L'Auberge des femmes tristes de Marcela Serrano

L'Auberge des femmes tristes de Marcela Serrano
(El albergue de las mujeres tristes)

Catégorie(s) : Littérature => Sud-américaine

Critiqué par Débézed, le 28 septembre 2010 (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans)
La note : 6 étoiles
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« L’impossible rencontre des deux sexes. »

Tout là-bas au sud, dans ce chapelet d’îles qui borde la côte chilienne, sur l’île de Chiloé, là où est né Francisco Coloanne, ce grand conteur des mers du sud, Floreana, historienne d’un peuple de la Terre de Feu en voie de disparition, arrive à l’Auberge, une sorte de pension tenue par Elena qui accueille des femmes en difficulté qui veulent se reconstruire pour donner un nouvel élan à leur vie. Dans cette « auberge », elle rencontre des femmes, une vingtaine, pas plus, comme elle en butte à des problèmes avec la vie, avec le mariage et leur conjoint surtout. « Je suis entourée de femmes de toutes sortes : vieilles, jeunes, riches, modestes, belles, laides. Elles sont tristes mais n’ont pas toutes renoncé comme je le supposais. »

Le groupe se répartit entre plusieurs catégories : les ésotériques, les prolos, les VIP, les intellectuelles, les Belles au bois dormant, une synthèse de la population chilienne à la fin du XX° siècle, un condensé de tous les problèmes et fantasmes que ces femmes rencontrent dans le Chili post Pinochet. Chacune raconte sa vie, ou celle d’une autre, ou alors c’est un tiers qui s’immisce dans le récit, au gré des artifices inventés par l’auteur, pour rapporter la vie de l’une ou de l’autre. Et après avoir entendu tous ces récits on a « … l’impression que nous sommes sans le savoir au cœur même du drame de notre époque, au centre d’un des problèmes cruciaux de cette fin de siècle : l’impossible rencontre des deux sexes. »

Impossible rencontre qui trouve ses origines dans un catalogue de doléances qui évoque : le besoin de suprématie des hommes, la carrière professionnelle qu’il faut assurer, les mariages ennuyeux, les troubles existentiels, la drogue pour tenir et surtout ces hommes qui ont désormais peur de ces femmes émancipées qui empiètent sur leur territoire.

Ce livre d’introspection qui comporte des passages très littéraires, des analyses fines sur les relations entre les hommes et les femmes, m’a cependant laissé comme un goût de littérature « people », comme une odeur que dégagent ces « romans à l’eau de rose ». La fin est vite éventée malgré le longueur du texte qui ne fait que répéter à chaque fois qu’il est impossible de vivre avec les hommes maintenant mais qu’il faut tout même bien en avoir un, au moins pour ses vieux jours. C’est le grand drame de ces femmes qui culpabilisent d’avoir céder aux appels de la chair et qui culpabilisent aussi d’avoir su résister à cette tentation. « Le grand fiasco d’aujourd’hui, c’est l’amour. » L’amour qu’il faut refuser car il mène dans l’impasse de la souffrance mais refuser l’amour c’est déjà souffrir de ne pas aimer.

Et comme souvent dans ces histoires d’amour, l’auteur nous enferme dans le débat habituel entre la passion à laquelle il faudrait succomber et la raison qui conseille de rester prudent pour éviter les déboires. Floreana mettra longtemps, trop longtemps à mon avis, pour choisir la bonne solution, on savait depuis aussi longtemps laquelle elle choisirait car « les dieux de la lascivité ont été convoqués. » Et Floreana, pas plus que Marcela, nous fera oublier l’excellent « Décamaron des femmes » de Julia Voznesenskaya qui m’est revenu en mémoire à l’occasion de cette lecture.

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