Les actifs corporels de Bernard Mourad

Les actifs corporels de Bernard Mourad

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par B1p, le 22 juin 2008 (Inscrit le 4 janvier 2004, 50 ans)
La note : 6 étoiles
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de l'économie-fiction à la bite molle

Alexandre Guyot est le premier humain à faire le pas, profitant des nouvelles lois françaises qui viennent d'entrer en application : avec beaucoup de publicité, et relativement peu de réflexion, il devient le premier être humain côté en bourse comme "société-personne". A partir de là, tous ses faits et gestes sont épiés et disséqués, de manière à ce que ses actionnaires puissent savoir à tout moment s'ils ont fait un bon investissement.
L'ex suicidée ou le pote alcoolo font bien sûr mauvais genre, mais rien de grave tant que les marchés ne le savent pas. Car il ne faudrait pas que son cours s'effondre, cours qu'il peut consulter en live via sa "price watch".
Entre son mentor, sa collègue hyper professionnelle, sa mère actionnaire et la presse unanime, Alexandre Guyot essaye de se frayer un chemin. Mais le suicide de son ex le mine et tend à infléchir la qualité de ses prestations. Et puis, ses actionnaires ne lui inspirent pas tous confiance. Et il peine à être à la hauteur de sa valeur de marché, acculé à la banqueroute et à l'augmentation de capital nécessaire. Mais que peut-on encore attendre de la vie si on perd le contrôle majoritaire de soi-même ou si l'on se fait happer par une nouvelle société-personne, au sexe opposé, et inassouvi, qui plus est.

Bernard Mourad verse dans un genre peu usité en France : la satire socio-économique. Et c'est peu dire qu'on s'en réjouit une fois le quatrième de couverture parcouru avec avidité.

Est-ce que le contenu est à la hauteur des attentes ? Oui et non. Parce que le roman a beau se poser à contre-courant de la production française habituelle, il souffre tout de même d'un de ses travers les plus évidents : le manque d'ambition.
Alors que les Anglo-saxons savent trousser des histoires effroyables où la fiction amène à des situations qui défient l'entendement, Mourad court-circuite assez vite se qui pourrait faire tout le sel de la satire en privilégiant d'emblée un angle d'attaque qui va affadir l'histoire : à la cruauté, il préfère les atermoiements sentimentaux et les regrets romantiques. Autant dire que dans ces conditions, toutes les situations extrêmes qui pouvaient jaillir avortent d'elles-mêmes pour ne retenir que l'histoire d'une bite molle qui peine à aller et venir dans les chattes, privatisées ou non, ce qui réduit tout de même drastiquement la charge sociétale de l'ensemble.

Est-ce pour cela mauvais ? Non, mille fois non. Mais c'est simplement en dessous de ce que cela aurait pu être, et cela ne laisse finalement que peu de traces dans la mémoire. Juste l'histoire sympathique d'un gars à la bite molle privatisée. Bien sûr, une fois les cinquante premières pages au style assez lourdaud dépassées, on s'attachera forcément au personnage, on pourra se féliciter que Mourad connaisse suffisamment les rouages de la finance pour trousser des parallèles convaincants entre les sociétés tout court et les sociétés-personne en rodage, on s'amusera de ses portraits vitriolés des commerciaux de concours et des excités des cours boursiers, mais c'est inéluctable : une fois la dernière page tournée, on oubliera. Et c'est bien dommage quand on se rend compte de ce qui aurait pu être.

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