Nombreux sont les écrivains qui, tôt au tard, cèdent à une forme de nostalgie ou à un désir de confession et, pour l'assouvir, rédigent leur autobiographie. Le plus délicat, quand on entreprend cet exercice, ce sont les premiers chapitres, ceux qu'on consacre à l'enfance et à l'adolescence. Car comment faire pour se dessaisir de son regard d'adulte et retrouver celui de l'enfant puis de l'adolescent qu'on fut , leur redonner vie, ne pas les trahir? Beaucoup sont ceux qui n'y arrivent pas ou, en tout cas, pas de manière totalement satisfaisante. J'ai eu le sentiment cependant, à la lecture du mince volume que Pierre Guyotat consacre à ses années d'enfance et d'adolescence, que, pour une fois, l'entreprise est parfaitement (ou quasi parfaitement) réussie. On le ressent avec une évidence d'autant plus grande que tout le livre est composé de courts paragraphes et écrit uniquement au présent de l'indicatif. Pierre Guyotat a remporté cette gageure, je le crois, de donner la parole à l'enfant puis à l'adolescent qu'il fut à la fin des années 40 et au début des années 50 dans le Sud-Est de la France, sans tricher. C'est vraiment la voix de l'enfant, de ce qu'il découvre auprès de ses parents, des membres de sa famille, à l'école puis dans un collège religieux tenu par des prêtres, puis chez les Jésuites et enfin chez les Maristes. Les questions que le livre égrène, ce sont bien celles d'un enfant puis d'un adolescent. Le ton adopté par l'auteur frappe par sa justesse. Guyotat ne s'encombre pas de développements inutiles. Ce qu'il écrit à son sujet, au sujet de ses parents et de ses maîtres, c'est ce qu'il perçoit de lui-même et d'eux à la manière d'un enfant puis d'un adolescent. Cela donne un livre précieux, un livre, qui plus est, dont nombre de pages m'ont donné l'impression que j'aurais pu moi-même les écrire ou en écrire de semblables. L'enfant et l'adolescent Guyotat ressemblent par bien des aspects, je dois le dire, à l'enfant et l'adolescent que je fus moi-même.