Quête de soi

" Quand on est né pour un petit pain... Né pour souffrir... Né pour la misère... S'il y a du bonheur, il n'est pas pour nous... Tu n'as pas été créé pour faire ce qui te plaît... Nous ne sommes pas sur la terre pour être heureux... Le bonheur n'est pas de ce monde... Vie de malheur... Vie injuste... Ah! sale vie!..." (p. 248).

C'est ce genre de discours qu'a tenu Lucienne Normand, abandonnée par son mari, à son fils Mathieu durant toute sa vie. Maintenant à 25 ans, Mathieu ne s'aime pas, n'aime pas la vie, méprise sa pauvreté ainsi que la famille de son parrain Étienne Beaulieu, qui a la chance d'être composée de Canadiens français fortunés. Entre les pages de ses cahiers noirs, Mathieu exprime sa détresse et sa souffrance. Lorsqu'il est en compagnie de Nicole, la fille d'Étienne, ainsi qu'avec Danielle, la cousine de celle-ci, il ne peut réprimer son envie de cracher tout son mépris et d'attirer leur attention avec ses répliques méchantes et sarcastiques. Danielle lui offre à deux reprises son amitié, mais Mathieu, qui craint qu'elle ne se moque de lui, repousse toutes ses tentatives. Pourtant, dans ses cahiers noirs, il décrit longuement sa passion pour Danielle.

Mathieu est persuadé que personne ne s'intéresse à lui, mais Étienne, qui a trouvé et lu ses cahiers, est prêt à l'aider. Pour se rapprocher de Mathieu, il demande l'aide de Danielle. Mais avant qu'ils ne puissent agir, Mathieu sombre dans l'alcool et songe à se suicider, mais se ravise au dernier instant. Sans prévenir personne, il décide alors de quitter Montréal pour aller à la campagne, à Val-Morin.

Il arrive au Camp des Athlètes et fait la connaissance d'Émile Rochat, un vieil homme dont la forme physique est impeccable et qui est prêt à l'aider. Mathieu commence alors à s'entraîner et parvient à obtenir, après de grands efforts, "un esprit sain dans un corps sain". La joie de vivre retrouvée, il reprend contact avec Danielle et Étienne et continue la quête de sa véritable personnalité.

D'abord et avant tout auteur de pièces de théâtre, la québécoise Françoise Loranger n'a écrit qu'un roman, Mathieu. Dans ce livre, elle présente bien les conflits entre les générations, par exemple entre Mathieu et Lucienne, ainsi que la rupture avec l'église, puisque beaucoup des "jeunes" personnages ne sont pas croyants. Dans la première partie du récit, le désespoir de Mathieu est décrit avec une grande sensibilité et les sentiments des personnages sont analysés en profondeur. La souffrance de Mathieu est palpable et présentée avec justesse et précision.

Dans la seconde partie du livre, Mathieu remonte doucement la pente, et sa quête du bonheur ainsi que l'affirmation de soi prennent toute la la place. Mathieu veut vivre de toute son âme, et Émile Rochat se révèle en quelque sorte son mentor.

Bien que les mots de Françoise Loranger soient empreints d'une sagesse réconfortante, le ton moralisateur parfois employé finit par être lassant, de même que l'effusion de bonté inhabituelle provenant d'Étienne Beaulieu. Bref, la fin du roman est moins crédible que le début, et il est difficile de croire que Mathieu ait pu sortir aussi rapidement de son malheur, étant donné l'ampleur de son marasme et de son aliénation au commencement de ce roman psychologique.

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  Mathieu de Françoise Loranger

  de Loranger, Françoise
  Boréal / Boréal Compact
  ISBN : 9782890523418 ; 31,00 € ; 01/12/1991 ; 400 p. ; Broché

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