Lawrence d'Arabie, le lévrier fatal (1888-1935) de Vincent-Mansour Monteil

Lawrence d'Arabie, le lévrier fatal (1888-1935) de Vincent-Mansour Monteil

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Romur, le 9 juin 2009 (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 50 ans)
La note : 2 étoiles
Moyenne des notes : 4 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 3 étoiles (57 695ème position).
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Méprisable

Vincent-Mansour Monteil nous propose ici de revisiter le personnage de Lawrence d’Arabie, par delà l’image que donne le héros de lui-même dans Les sept piliers de la sagesse. L’entreprise est à la fois intéressante et risquée compte tenu du mythe que T.E. Lawrence est devenu.
Elle aurait pu être éclairante et enrichissante mais en dépit de la pose objective que prend Vincent Monteil son ouvrage est un dossier à charge et une investigation voyeuriste et sordide.

Il semble que celui qui se fait appeler sans complexe le « Lawrence d’Arabie français » (!) a, en se convertissant à l’Islam, endossé les rancunes que nourrissent certains arabes à l’égard de Lawrence (en combattant à leurs côtés tout en servant le Royaume-Uni celui-ci les a en partie trahis). De là peut-être l’hostilité qui transpire envers Lawrence.

Vincent Monteil a aussi avalé de travers un bouquin de psychanalyse et se délecte en de longs chapitres d’une analyse approfondie de l’homosexualité probable de Lawrence, de son éventuel masochisme, de sa mythomanie (qui n’est peut-être que la tendance que nous avons tous à romancer nos actions quand nous les racontons). D’une allusion discrète aux sévices subis par Lawrence à Dera, il fait un chapitre entier sur le viol.
Que Lawrence ait eu du mal à surmonter une enfance difficile, la torture doublée d’un viol à Dera, la gloire médiatique et que tout cela ait fait de lui un être complexe et torturé, c’est probable. Qu’on en fasse l’essentiel d’une biographie, c’est méprisable.

Pour se purifier après cette lecture, je conseille de relire quelques passages des Sept piliers de la sagesse : les descriptions fantastiques du désert, des chevauchées, des repas de fête sous la tente, des oasis…

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Un continuateur d'Aldington, de Moussa et de Desmond Stewart

6 étoiles

Critique de Francois Sarindar (, Inscrit le 9 août 2011, 66 ans) - 8 décembre 2012

Vincent-Mansour Monteil fut d'abord l'introducteur de la traduction de l'anglais au français du livre de Suleiman Moussa, intitulé dans son édition chez Sindbad en 1973 : Songe et Mensonge de Lawrence. Puis vint en 1987 cette biographie de Lawrence d'Arabie, le lévrier fatal, qui plaçait Monteil parmi ceux qui évoquèrent le travail du psychanalyste John Edward Mack sur T.E. Lawrence : A prince of our disorder. On ne devrait pas lui en vouloir d'avoir puisé à cette source, essentielle aujourd'hui pour bien s'orienter dans la compréhension de l'homme Lawrence.
Doit-on reprocher à Monteil de n'avoir accordé aucune importance aux thèses de Desmond Stewart à propos du "sadique" Ali ibn el-Hussein al-Harith, utilisateur du fouet comme moyen de punition, qui aurait donné une bonne correction à Lawrence alors que tous deux se trouvaient à Azrak pour punir l'officier anglais qui ne se pardonnait pas d'avoir trompé les Arabes en leur promettant faussement l'indépendance pour tous les pays arabes du Moyen-Orient pour mieux les faire se battre contre l'occupant turc, ennemi qu'ils avaient en commun avec les Alliés ?
Monteil ne suit pas Stewart dans ses conclusions, et il a raison, et il est d'accord avec Moussa pour ne pas donner davantage crédit au récit que fait Lawrence dans les Sept Piliers de la Sagesse de sa capture par les Turcs à Deraa et des sévices corporels et sexuels qu'il aurait alors subis de leur part puis des efforts surhumains qu'il aurait déployés pour leur échapper et fuir ce lieu où il aurait été mortifié. Monteil, comme Moussa, se rend compte des invraisemblances de ce récit, mais il ne va pas jusqu'au bout de son analyse.
S'il n'adhère pas aux thèses de Desmond Stewart tenté de substituer le fouet d'Ali à la cravache des Turcs, et Azrak à Deraa, il aurait pu aller plus loin et convenir que si l'histoire de la capture d'un Anglais par les Turcs sans qu'ils puissent identifier l'homme qui se trouve entre leurs mains alors que sa tête est mise à prix ne tient pas debout, cela ne doit cependant pas être regardé comme le fait d'un mythomane, mais tout simplement comme l'invention d'un homme qui voulait qu'on le plaigne d'avoir souffert dans sa chair au service des Arabes et qui espérait par là atténuer le jugement sévère que ces derniers pouvaient porter sur lui, car l'Angleterre et la France n'accordèrent pas l'indépendance en Palestine, en Syrie et en Irak au lendemain de la guerre. Tout est invention d'un homme qui allait montrer qu'il aimait les punitions corporelles, plaisir masochiste conservé de son enfance où il fut battu par sa mère, Sarah. Tout l'épisode de Deraa est fiction, et les biographes de Lawrence sont tombés droit dans le piège : tous de Benoist Mechin en France à Jeremy Wilson, qui veut maintenir la fiction pour entretenir un mythe, celui d'un Lawrence d'Arabie agissant tel un chevalier pour la cause arabe. Non, Deraa ne fut qu'une image entretenue pour symboliser un engagement qui voulait se donner pour plus qu'il n'était mais qui se limitait en fait à la déjà louable tentative d'imposer Faysal à Damas, pour que la Syrie eût un meilleur sort avec un prince hachémite qu'elle ne l'eut avec les Français. Mais autant Lawrence le put tant que les armes parlaient - et là, il l'emporta sur Brémond -, autant ses efforts furent vains après guerre, quand il eut affaire aux hommes politiques anglais et français. La légende de Deraa est maintenue par des biographes qui ont peur de s'avouer la dure réalité : Lawrence voulait éviter le jugement de l'Histoire, et s'épargner de dures critiques de la part des Arabes, alors il a monté toute cette histoire enchâssée dans ses superbes Sept Piliers de la Sagesse. Ce qui lui reste, et c'est énorme, c'est le coup de génie du raid sur Akaba, c'est l'obstination qu'il a mise à vouloir installer Faysal en Syrie contre les petits calculs des Alliés, et ce sont ces admirables Sept Piliers de la Sagesse. Il ne mentit pas pour mentir, contrairement à ce qu'affirmaient bêtement Aldington (Lawrence l'imposteur) et Suleiman Moussa (Songe et Mensonge de Lawrence), il brodait pour se faire pardonner. C'est différent. Trop d'historiens passent à côté de cette réalité-là, et jusqu'à Jeremy Wilson, que pourtant j'admire pour l'imposant travail qu'il a laissé mais qui s'obstine à croire à la légende, et tient pour de l'Histoire ce qui est un simple moyen - une invention de Lawrence pour s'éviter d'être mal considéré. Rien ne tient la route dans le récit de ce qui se serait passé à Deraa : Moussa, Stewart et Monteil l'ont flairé, mais ils n'ont pas su dire pourquoi. J'attends qu'un historien fasse le travail de démythification qui s'impose, afin que l'Histoire ne soit plus légende, car ce n'est pas servir l'Histoire de maintenir les légendes.
Les Sept Piliers de la Sagesse sont faits d'Histoire et de Légendes, de vérités ou de demi-vérités et de mensonges ou de demi-mensonges, mais pas de mythomanie. Nuance !
Pour moi, Monteil était sur la bonne voie, il aurait dû s'autoriser plus d'audace ou de pousser plus loin ce qui était chez lui une forme de lucidité.
François Sarindar

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