La guerre qui n'aura pas eu lieu de Anne Nivat

La guerre qui n'aura pas eu lieu de Anne Nivat

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Dirlandaise, le 24 mars 2010 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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"Mon corps est à Moscou, mon âme reste en Tchétchénie."

J’avoue ne jamais m’être vraiment intéressée à cette guerre russo-tchétchène. J’ai bien sûr déjà entendu parler de la prise d’otages au théâtre de Moscou et de son issue tragique et j’ai aussi eu vent de la situation chaotique en Tchétchénie mais sans plus. Ce livre vient combler d’immenses lacunes heureusement. Anne Nivat est la fille de Georges Nivat, historien spécialiste de la Russie. Elle est grand reporter et a couvert la deuxième guerre russo-tchétchène de 1999 à 2001 pour le quotidien Libération. Elle s’était déjà rendue pour la première fois dans le Caucase à l’occasion des élections présidentielles russes de 1996, elle se devait donc de s’y rendre à nouveau avant que les portes ne se referment comme elle dit elle-même dans son introduction.

Le livre de madame Nivat fourmille d’informations et de renseignements au sujet du conflit opposant la puissante Moscou à la rebelle région tchétchène dont la farouche volonté d’indépendance de ses habitants et leur fierté nationale leur ont valu d'être mis au ban de la Russie qui leur a accolé l’étiquette de terroristes dangereux à mâter et faire rentrer dans le rang par tous les moyens y compris la torture, l’enlèvement et le meurtre. Le président de l’époque Vladimir Poutine a toujours, selon madame Nivat, entretenu cette réputation de dangerosité au sein de la population russe qui s’est empressée de considérer tous les Tchétchènes comme des gens menaçant leur sécurité. Mais cette guerre a profité à de nombreuses personnes dont les militaires et elle a été prolongée artificiellement au détriment de la population civile qui a beaucoup souffert et dont presque chaque famille a perdu un ou plusieurs membres souvent mâles, disparus sans laisser de traces. Certaines femmes se sont retrouvées complètement seules et le désespoir les a poussées à devenir des « veuves noires », des femmes prêtes à se sacrifier pour la cause indépendantiste en se faisant sauter elles-mêmes, entraînant dans la mort le plus de civils russes possible. Plusieurs furent impliquées dans la prise d’otage du théâtre de Moscou et leur tenue vestimentaire entièrement noire a laissé une forte impression parmi la population moscovite qui s’est mise à les diaboliser.

Ce qui est triste dans ce conflit, c’est bien sûr la souffrance des femmes tchétchènes qui ont dû subir la perte de leur mari, leurs frères, leur père et vivre dans des conditions pénibles souvent sans eau courante ni électricité dans la capitale de Grozny. Mais ce que j’ai trouvé encore plus triste, c’est l’impossibilité pour plusieurs combattants de protéger leur identité nationale et l’obligation, pour des raisons économiques, de devoir se ranger du côté de l’envahisseur russe et devenir ainsi des traîtres à leur cause. Que faire et comment combattre lorsqu’on a faim, qu’on est sans abri et sans armes ?

Madame Nivat parle de la situation politique mais elle trace aussi le portrait de différentes familles et leur façon de s’organiser afin de faire face à la dure réalité que leur condition de tchétchènes les oblige à vivre. C’est malheureux de constater que plusieurs d’entre elles ont choisi de s’exiler à Moscou et de se fondre parmi la population civile russe. Mais comme le dit si bien une jeune tchétchène : « Physiquement, mon corps est à Moscou, mais, quoi que je fasse, mon âme reste en Tchétchénie. » C’est beau n’est-ce pas cette fidélité à sa race, à son clan, à sa patrie ? Je trouve cela admirable et très grand.

Un seul reproche me vient à l’esprit à propos de ce document exceptionnel. La construction est parfois chaotique et confuse. Madame Nivat introduit dans son récit une foule de gens et on s’y perd. Je me demandais souvent qui était qui, où nous étions rendus et ce qui se passait. C’est dommage car le témoignage de cette femme courageuse est à mon avis remarquable mais la lecture est alourdie par cette foule d’informations et de faits jetés en vrac et sans beaucoup de cohérence. J’ai apprécié les nombreuses notes en fin de volume qui aident à la compréhension des évènements et des noms cités.

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Les éditions

  • La guerre qui n'aura pas eu lieu [Texte imprimé] Anne Nivat
    de Nivat, Anne
    Fayard
    ISBN : 9782213618678 ; 16,20 € ; 10/03/2004 ; 220 p. ; Broché
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