Rêve d'amour de Laurence Tardieu

Rêve d'amour de Laurence Tardieu

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Laure256, le 6 janvier 2008 (Inscrite le 23 mai 2004, 51 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (14 702ème position).
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L'apaisement au bout du souffle

Alice, 30 ans, cherche à retrouver le souvenir de sa mère, morte alors qu’elle avait 5 ans, et dont elle n’a plus qu’une image floue de vêtement bleu, dont elle ne sait d’ailleurs si elle est rêve ou réalité. Alors que son père meurt et qu’elle ne lui a pas encore dit combien elle l’aime, dans un dernier souffle, il lui confie que sa mère a aimé un autre homme, un peintre, Emmanuel Bisani. Elle le retrouve rapidement pour qu’il lui parle de sa mère, car elle n’a même pas une photo. Qu’est-ce qui a pu pousser son père à tout détruire, souvenirs, tableaux et photos… ?

L’histoire est aussi simple que cela, mais l’écriture ô combien magnifique. C’est un texte qu’on lit lentement, pour en apprécier chaque mot, chaque souffle, un livre d’une beauté rare et délicate. Il en ressort une douceur, une fragilité, autant qu’une force intérieure, un élan vital qui pousse à savoir, à chercher, pour s’apaiser, enfin. Car c’est de cela dont il est question aussi : l’apaisement. Sortir du vide pour vivre enfin, aimer, mais pour se faire il faut passer par toutes ces questions obsédantes qui scandent la quête de l’histoire maternelle. Un très très beau livre, intime, sobre et élégant. Et de très belles réflexions sur l’écriture, le souvenir et l’amour. Quand vous l’aurez achevé, vous n’aurez plus alors que l’envie d’aller écouter les Rêves d’amour de Listz, pour rester encore un peu avec Alice, Blandine et Emmanuel.

Quelques extraits :

p. 22 : « (…) mon père meurt et l’été flamboie, mon père bientôt ne sera plus là et je me demande soudain ce que je sais de lui, quelles certitudes, nous nous sommes tant aimés et jamais rien dit, la douleur passait tant entre nous, la douleur de l’absente, la douleur de la femme perdue, la douleur de la mère disparue. »

p. 60 : « «Est-ce une folie d’être venue ? Cet homme a-t-il vraiment aimé ma mère ? L’a-t-il aimée comme je rêve que ma mère ait été aimée ? »

p. 134 : « J’ai écrit longtemps. Je crois que je vais bientôt finir le livre. L’histoire que je raconte n’est pas la mienne, mais il s’agit pourtant de moi : celle qui court dans le livre ressemble à celle qui court dans la vie. C’est la même quête, ce sont les mêmes questions, qui restent sans réponse, obsédantes, ouvertes, nécessaires. Ecrire, c’est s’approcher au plus près de certaines brûlures. J’ai su que le livre parvenait à son terme, parce que je me suis retrouvée. »

p.156 : Les livres ne se finissent pas : le mouvement qui les a fait naître, qui les a fait battre, ne s’achève pas. Les vies non plus.
J’ai écrit la dernière page cette nuit. Je ne sais pas à quoi ressemble le livre, d’autres le sauront pour moi. Il me semble avoir accompli quelque chose. J’en suis heureuse. »

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Les éditions

  • Rêve d'amour [Texte imprimé], roman Laurence Tardieu
    de Tardieu, Laurence
    Stock
    ISBN : 9782234060456 ; 15,75 € ; 03/01/2008 ; 158 p. ; Format Kindle
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Effacer la vie

7 étoiles

Critique de Aria (Paris, Inscrite le 20 juin 2005, - ans) - 19 août 2008

Alice a trente ans. Sa mère, Blandine, est décédée quand Alice avait cinq ans et jamais son père ne lui a dit quoi que ce soit après sa disparition. Il n’est resté aucune trace d’elle, ni photos permettant à l’enfant de connaître les traits de son visage, ni tableaux, car Blandine était peintre. Que s’est-il passé pour que son père ait éprouvé le besoin de tout détruire ?
Alice, enfant soumise sans doute, n’a jamais osé la moindre question à son père, se conformant probablement à ce que son père attendait d’elle.
Aucune révolte de sa part sur ce comportement si destructeur pour un enfant, l’effacement, le gommage total d’un parent par l’autre. Elle n’en veut pas à ce père qui a doublement tué (symboliquement, bien sûr) son épouse.

Au début du roman, son père tombe malade et meurt. Quelques jours avant sa mort, il donne à Alice le nom de l’homme que Blandine a aimé pendant quelques mois avant de mourir. Elle avait 30 ans.
Cette révélation lance Alice à la recherche de sa mère, non en tant que mère, mais en tant qu’amante. Mille questions l’assaillent, toutes sur la relation de sa mère avec cet homme. Toutes ces questions, étonnamment, sont typiquement celles qu’un enfant ne se pose jamais sur sa mère :
« A quoi ressemblait l’amour entre eux ? Quelles étaient leurs étreintes ? Quelles étaient leurs caresses ? Se parlaient-ils pendant l’amour ? Se taisaient-ils ? S’embrassaient-ils ?...Savaient-ils si, entre eux, c’était du désir ou de l’amour ?...Pourquoi ces deux-là se sont-ils désirés ? Ma mère, avant cet homme, avait-elle désiré d’autres hommes ? Désirait-elle encore mon père ?... »

Il est évident qu’Alice, qui a l’âge de sa mère lorsqu’elle est décédée, se projette sur la femme, non sur la mère. Ce parti pris de Laurence Tardieu m’a déçue. Il me semble qu’elle a écrit deux histoires en une, qu’elle s’est moins attachée à la douleur du deuil de sa mère qu’à cette histoire d’amour vieille de vingt-cinq ans, une histoire comme elle-même n’en a jamais connue. Sans doute fallait-il qu’elle découvre que sa mère était une femme aimante pour elle-même donner libre cours à sa féminité.

Le style est plaisant, quelques phrases sont belles, mais elles sont un peu isolées.
J’ai été très gênée et même irritée par ces paragraphes entiers de phrases avec des points d’interrogation, qui enlèvent toute fluidité au récit.
Une petite déception, donc, après tout le bien que j’avais entendu de Laurence Tardieu.
Ayant relu tout récemment «Bonjour Tristesse», je songeais avec regret à la légèreté de la plume de Sagan, qui, dans ce court roman, abordait tant de sujets graves comme la relation au père par petites touches si efficaces. Mais ceci est une autre histoire.

Emouvant cheminement

8 étoiles

Critique de Amanda m (, Inscrite le 10 janvier 2008, 57 ans) - 10 janvier 2008

Après le deuil de l’enfant, que Laurence Tardieu a magnifiquement évoqué dans « Puisque rien ne dure », voici le roman du deuil des parents. La question n’est plus de survivre à l’enfant, mais de continuer à vivre sans parents. Ou de vivre tout court sans parent. Sans mémoire, sans image à laquelle se raccrocher, sans souvenir dans lequel on peut se blottir, se réfugier, sans référence pour se construire.

La beauté des phrases est toujours là, délicate, légère, douce, mais tellement émouvante. Peut-être un peu trop d’interrogations ? Trop de paragraphes composés uniquement de courtes questions, qui se succèdent, se prolongent, s’ajoutent les unes aux autres, sans fin ? C’est là le seul bémol que je mettrai à cette lecture, qui m’a moins touchée, renversée que « Puisque rien ne dure ». Question d’identification sans doute. Mais je reste convaincue que Laurence Tardieu est une auteure douée, dont les mots, les phrases ont le don d’emmener ses lecteurs dans un très beau voyage, souvent douloureux mais toujours bouleversant.

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