Baudouin sans auréole de Nadia Geerts

Baudouin sans auréole de Nadia Geerts

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Le rat des champs, le 25 août 2009 (Inscrit le 12 juillet 2005, 73 ans)
La note : 9 étoiles
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Un pamphlet solidement argumenté

J'ai, je l'avoue, un peu hésité avant de critiquer ce livre, que j'ai beaucoup aimé, parce qu'il est de nature à créer des débats passionnels et houleux et qu'il est difficile d'exposer en un texte relativement court les arguments solides et bien développés de Nadia Geerts contre la sainte personne de Baudouin 1er. Tout le monde en Belgique se souvient des files interminables sous un soleil de plomb devant la dépouille du défunt roi, de ce sentiment de deuil national, et des hommages plus qu'appuyés qui lui ont été adressés par de hautes personnalités belges et étrangères, surtout, il faut le reconnaître, par des membres éminents du clergé comme Mgr Suenens.

Un saint roi? Un parangon de vertus? Ou plus trivialement un bigot qui a négligé gravement ses devoirs en de multiples occasions au profit de sa foi? La question peut paraître sacrilège, mais elle ne peut être éludée ou traitée péremptoirement.

Il faut donc se pencher sur les faits. Sa manière de violer la constitution pour se faire déclarer incapable de régner pendant 48 heures, le temps que la loi dépénalisant l'interruption de grossesse passe sans son auguste signature est quoi qu'on en dise, peu glorieuse. Le professeur François Perrin, qui ne manie pas la langue de bois, qualifie cet acte de "personnel, imprudent et irresponsable". Lorsque Baudouin justifiait son refus de signer par le fait que sa signature lui ferait "inévitablement endosser une co-responsabilité", il perdait de vue qu'il ne peut être considéré comme responsable d'un seul acte portant sa signature, et surtout que ce refus aurait dû en vertu de l'article 106 de la constitution être contresigné par un ministre, ce qui n'a pas été le cas. Si Baudouin avait estimé ne pas pouvoir signer cette loi à cause de ses convictions morales et philosophiques, la seule attitude honorable en son chef eût été abdiquer, au risque de perdre les avantages de sa fonction, ce qu'il s'est bien gardé de faire. Au lieu de ça, la constitution a été interprétée de manière abusive et violée puisque les articles utilisés faisaient clairement référence à une maladie mentale ne permettant pas au roi d'exercer son rôle. Ses convictions étaient-elles une maladie mentale? Non, bien sûr, mais à supposer que c'eût été le cas, il aurait fallu que cette "incapacité temporaire de régner" fût constatée par un médecin, un psychiatre, un expert quelconque, et on sait que ce constat a été fait par le premier ministre de l'époque, le sieur Wilfried Martens, dont on se demande bien quelles sont les compétences en cette matière. La loi prévoit également que c'est toujours un spécialiste, un psychiatre, par exemple qui doit constater la guérison rendant au roi ses pouvoirs et prérogatives. Or, en l'occurrence, c'est une simple lettre de Baudouin lui-même attestant qu'il allait mieux et pouvait reprendre ses activités qui a suffi. Ces "petits arrangements" avec les lois que tout roi belge jure de respecter et faire respecter est un véritable scandale, qui l'aurait fait contraindre à l'abdication dans tout autre pays que notre royaume bananier sans bananes.

Dans l'assassinat de Lumumba, il est à tout le moins complice par son silence et coupable de non assistance à personne en danger. Rien ne démontre que Lumumba était un personnage dangereux, mais ce dont on est certain, c'est que son élimination a permis l'arrivée au pouvoir d'un ignoble dictateur qui martyrisera son peuple pendant plus d'un quart de siècle, à savoir l'abominable Mobutu, qui fut, faut-il le rappeler, un ami très proche du roi.

La commission d'enquête parlementaire belge sur ce crime conclut, en ce qui concerne l’implication éventuelle d’hommes politiques belges dans l’assassinat de Patrice Lumumba, (puisqu'en Belgique, le roi est intouchable et que chacun de ses actes doit être couvert par un ministre qui en prend la responsabilité), qu’aucun d’entre eux n’a donné l’ordre de l’éliminer physiquement, qu’ils n’ont pas prémédité de l’assassiner ou de le faire assassiner lorsqu’ils se sont efforcés de le faire transférer au Katanga, mais qu’ils ne se sont pas préoccupés de son intégrité physique, la considérant comme secondaire, comparée à d’autres intérêts. (sic)

Elle en déduit que « certains membres du gouvernement belge et d’autres acteurs belges ont une responsabilité morale dans les circonstances qui on conduit à la mort de Lumumba » (re-sic). Chacun tirera de ce texte officiel les conclusions qui s'imposent, mais en tout état de cause l'hypothèse minimaliste de Nadia Geerts est largement authentifiée par ce document qui reconnait candidement que le sort de Lumumba, livré à ses ennemis katangais qui voulaient littéralement sa peau, et notamment Moïse Tshombé, n'avait finalement que peu d'importance par rapport aux contrats juteux que l'ancienne métropole escomptait obtenir sur les riches gisements du Katanga. C'est un peu comme si je mettais un mouton dans la cage d'un lion et que je venais dire ensuite que je ne suis pas responsable de la mort du dit mouton.

Dans le scandale d'Opgrimbie, on n'assiste "que" à la violation de la loi sur l'aménagement du territoire, à la demande du palais, ce qui ne représente somme toute que des broutilles par rapport aux autres griefs à charge du saint roi. Il ne s'agissait en l'occurrence de rien de moins que d'obtenir la construction d'un couvent dans une zone verte non constructible au mépris de la loi dont il a juré lors de son intronisation d'être le garant.

Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es, dit la sagesse populaire. Alors, quels étaient les grands amis de ce défunt roi? Des tyrans, des assassins mégalomanes, des ordures, quoi. Dans le désordre: Juvénal Habyarimana, Joseph-Désiré Mobutu, le général Franco, sans oublier Ceaucescu "le génie des Carpathes".

L'auteure conclut cet opuscule en constatant que le seul héritage positif du défunt roi Baudouin est d'avoir démontré l'inanité de l'institution monarchique et la colossale hypocrisie sur laquelle elle repose.

C'est donc un pamphlet, rédigé avec courage et intégrité par une auteure dont l'attachement aux valeurs laïques et à la république ne sont un secret pour personne dans notre pays.

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