La bâtarde d'Istanbul de Elif Shafak

La bâtarde d'Istanbul de Elif Shafak
( The bastard of Istanbul)

Catégorie(s) : Littérature => Moyen Orient , Littérature => Anglophone

Critiqué par FROISSART, le 27 octobre 2007 (St Paul, Inscrit le 20 février 2006, 76 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 7 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 446ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
Visites : 16 164  (depuis Novembre 2007)

Le commentaire de Patryck Froissart

Titre : La bâtarde d’Istanbul
Auteur : Elif Shafak
Editeur : Phébus – Paris - 2007
Titre original : The Bastard of Istanbul
Traduit de l’anglais par Aline Azoulay
320 pages
ISBN : 2752902786

Amy, une jeune étudiante de l’Arizona, est la fille de Rose, une Américaine « bon teint » et de Barsam, un descendant de ces Arméniens qui ont émigré massivement aux Etats-Unis pour fuir les exactions turques. Ses parents ayant divorcé, elle partage son temps entre sa famille arménienne et sa famille américaine, celle-ci composée de sa mère et de son beau-père, Mostapha, un Turc récemment immigré avec qui Rose a choisi de vivre par provocation à l’encontre de la parentèle de son premier époux.

Asya, une jeune étudiante turque d’Istanbul, est la fille de Zéliha, une Turque moderne, célibataire et anticonformiste, et, bâtarde, ignore qui est son père. Elle vit avec sa mère et ses tantes dans une grande maison uniquement habitée par des femmes, entre qui, subtilement, planent de lourds secrets. Fruit d’une faute maternelle dont elle ignore tout, tout en copiant la modernité et la liberté de sa mère, elle vit avec elle une relation quotidiennement conflictuelle.

L’envie vient à Amy de connaître la ville d’origine de ses ancêtres paternels.
Elle se rend, à l’insu de ses deux familles d’Amérique et de son beau-père, à Istanbul où elle se fait héberger la famille de ce dernier, qui se trouve être celle d’Asya.

L’arrivée d’Amy à Istanbul au début du XXIe siècle, c’est la résurgence, brutale, de l’Histoire tragique du début du siècle précédent. Amy, de son vrai prénom, arménien, Armanoush, involontairement, déclenche, par son irruption, des réminiscences douloureuses d’un passé tragique collectif, qualifié de génocide par les uns et d’événements historiques circonstanciels par les autres, et de drames personnels soigneusement refoulés.

Au cours du récit, on découvre, détail par détail, les terribles liens qui unissent, au passé et au présent, Armanoush et Asya, et dont la révélation provoque une nouvelle tragédie familiale.

L’étroite intrication de l’histoire, sur quatre générations, des familles d’Asya et d’Armanoush, et l’amitié qui naît, irrésistiblement, entre les deux jeunes filles, révèle clairement le dessein de l’auteure, elle-même Turco-américaine, de montrer que le destin des deux communautés, en dépit de la fracture qui s’est produite entre elles en 1915, des crimes qui ont été commis, et des cicatrices, encore vives, qu’ils ont laissées dans les mémoires, et qu’il ne convient pas d’effacer, est de se retrouver un jour, fatalement, et d’accepter, ou de refuser de se reconnaître comme parties d’une même famille, partageant une même culture, symbolisée ici, de façon très sensuelle, et intime, par la similitude des goûts et usages culinaires (chaque chapitre portant en titre un ingrédient de cet art commun, y compris le plus toxique, celui qui a empoisonné les relations entre Turcs et Arméniens).

Réconciliation possible ? Haine irréductible ?
Le roman pose la question, ce qui, en soi, est encore aujourd’hui une démarche ardente, pleine de risque, puisque l’auteure, Elif Shafak, dont il faut saluer le courage, a été traduite devant la justice turque et n’a dû son acquittement qu’au soutien massif de personnalités de tous pays.

Il faut lire ce livre, qui réduit en miettes de nombreuses idées reçues sur la Turquie d’aujourd’hui et sur la tragédie turco-arménienne.

Patryck Froissart, Boucan Canot, le 27 octobre 2007

Connectez vous pour ajouter ce livre dans une liste ou dans votre biblio.

Les éditions

  • La bâtarde d'Istanbul [Texte imprimé], roman Elif Shafak traduit de l'anglais (Turquie) par Aline Azoulay préface de Amin Maalouf
    de Shafak, Elif Azoulay-Pacvoň, Aline (Traducteur)
    Phébus / D'aujourd'hui. Étranger (Paris)
    ISBN : 9782752902788 ; 3,48 € ; 30/08/2007 ; 319 p. ; Broché
  • LA BATARDE D'ISTANBUL
    de Shafak, Elif
    10-18
    ISBN : 9782264052483 ; 1,77 € ; 01/01/2010 ; 377 p. ; Poche
»Enregistrez-vous pour ajouter une édition

Les livres liés

Pas de série ou de livres liés.   Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série

Tolérance turque

9 étoiles

Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 17 octobre 2022

Ce livre est une porte d’entrée pour découvrir ce qu’est la mentalité ouverte des citoyens Turcs d’Istanbul, en contradiction avec les thèses officielles du régime en place.

Pourtant, même si le terme génocide est évoqué, l’auteur reste prudente et sans nier des répressions massives à l’encontre du peuple arménien, elle joue sur la définition de ce phénomène.

C’est sur un fond de drame familial, en y ajoutant des recettes de cuisine et des éléments propres à un guide touristique, que ce roman se profile et permet d’une belle manière de donner envie de découvrir cette fabuleuse cité d’Istanbul tout en apportant des nuances discutées et discutables sur ces terribles évènements du début du 20ème siècle.

Pour ce qui est du style, l’écriture d’Elif Shafak, est fille de diplomate. Cela explique sans doute son ouverture vers le monde. Elle est plaisante, variée et donne envie de lire son œuvre. Elle a d’ailleurs écrit ce roman en anglais.

A lire si vous partez vers la porte de l'Orient.

La bâtarde d’Istanbul fait partie des livres qui ont failli être censurés.

10 étoiles

Critique de Chene (Tours, Inscrit le 8 juillet 2009, 53 ans) - 16 septembre 2015

Pour ce livre, l’auteure, Elif Shafak a été traînée devant la justice Turque pour « insulte à l’identité nationale » selon l’article 301 du code pénal Turc. Elle a frôlé la prison mais a finalement été acquittée.
Pourtant ce livre ne contient aucune scène de sexe torride, aucune violence démesurée, ni outrage, insultes, vulgarité ou blasphème d’aucune sorte.
Au contraire, l’écriture d’Elif Safak est fine, intelligente, structurée, raffinée, moderne et agréable.
Alors pourquoi cette répression contre un écrivain ? Contre un livre ? Pourquoi a-t-il déclenché les foudres des autorités ?
Tout simplement, parce que Elif Shafak met en scène une famille Turque d’Istanbul, (famille de femmes), ayant des origines arméniennes (tout comme beaucoup de citoyens Turcs d’aujourd’hui).
Pour répondre aux interrogations du présent qui perturbent la société Turque, Elif Shafak renvoie à l’histoire trouble du génocide arménien de 1915. Génocide que les gouvernements turcs successifs ne veulent pas reconnaître et tentent d’effacer de la mémoire collective (en 1915, l’État Turc organisa l’extermination d’un million de citoyens de nationalité Turque mais faisant partie de la communauté arménienne et chrétienne).
Ce livre est désormais culte.
Je conseille, dans le même temps, le film bouleversant du réalisateur Allemand d’origine turque, Faith Akin, « The Cut », retraçant les étapes du génocide et la souffrance des Arméniens boycotté en Turquie et n’ayant fait que 51 000 entrées dans les salles en France (ce qui est très peu)..

Un roman courageux mais alourdi par de trop nombreuses digressions

7 étoiles

Critique de Monde imaginaire (Bourg La Reine, Inscrite le 6 octobre 2011, 51 ans) - 11 septembre 2014

Le livre s’ouvre sur une très belle préface d’Amin Maalouf, ce qui en soit, est déjà un signe de grande qualité.

L’écriture d’Elif Shafak est intelligente, savoureuse dans ces portraits de femmes et ne manque pas d’humour mais, oui il y a un « mais », elle m’a souvent semblée trop chargée, comme la cuisine orientale qui nous est décrite tout au long de l’histoire.

J’avoue qu’arrivée à la moitié du roman j’étais déjà un peu écœurée par les trop nombreuses digressions qui alourdissent le récit. De plus, j’ai trouvé la deuxième partie du livre bancale et totalement improbable. J’ai d’ailleurs mis beaucoup de temps à le lire.

Cependant, on ne peut que louer le courage de cette auteure qui a risqué sa liberté pour parler du génocide arménien. Il apparaît comme un livre nécessaire pour comprendre la complexité des rapports turco-arméniens.

Si vous souhaitez sortir des sentiers battus et découvrir une autre image de la Turquie, ce livre saura à coup sûr répondre à vos attentes. Dépaysement garanti.

D'un intérêt certain

9 étoiles

Critique de DE GOUGE (Nantes, Inscrite le 30 septembre 2011, 67 ans) - 26 décembre 2013

pour justement ceux qui sont sûrs !
Ce livre dont le centre est le génocide Arménien par les Turcs, impossible à nier, et pourtant si peu relayé par l'Histoire que nombre de cultures l'ignorent, à commencer par les Turcs eux mêmes !
Il fût ! (voir : "les 40 jours du Musa Dagh" de Franz Werfel entre autres)
Et dans ce livre, on côtoie la communauté arménienne aux USA, confite dans ce passé et d'une rare intransigeance et les Arméniens encore en Turquie qui préfèrent l'aisance d'une relation de nouveau fluide au quotidien .
Ce livre nous ouvre à une Turquie moderne et ancienne à la fois : des mondes qui s'affrontent, de façon tragique ou truculente !
Un univers où la femme (Grand-mère, mère, tante) règne de façon pas toujours pertinente ....mais chaleureuse et pleine d'odeurs de cuisine.
J'admire l'auteur ! Avoir osé, en tant que Turque, poser le problème de ce terrible génocide, il en faut du courage !
L'écriture est superbe, fleurie ou brutale, pleine de détails ou fermée, mais toujours puissante.
Un livre à recommander !

A lire.

10 étoiles

Critique de Javanosi (, Inscrite le 11 février 2011, 61 ans) - 28 mars 2011

un excellent roman qui traite d'un sujet difficile .
Elif Shafak fait preuve de courage et de conviction et nous fait encore une fois profiter de son grand talent de romancière .
L'amitié qui se noue entre Army et Asya , jeunes filles de la nouvelle génération , ouvre une porte sur l'avenir et l'espoir de réconciliation entre deux peuples .

Pourquoi faire si compliqué

6 étoiles

Critique de Campanule (Orp-Le-Grand, Inscrite le 10 octobre 2007, 62 ans) - 13 janvier 2009

L'histoire de ces 2 jeunes filles est très prenante mais il faut avouer que les 100 premières pages sont un peu longues. Je ne sais pas si les nombreux rappels historiques sont vraiment nécessaires... La fin est surprenante et plus qu'inattendue. Les personnages sont très variés et certains plus attachants que d'autres. Personnellement, j'ai adoré la 2ème partie du roman trouvant le début très lent et un peu incompréhensible.

Forums: La bâtarde d'Istanbul