La femme de Gilles de Madeleine Bourdouxhe

La femme de Gilles de Madeleine Bourdouxhe

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Bluewitch, le 12 février 2002 (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 44 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 9 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (962ème position).
Visites : 14 829  (depuis Novembre 2007)

L'amour brûle toujours plus par son absence

Nous sommes dans le milieu ouvrier des années 30. Elisa, c’est elle, la femme de Gilles. Ses journées n'existent que dans les tâches ménagères et l'attente de cet homme qui fait d'elle ce qu’elle est. « C’est chaque jour la même chose, Gilles sera là dans quelques minutes. Elisa n'est plus qu'un corps sans force, anéanti de douceur, fondu de langueur. Elisa n'est plus qu'attente ».
Elisa aime Gilles, par toutes les fibres de son corps, et c’est cet amour, cette passion qui lui donne une consistance dans l’existence. Mais dans son univers, présente déjà mais surgissant tout de même, il y a Victorine, sa soeur, et ce désir aussi brusque que dévastateur qu’elle déclenche chez Gilles.
Pas de scrupules pour ces deux-là qui se laissent emporter par la vague, l’un de la jalousie et de l’orgueil masculin, l’autre, ingénue destructrice, de ce besoin de sexe qui ne la soucie pas de faire souffrir sa sœur.
Incompréhension d’abord, accumulation ensuite des petits signes révélateurs qui mèneront à la lourde conclusion… Elisa ne dit rien. Elle préfère rester seule avec sa souffrance et son amour désespéré de cet homme qui, elle le sent, se dégoûtera de l’autre et reviendra vers celle qui l’aime de droit. Et de laisser à Gilles l’avantage de la confession… Confession qui portera un coup de plus à son cœur de femme blessée.
Mais ce n'est rien, elle sera là, amie, amante de consolation lorsque, bien vite, Victorine abandonnera Gilles à ses tourments, au profit de la sécurité du mariage. Bonheurs brefs, déceptions, humiliations, rien n'arrêtera la jeune femme dans son amour…
Pourtant… Que restera-t-il de cette Elisa qui n'existe qu'en étant, après tout, la femme de Gilles ?
Un roman éprouvant, beau, frappant par son écriture à la fois candide et libre qui donne une forte impression de modernité et de vérité touchante.
Madeleine Bourdouxhe use d’un langage simple, direct… Pour moi, c'est un peu l’écriture de John Steinbeck dans « des souris et des hommes » mais au féminin. Elle ne s’empêtre pas dans la surcharge de mots mais les émotions sont bien présentes…

Avant de le lire, j’avais découvert « La femme de Gilles » lors d’une adaptation théâtrale avec, au centre, une Elisa vraiment bouleversante dont j’ai gardé un souvenir ému. Aucune déception avec ce livre court mais magnifique, en tout cas…

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Drame au message féministe

8 étoiles

Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 17 décembre 2020

Ce roman féministe va certainement interpeller un lecteur curieux.

Celui-ci sera surpris par le caractère avant-gardiste pour l’époque et puissant d’un récit d’une grande sobriété écrit avant la seconde guerre mondiale. Un tel scénario pouvait être crédible jusqu’à la fin des années soixante.

L’autrice dépeint une société ouvrière où la femme est encore à la merci de son mari, sans droit au chapitre et qui doit subir son les errements de son époux qui se présente comme une victime de ses pulsions.

Elle n’est, comme le titre l’évoque, que la femme de son mari sauf à la fin du récit, lorsqu’elle n’en peut plus.

Ce grand classique de la littérature belge francophone, bien qu’adapté au théâtre et ayant fait l’objet d’une œuvre cinématographique, est un peu oubliée sans doute aussi parce qu’heureusement la femme s’est depuis fortement émancipée.

Poignant et merveilleux !

10 étoiles

Critique de DE GOUGE (Nantes, Inscrite le 30 septembre 2011, 67 ans) - 12 mai 2012

Un livre de pudeur et d'amour effrénés : continuer à aimer et respecter celui qui vous oublie et aime ailleurs ! Etrange mélange de douleur et d'oubli de soi, de respect de l'autre et d'amour qui dure dans une société jugeante .
Elle aime!
Quelle souffrance, quelle belle amour que celle là !
Mais, à quel prix !

Une oeuvre tout en détail, tout en douceur, tout en violence, une oeuvre fabuleusement quotidienne, atrocement douloureuse et superbement réaliste .....

A lire absolument : l'auteur nous embarque loin des clichés, loin de nous mêmes : on vit avec cette femme, on respire, on aime et souffre avec elle et on en sort violenté mais passionné.

Un grand livre (même s'il est petit en format )................Un grand regard sur la vie !

Drame social

7 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 12 mars 2011

Ce roman date tout de même de 1935. Il serait maintenant considéré comme un roman qui compte dans la littérature belge – puisque Madeleine Bourdhouxe est née à Liège et a étudié à l’Université Libre de Bruxelles – depuis sa réédition en 1985 et le succès qu’il rencontra alors.
Pour ma part, n’était la dernière partie, qui fait la force du roman, une force redoutable, je l’aurais considéré comme un gentil roman de terroir, aux visées psychologiques mais sans plus. Mais il y a cette dernière partie qui, à l’instar du basculement qui s’opère brutalement dans le roman « Sukkwan Island », de David Vann, change tout à coup le propos et lui confère une dimension insoupçonnée.
Nous sommes dans un milieu ouvrier, années 30. Elisa, la femme de Gilles, vit un bonheur simple à élever ses jumelles puis la petite dernière qui arrive, et surtout à veiller au bien-être de Gilles. Gilles, ouvrier sidérurgiste, aux idées pas bien compliquées … Bref une histoire sans trop d’histoires justement, jusqu’à ce que Gilles soit littéralement ensorcelé par la sœur cadette d’Elisa, Victorine. Gilles va se perdre dans une relation sans trop d’avenir mais l’intérêt du roman, écrit par une femme – cela a son importance (il y a bien des fois où j’ai eu envie de balancer des baffes à Elisa pour la « réveiller » !) – réside dans les efforts pas humains que va consentir Elisa pour sauver son couple, pour sauver Gilles de Victorine qui se joue de lui. Et là, ça atteint un sommet, rarement décrit, de dévotion, de dévouement, de cruauté …
Elisa va aller jusqu’au bout de sa démarche et c’est en cela que ce roman gagne ses galons d’œuvre marquante. Simone de Beauvoir aurait cité « La femme de Gilles » comme l’exemple de celle qui rêve d’une fusion amoureuse alors que l’homme impose la séparation et la domination.

BEAU, MAIS BEAU...

9 étoiles

Critique de Septularisen (Luxembourg, Inscrit le 7 août 2004, 56 ans) - 27 avril 2010

Je n’ai pas grand chose à ajouter aux autres critiques très élogieuses (et absolument méritées) sur ce livre. L’histoire de départ est le classique triangle amoureux, la femme, le mari et la maîtresse, si ce n’est qu’ici la maîtresse c’est la jeune sœur de la femme.

Non, ce qui est exceptionnel dans ce livre c’est son écriture simple, belle vraie, sensible, spontanée, avec des phrases ciselées, ses mots directs, choisis avec raffinement, ses envolées lyriques, sa modernité étonnante pour l’époque, (rappelons que ce livre est paru pour la première fois en 1937). L’écriture rend compte de façon étonnante des sentiments et des émotions de l’héroïne, avec ses joies, ses peurs, ses peines, ses espoirs, son désespoir…
Il n’en faut pas moins que cette très belle écriture et tout le talent de Madeleine Bourdouxhe pour nous rendre à la perfection le personnage d’écorchée vive (ou devrais-je dire d’écorchée par la vie?..) d’Elisa… sans doute un des plus beaux de la littérature française…

Un seul regret à la lecture de ce livre que la psychologie de certains personnages (le mari et la sœur d’Elisa notamment…) ne soit pas plus fouillée… ce qui nous les aurait sans doute rendus plus humains…

Sinon, je ne trouve absolument rien à reprocher à ce magnifique livre, on prend tant de plaisir à le lire (il se laisse lire d’une traite en quelques heures…) que l’on aurait aimé en lire 100 pages en plus. Il est dommage que ce livre est bien trop méconnu et qu’il a fallu un film pour le faire connaître au plus grand nombre!..

Mais au final, que c’est beau, mais beau!…

superbe

10 étoiles

Critique de FionaR (, Inscrite le 12 septembre 2006, 34 ans) - 12 septembre 2006

On ne se lasse pas de lire l'histoire émouvante de cette Elisa, enfermée dans son amour, sa passion destructrice...Elle subit les goujateries de son mari, sa soeur, sa mère,...sans oser protester. Elle a tellement peur de tout perdre.

Un livre très réussi, très bien écrit, avec de jolies images pour exprimer les ressentis d'Elisa, doté d'une fin surprenante mais qui fait toute l'originalité, l'individualité du livre.

Epouse et mère avant tout

8 étoiles

Critique de Laure256 (, Inscrite le 23 mai 2004, 51 ans) - 30 mai 2006

Elisa est mariée à Gilles, mère de deux petites filles et enceinte d'un troisième enfant lorsque commence l'histoire. Elisa n'existe pas pour elle-même, elle est la mère, la femme de, en l'occurrence la femme de Gilles. Leur bonheur simple se suffit à lui-même jusqu'à ce que Gilles vive une passion amoureuse dévorante avec la propre soeur d'Elisa, Victorine. Elisa comprend (ou essaie), pardonne, écoute et soutient. C'est un peu le monde à l'envers mais elle aime son mari plus que tout. Mais la jeune Victorine se joue des hommes et finira par choisir le mariage, ce qui anéantit Gilles. Après la jalousie et la violence : le désespoir. Peu à peu Gilles se détache de cet amour perdu et Elisa pense le regagner, avant de réaliser qu'elle ne l'aime plus. On ne meurt pas d'amour, mais du manque d'amour. Un très beau livre, empreint de douce patience, de force et de courage dans l'abnégation de cette femme aimante. A noter qu'il est paru pour la première fois en 1937, et ressort à présent grâce au très beau film éponyme de Frédéric Fonteyne, avec Emmanuelle Devos, Clovis Cornillac et Laura Smet. Adaptation cinématographique très fidèle au roman.

Pour la cause des femmes...

9 étoiles

Critique de Arthémis (, Inscrite le 2 juillet 2005, 35 ans) - 20 juillet 2005

... Elles sont faites pour vivre ça?... Non, je ne crois pas. Cette femme qui par amour, accepte, accepte... Jusqu'à ne plus rien comprendre... Jusqu'à devenir la confidente de son mari en plein adultère... C'est trop dur, d'accepter ça! Aucune femme ne devrait le vivre...
J'ai énormément aimé ce livre... Tout ce qui entoure cet univers des femmes me plait beaucoup et je trouve qu'il est bien écrit...

Une femme amoureuse

8 étoiles

Critique de Clarabel (, Inscrite le 25 février 2004, 48 ans) - 22 mai 2005

Milieu ouvrier, Nord de la France. Elisa est mariée à Gilles, ils ont deux petites filles, attendent un troisième enfant. C'est l'amour tranquille, le cocon familial idyllique, Elisa est amoureuse de Gilles, et réciproquement.

Puis, le grain de sable dans l'engrenage, la peccadille éhontée qui va bouleverser ce calme plat : Gilles a une aventure avec Victorine, la soeur d'Elisa. Mais celle-ci va le "sentir", comme ça, soudainement. Un regard, un sentiment, l'air... ça la bouscule, la bouleverse. Mais au lieu de réagir, de forcer les coupables à se dénoncer et cesser toute duperie, Elisa s'enfonce dans le silence. Elle guette les signes, perd goût au quotidien mais surtout tremble de perdre l'amour de Gilles. Ainsi pour prévenir cette éventualité, elle se tait, camoufle toute connivence, recueille la confession du mari, courbe l'échine mais jamais ne se rebiffe. Par contre, ce mal la ronge.

Soit, son côté "bobonne" fait bondir ! On s'insurge contre le mari adultère, la soeur intrigante, contre les gens qui pensent qu'elle "ne vaut pas mieux si elle accepte sans rien dire", contre la mère qui blâme sans tout savoir... On plaint beaucoup Elisa, on a du mal à comprendre son chemin de croix, son martyre silencieux. C'est beau, tout cet amour ? Bof. Et puis, il y a cette citation, "sans amour je ne suis rien" et "à quoi sert de vivre sans cet amour".

Donc "La femme de Gilles", c'est la dévotion d'Elisa. Jusqu'au bout. Jusqu'à la fin imprévisible. C'est une histoire de totalité, d'égoïsme et de goujaterie, encore un procès contre l'homme, bête et individualiste. Ce roman est très poignant, le portrait d'Elisa est sensuel, également dramatique et vibrant d'émotion. Une telle leçon ne laisse pas indifférent !

(Ce roman a été adapté au cinéma par Frédéric Fonteyne en 2004, avec Emmanuelle Devos dans le rôle d'Elisa).

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