La voie humide de Coralie Trinh Thi

La voie humide de Coralie Trinh Thi

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Numanuma, le 7 août 2010 (Tours, Inscrit le 21 mars 2005, 51 ans)
La note : 6 étoiles
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Mouiller de toute son âme

Mettons les choses au clair tout de suite, certes, il s’agit bien de la biographie (conséquente) d’une actrice porno mais pour les amateurs de frissons, il faudra trouver autre une autre lecture. Bien sûr, il serait idiot de prétendre le contraire, le texte contient des moments de sexe mais ils sont peu nombreux relativement aux 776 pages du livre et surtout, ces scènes plutôt crues sont rarement excitantes. Coralie Trinh Thi raconte les tournages porno de manière assez clinique finalement, raconte l’envers du décor : le froid, l’attente, les séances de maquillage interminables, les positions impossibles, les pannes des acteurs ... Rien de bien fun en vérité. Cela me fait penser à Sade : beaucoup de philosophie avant d’arriver au boudoir.
Les seuls moments vraiment sensuels sont ceux qui relatent ses expériences personnelles, sa vie privée et là, oui, chatte ou bite deviennent des mots sexy et non plus grossiers. Mais ce genre de scène est rare et c’est tant mieux car au final, c’est plus de l’histoire de l’apprenti sorcier dont on nous parle ici.
Coralie Trinh Thi se trouve être une personne d’une grande naïveté : il en faut une sacré dose pour imaginer qu’il est possible de dissocier complètement sa vie privée d’une vie professionnelle aussi particulière que le métier d’actrice. Alors, actrice porno !! Au début, ça marche puis, au fur et à mesure, la célébrité arrivant accompagnée des couvertures des magazines spécialisés, des films diffusés le samedi soir sur Canal +, il devient difficile de garder ses activités secrètes. L’apprenti sorcier donc, qui se brûle de vouloir être plus grand que lui-même.
Disputes avec les petits amis qui ne comprennent pas, avec la famille, les regards des passants, les fans, les producteurs, la galerie des parasites qui ne comprennent pas est longue et semble ne pas vouloir cesser de grandir. Car, en plus d’être naïve, Coralie a un sacré caractère et mène sa barque comme elle l’entend, se permettant même de refuser de tourner avec Rocco Siffredi ! Cette bio, plus que le simple récit d’une vie, est une réflexion sur la liberté de l’individu, ce qui rend la lecture parfois fastidieuses. Les considérations philosophiques ou mystiques sont nombreuses et parfois superflues.
De plus, la lancinante question de la liberté semble ne pas vouloir trouver de réponse satisfaisante. M’exhiber devant une caméra m’excite, je dépense tout ce que je gagne à en être toujours à découvert, j’aime le sexe et je n’imagine pas que le sexe soit une prison, en quoi cela fait-il de moi une personne mauvaise ou de moins bonne compagnie ? Voila bien le genre de question qui ne doit pas agiter souvent le monde du porno mais Coralie se pose en permanence ces questions. Sauf que cela lui est imposé par les réactions des autres.
Les autres projettent une image de soi bien différente que celle que l’on a de soi. Et dans le cas de Coralie, comme dans le cas de bien des actrices X j’imagine, cela revient à passer devant un miroir déformant du Jardin d’Acclimatation. Ainsi, ce type d’un soir incapable d’imaginer qu’il est possible de lui faire l’amour autrement qu’avec une double pénétration et des sex toys !! Sophie Marceau ne doit pas avoir ce genre de souci.
Ajoutons à cela que Coralie est coréalisatrice du film Baise-Moi. D’abord autorisé, le film fut finalement interdit au moins de 18 ans en France, comme un porno, ce qu’il n’est pas. A côté de cette polémique législative, le film fut également l’occasion d’une intense réflexion sur la subversion, le féminisme, le sexe, la morale, j’en passe. Retenons surtout le féminisme et ses activistes hexagonales les plus connues, les Chiennes de Garde. Coralie n’est pas féministe en ce sens que le féminisme tel qui est présenté vise à remplacer un ordre par un autre. A quoi passer d’une oppression masculine à une oppression féminine ? Cela rend-il plus libre ?
Bref, un texte très long, très dense, parcouru de très nombreuses références découpé selon un schéma propre aux arcanes du tarot. De plus, les chapitres sont illustrés de citations, souvent musicales, qui donnent une interprétation, une piste de réflexion avant le chapitre lui-même. Une sorte d’ovni à ne pas ranger à côté des œuvres soporifiques de Catherine Millet.

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  Sans rire! 1 Kamila 27 août 2016 @ 12:33

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