Robert Hanakone de Jamal Alkhomaili

Pas de couverture
Charger une image...

Robert Hanakone de Jamal Alkhomaili

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Tistou, le 14 mars 2008 (Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans)
La note : 6 étoiles
Visites : 2 017 

La fiction comme thérapie

« Robert Hanakone » est publié par Proxess.be. C’est pourtant un vrai livre, avec une histoire qui pourrait faire figure de saga, tant l’imagination de son auteur est fertile et compte tenu qu’à la 175 ème page il est écrit : Fin de la première partie. Et en effet, à ce moment, Robert Hanakone (dont c’est l’histoire) est encore un jeune garçon, vers dix-douze ans, à la louche, loin des vingt quatre ans qu’il revendique à la deuxième page du roman :
« Aujourd’hui, j’ai 24 ans. J’ai repris le commerce de mon père et je me suis marié avec une indienne qui s’appelle Fala. »

C’est donc que Jamal Alkhomaili, du fond de son centre de détention, doit continuer à écrire inlassablement la suite de la saga. Ecriture comme thérapie ? Ecriture pour s’évader ? Certainement.

Car c’est une des originalités de ce roman, et ça nous est révèlé en avant-propos :
« Ce roman a été édité avec l’aide de l’ADEPPI, Atelier d’Education Permanente pour Personnes Incarcérées. Bruxelles, novembre 2006.
L’auteur, Jamal Alkhomaili, est venu nous demander des cours, beaucoup de cours. Jamal est un boulimique dans ce domaine. Peu de temps après le début de la formation en « histoire-actualité », l’enseignant a dû s’interrompre quelque temps pour s’occuper d’une tâche administrative urgente et il a proposé aux étudiants présents de rédiger un texte, comme ça, pour les occuper, mais aussi pour se faire une idée plus précise de leur niveau à l’écrit.
Vingt minutes plus tard, ils avaient raconté leur soirée télé de la veille ou décrit les membres de leur famille en une ou deux pages manuscrites.
Sauf Jamal qui avait commencé le roman que vous avez sous les yeux … »

Et à mon avis, qu’il doit être en train de continuer encore maintenant. On l’imagine volontiers, pendant le cours d’histoire, penché sur sa copie, donnant vie à Robert Hanakone, le modelant, vivant par procuration dehors, hors des murs.

Ce serait une grave erreur de se dire que l’intérêt du roman réside dans cet arrière-plan particulier, du détenu qui écrit en prison un roman anecdotique. Bien sûr le style n’est pas accompli, affirmé, travaillé. Il est très proche d’une certaine naïveté, une « innocence », dans lesquelles on perçoit un besoin, une urgence, d’inventer quelque chose. Un quelque chose qui serait beau, sans rapport avec la prison, avec le mal.

« Je m’appelle Robert Hanakone. Je suis né en Louisiane le 17 avril 1940 en pleine guerre mondiale. Peu après, mon père et mon frère sont allés au combat qui bouleversait l’Europe.
On était une famille assez nombreuse. J’avais 5 soeurs et 4 frères. Mes parents étaient du Texas. Mais comme ils se sont mariés jeunes et qu’ils étaient pauvres, mon grand-oncle - vieux et n’ayant plus beaucoup de temps à vivre - leur a proposé de venir reprendre la ferme. Ils en ont hérité à sa mort et ont cultivé du blé et du maïs sur ces quelques hectares … »
Et ça continue ainsi sur 175 pages. Une véritable gageure, au jour le jour, puisqu’on croit bien sentir qu’il n’y a pas de plan préalable mais que les chapitres s’enfilent en un rythme imperturbable, de 3_4 pages, (un chapitre quotidien ?) avec des rebondissements inlassablement créés, de petits évènements de la vie comme de bouleversements plus sérieux. Le tout avec une cohérence totale.

Etonnant aussi que Jamal Alkhomaili, né en 1976 à Bruxelles (on nous l’apprend en avant-propos) soit pris d’une telle passion pour le monde américain et les indiens (son personnage est né en 1940 dans le Sud des Etats-Unis). Une réelle passion car on se surprend à se demander, à plusieurs reprises, d’où J. Alkhomaili tient tous ces détails qui font immanquablement vrais (j’ai pensé à « Un été indien » de Truman Capote dans des passages consacrés à la petite enfance de Robert Hanakone à la ferme).

Un surprenant mélange d’extrême naïveté, d’absence d’arrière-pensée avec une connaissance qu’on dirait réelle de ce qu’a dû être le monde américain de l’après-guerre.

On a envie de conseiller à Jamal Alkhomaili de construire un plan pour ne pas perdre pied dans la suite qu’il doit écrire. D’épurer davantage son écriture en relisant, retravaillant le texte toujours un peu plus afin de gagner en qualité littéraire, mais surtout de conserver cette fraïcheur d’âme étonnante qui lui fait imaginer mille choses aux antipodes de son quotidien, mille choses qui pourraient être vraies et qui font qu’on dévore rapidement l’ouvrage sitôt qu’on a mis le nez dedans.
Attendons la suite.

Connectez vous pour ajouter ce livre dans une liste ou dans votre biblio.

Les éditions

»Enregistrez-vous pour ajouter une édition

Les livres liés

Pas de série ou de livres liés.   Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série

Forums: Robert Hanakone

Il n'y a pas encore de discussion autour de "Robert Hanakone".