Le radeau de pierre de José Saramago

Le radeau de pierre de José Saramago
( A Jangada de pedra)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Septularisen, le 16 janvier 2008 (Luxembourg, Inscrit le 7 août 2004, 56 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (40 958ème position).
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LE RADEAU PHILOSOPHIQUE

Dans ce livre de José SARAMAGO écrit en 1986, l’auteur imagine qu’à la suite d’un cataclysme, la péninsule ibérique se détache tout entière du continent (de la France et de l'Europe) pour dériver dans l’Atlantique, et se met à dériver un peu comme un "radeau de pierre" sur l'océan. On croit d’abord qu’elle va se heurter à l’archipel des Açores, mais à la dernière minute suivant le sens contraire des aiguilles d'une montre, la péninsule ibérique se met à décrire un périple inattendu avant de filer vers le sud, vers une Afrique qui lui est proche, pour s'arrêter on ne sait quand ni où…
Tous ces événements sont vus par le regard de quatre personnages qui vont vivre une extraordinaire histoire d'amour.qui se joue entre plusieurs personnages, et est l’occasion d’une réflexion géopolitique de la part de l’auteur.

Au commencement du roman tout semble normal, mais certains signes avant-coureurs d’on ne sait quoi apparaissent : Joana Carda trace sur le sol d’une clairière une ligne qui ne s’efface jamais, Joaquim Sassa lance à une distance prodigieuse une pierre d’un poids surhumain, José Anaiço se voit «accompagné», pour ne pas dire suivi partout par une immense nuée d’étourneaux, le vieux Pedro Orce sent trembler la terre de façon permanente, enfin de la main de Maria Guavaira s’échappe un fil de laine bleu qui se déroule sans discontinuer.

Il sont réunis par un chien qu’ils nommeront par la suite Ardent et décident de partir tous les cinq d’un commun accord, voir la fameuse «ligne de faille» qui sépare la péninsule ibérique (bientôt une simple île d’ailleurs…) du reste de l’Europe. Très vite Joaquim Sassa tombe amoureux de Maria Guavara et José Anaiço de Joana Carda… mais le but ultime de cette mystérieuse force qui les a réunis n’était-il pas justement de les faire s’aimer…

A sa parution Le Radeau de pierre fut pris par de nombreux lecteurs pour un roman contre l’Union Européenne. D’une part, dans ce roman, on sépare la péninsule ibérique de l’Europe, et d’autre part il y a dans cette parabole la fantaisie et la féconde imagination de José SARAMAGO, écrivain dont tout le monde connaît sa «sympathie» communiste, et l'anti-européen très convaincu qu'il est…
Je pense personnellement que cette explication est un peu «capillotractée», ou en tout cas très recherchée… je pense qu’il faut prendre ce livre pour ce qu’il est, ni plus ni moins, à savoir un très beau conte philosophique et initiatique…

Dans tous les cas un grand livre, par un «grand»écrivain beaucoup trop méconnu par le public français, et à l’heure où j’écris ces lignes le seul Prix Nobel de Littérature (1998) de langue lusitanienne.

A noter enfin que le cinéaste d’origine néerlandaise Georges Sluizer, a tiré de ce roman de Saramago un film en 2002, mais franchement pour l’avoir vu, je dirai comme toujours : «Le livre était quand même beaucoup mieux»…

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Les éditions

  • Le Radeau de pierre [Texte imprimé], roman José Saramago trad. du portugais par Claude Fages
    de Saramago, José Fages, Claude (Traducteur)
    Seuil
    ISBN : 9782020115414 ; 24,80 € ; 01/02/1990 ; 312 p. ; Broché
  • Le radeau de pierre [Texte imprimé], roman José Saramago traduit du portugais par Claude Fages
    de Saramago, José Fages, Claude (Traducteur)
    Points / Points. Signatures
    ISBN : 9782757815199 ; 14,94 € ; 19/11/2009 ; 345 p. ; Poche
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Un naufrage

3 étoiles

Critique de Mimi62 (Plaisance-du-Touch (31), Inscrit le 20 décembre 2013, 71 ans) - 2 juin 2021

Une idée originale, une histoire intéressante... ou plutôt une histoire qui aurait pu être intéressante.
Les personnages principaux font partie des rares qui ont pressenti ce qui va arriver. Cela les mène sur la route où, en cherchant leur chemin ceux-ci vont se croiser.
Cet auteur bénéficie de l'aura de sa reconnaissance littéraire et ce qui serait âprement critiqué dans d'autres romans comme étant une histoire sans imagination fleurant bon l'eau de rose, devient ici pour certains un trait de génie.
De même pour l'écriture. Le style est lourd, des phrases bien souvent incompréhensibles sans être relues trois fois et encore n'est-on pas certain de l'intention de l'auteur. Le récit traîne en longueur, tourne en rond, se répète, devient rapidement ennuyeux.
Oui aux livres qui interpellent, posent des questions en n'apportant pas de réponse, laissant au lecteur le soin de se les trouver mais ce type d'ouvrage n'apporte rien. Il pose une situation de départ qui surprend, saupoudre le tout de quelques réflexions qui se veulent philosophiques mais ne noie dans un délire que certains qualifient de poétique mais que pour ma part je considère plutôt comme un fouillis prétentieux.

Certes cet auteur est reconnu par un prix Nobel, tout comme le fut Camus et c'est là une reconnaissance. Une reconnaissance qui me laisse le même goût que celle de Camus après avoir lu la peste. Quelle est l'intention de l'auteur, où veut-il nous emmener, que veut-il vraiment soulever comme questions ?
Ces écrits demandent un décodage nécessitant un apprentissage, comme tout code, se réservant non pas à une pseudo élite mais plutôt à une confrérie d'adorateurs de ce type d'écrits, compliquant à souhait ce codage pour éviter l'accès aux non initiés, comme le firent les grammairiens aux Moyen-âge.
La confusion, et non le partage ou l'accumulation, des genres est complète. Parti d'un roman "classique", on passe dans le fantastique, puis dans le pseudo poétique, avant d'arriver à l'anarchique en passant par un délire fantastique auquel il ne manque que quelques personnages surnaturels pour passer dans le fantasy. La seule cohérence réside dans l'incohérence de l'assemblage.
Ce type d'ouvrage participe de l'entreprise de démolition du goût de lire que mènent les programmes de Français au lycée. Nombre de lecteurs se sont détournés de l'écrit suite à ces deux années dévastatrices. Pour ma part, c'est depuis cette date que la poésie a perdu toute sa séduction et m'en a fait m'en détourner totalement.

Certains aiment et ceci est une excellente chose mais ce qui est insupportable c'est que ces personnes décrètent faire une référence de tels ouvrages, dénigrant des auteurs qu'ils ne reconnaissent pas, essentiellement parce qu'ils sont compréhensibles de la plupart.

Cela m'arrive rarement mais j'ai abandonné cet ouvrage, l'histoire n'avançait pas, le contenu ne m'apportait rien, n'ouvrait aucune porte, ne définissait aucune piste, ne touchait aucun point sensible ou intellectuel, brassait du vent. J'avais l'impression de lire un discours de politicien : donner l'illusion de dire quelque chose mais en fait ne brasser que du vent.

Ce radeau, malgré sa taille n'était pas prêt à affronter les éléments. Le naufrage n'était pas loin.
Ce genre d'écrit est à l'opposé de que devrait être la littérature pour moi. Les mots doivent être au service de l'écrivain et du lecteur, ils doivent permettre d'interroger sur des idées, des concepts. Mozart disait "je cherche les notes qui s'aiment". Cela devrait être le cas pour les mots, ce qui est loin d'être le cas ici. On se trouverait davantage dans le concept de l'art moderne, conceptuel, où les explications de l'auteur ainsi qu'un guide pour comprendre le sens de celui-ci s'avère indispensable.
Il me reste toujours la sensation que ces auteurs ont l'esprit bouillonnant mais se laissent envahir par ce bouillonnement et peinent à structurer leur pensée, à l'exposer clairement.
"Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement" comme disait Boileau.
Soit on est loin de cela, soit on plonge dans un art conceptuel mais en aucun cas on n'est dans un écrit de communication aux intentions claires.

Un livre bourré d'idées intéressantes mais présentées dans un tel galimatias qu'il en rend la lecture totalement inutile. Peut-être suis-je trop cartésien.

Médusé !

10 étoiles

Critique de Lectio (, Inscrit le 16 juin 2011, 75 ans) - 19 juin 2013

" Réunis par le plus prodigieux des hasards ou la plus délibérée des manipulations" voici José Anaiço suivi constamment par une bande d'étourneaux, Joaquim Sassa qui se saisit d'une lourde pierre et la lance comme un discobole, et Pédro Orce qui en dépit de la platitude des sismographes sent la terre trembler. A ce trio disparate se joindront un énorme chien, Joana Carda qui griffe le sol avec une branche d'orme et Maria Guavaira la paysanne. Possèdent-ils un lien quelconque avec la fracture inexpliquée des Pyrénées et le détachement de la péninsule ibérique du continent européen ? Sur ce radeau de pierre ils vivent des aventures fantastiques, rocambolesques et Saramago s'en donne à coeur joie entre la perplexité des scientifiques, le désarroi des politiques et la population déboussolée au sens propre et figuré. Certes ce roman n'est pas l'unique ouvrage fantastique et allégorique de R.Saramago. Mais comme il est passionnant de lire ce texte publié en 1986 (A jacanda de pedra, Editorial Caminho, Lisbonne) aujourd'hui en 2013. Allégorie presque visionnaire, véritable parabole écrite par un altermondialiste engagé qui n'a jamais caché sa méfiance face à la construction européenne et à ses dérives libérales si dévastatrices pour les peuples les plus fragiles. Les premières pages sont toujours un peu déroutantes car le texte est particulièrement dense vu que les dialogues ne sont pas introduits par des tirets ou des guillemets, de plus le texte comporte de nombreuses digressions souvent cocasses et pertinentes à l'adresse du lecteur. Lire Saramago c'est passer un grand moment !

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