Quand notre monde est devenu chrétien (312-394) de Paul Veyne

Quand notre monde est devenu chrétien (312-394) de Paul Veyne

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire , Sciences humaines et exactes => Spiritualités

Critiqué par Torquemada, le 31 décembre 2009 (Inscrit le 20 octobre 2009, 59 ans)
La note : 9 étoiles
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Constantin et la naissance du Christianisme : son action, son héritage

La première ligne du texte en quatrième de couverture est éloquente de simplicité et résume brillamment le sujet abordé « C’est le livre de bonne foi d’un incroyant qui cherche à comprendre comment le christianisme, ce chef-d’œuvre de création religieuse, a pu, entre 300 et 400, s’imposer à tout l’occident ». Il n’est donc pas du propos de l’auteur de louer la religion catholique mais d’apporter des éléments objectifs de la vie de Constantin qui supportent cette assertion. Après un chapitre introductif au titre quelque peu provocateur « Le sauveur de l’humanité : Constantin » où P. Veyne tord le cou à quelques idées reçues (comme celle d’un empereur souvent décrit comme fin calculateur politique voire persécuteur de païens), l’auteur s’attache à mettre en place le contexte du christianisme primitif de cette période et de l’organisation qui en découle : l’église. Une donnée me paraît fondamentale dans ce développement : le christianisme primitif doit son rapide succès initial auprès d’une élite à sa grande originalité, celle d’être une religion d’amour d’une part et de l’autorité surhumaine de son maître, à savoir Jésus d’autre part et non pas par son monothéisme douteux, laborieux point d’honneur de théologiens. P.Veyne développe ensuite « l’autre chef-d’œuvre : l’église ». Le christianisme avait cette particularité novatrice qu’il avait créé une église qui a autorité sur les chrétiens en termes spirituel et d’encadrement, contrairement au paganisme constitué uniquement d’agrégats de piétés individuelles. C’est une des nombreuses raisons qu’énumère d’ailleurs l’auteur, qui explique la méfiance originelle et finalement les persécutions des chrétiens à cette époque. L’auteur termine cette partie en revenant sur l’importance de la conversion de Constantin à ce moment précis ; sans celle-ci, le christianisme ne se serait pas retrouvé religion d’état mais serait resté ce qu’elle était : une secte. La suite de l’ouvrage s’engage tout naturellement sur les causes de la conversion de Constantin. La question restant ouverte, P.Veyne développe chacun des arguments en faveur ou en défaveur de cette conversion ; ce qu’il appelle les petits et grands mobiles, avec finalement une idée force qu’il positionne au dessus des autres : la piété. Les trois chapitres suivants sont particulièrement captivants et riches en informations historiques puisque P. Veyne décrit la structure religieuse bimodale « empire chrétien et païen » qui coexistent sous Constantin et ses successeurs et qu’il replace dans le contexte historique de l’empire. Il revient sur la lente progression du christianisme et insiste de nouveau sur les moyens mis en œuvre par l’empereur pour étendre, en douceur, la nouvelle église. Il en profite pour revenir sur la « naissance » du jour du Seigneur, autrement dit le jour du repos dominical ; conjonction de l’établissement d’un justitium perpétuel et de la résurrection du Christ lors du septième jour de la semaine Juive. P. Veyne soulève également la problématique des rites païens et en particulier celui des sacrifices sanglants abhorrés par Constantin, mais dont la connotation politique empêche l’interdiction pure et simple. Constantin réussira néanmoins à en fixer les limites et les conditions d’application sans heurter les adeptes de ces coutumes. Un paragraphe est dévolu à la perception du Judaïsme dans le nouveau système de valeurs religieuses. Bien que Constantin n’ait pas sévi envers les Juifs, c’est à son époque que l’antijudaïsme est apparu et devait aboutir, seize siècles plus tard, aux monstruosités que l’on sait. P.Veyne explicite ici avec précision les raisons de cette naissance qui lui semblent les plus plausibles. Le dernier chapitre « l’Europe a-t-elle des racines Chrétiennes » clôt cet ouvrage où l’auteur remet en cause la relation pourtant souvent affirmée entre l’Europe et ses probables origines Chrétienne. Je retiendrai ici une phrase clef de l’auteur : « ce n’est pas le Christianisme qui est à la racine de l’Europe, mais c’est l’Europe actuelle qui inspire le Christianisme ou certaines de ses versions ». Par étapes successives, prenant des exemples précis de la construction européenne au cours des âges, P. Veyne veut montrer que notre monde actuel Chrétien n’a plus rien à voir avec la notion de religion Chrétienne telle qu’elle était perçue dans les siècles passés. C’est en cela que la notion de racine Chrétienne n’est pas, ou en tout cas n’est plus pertinente. L’Europe n’a pas de racines, Chrétiennes ou autres et s’est faite par étapes imprévisibles, aucune de ses composantes n’étant plus originelle qu’une autre. Et l’auteur de conclure : « elle n’est pas le développement d’un germe mais le résultat d’une épigénèse ».

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Les éditions

  • Quand notre monde est devenu chrétien [Texte imprimé], 312-394 Paul Veyne
    de Veyne, Paul
    Albin Michel / Bibliothèque Albin Michel des idées
    ISBN : 9782226176097 ; 9,31 € ; 22/02/2007 ; 319 p. ; Broché
  • Quand notre monde est devenu chrétien [Texte imprimé], 312-394 Paul Veyne
    de Veyne, Paul
    le Livre de poche / Le Livre de poche
    ISBN : 9782253129998 ; EUR 7,70 ; 17/03/2010 ; 288 p. ; Broché
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  Contre les idées reçues... 17 TELEMAQUE 24 octobre 2012 @ 04:16

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