouvoir car les questions qu’elle pose, méritent des réponses réelles et non pas des mesures. Il est vrai que l’humanité ne peut pas se réfugier en Occident mais ceux qui gouvernent, et l’ensemble des peuples, ont certainement le devoir de faire en sorte que tous ces enfants puissent vivre libres et heureux dans leur pays et qu’ils ne se déplacent que pour le plaisir, la découverte des autres cultures et l’enrichissement intellectuel. Mais, voila, « nous, on ne décide de rien. Jamais. On subit depuis le départ. On n’a pas le choix. »

Cependant, Loriane a fait l’effort, elle s’est donné les moyens de réussir avec le peu qu’elle avait mais surtout avec tout ce qui lui manquait. « Et j’ai compris que si je restais avec des personnes comme ça, fermées d’esprits, elles déteindraient forcément sur moi. Que je ne ferais jamais rien de ma vie. Et je ne veux pas. J’ai vécu tellement de galère que, si un jour j’ai des papiers, je veux que ça s’arrête. Je veux m’en sortir. Gagner de l’argent. » Bonne chance Loriane.

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Les éditions

  • Clandestine [Texte imprimé], le journal d'une enfant sans papiers Loriane K. avec la collaboration de Christelle Bertrand
    de K., Loriane Bertrand, Christelle (Collaborateur)
    Privé
    ISBN : 9782350760896 ; 17,75 € ; 18/09/2008 ; 330 p. ; Broché
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