La naissance d'un terroriste attachant

C’est l’histoire d’un marocain de 18 ans, Ismaël, en 1954. Les circonstances le plongent dans la rébellion et le voient se transformer en terroriste. Ismaël accomplit plusieurs attentats et sa réputation grandit de jour en jour, bien qu’il se défende d’être un héros, rôle qu’il n’aime pas jouer.
Cette histoire bien que se déroulant en 1954 est particulièrement d’actualité. Même s’il n’est pas motivé par un islam radical, les motifs et les mécanismes qui le poussent au terrorisme nous font réfléchir sur ceux des terroristes d’aujourd’hui. Ce personnage est attachant, il est parfois tiraillé entre sa haine de l’injustice et la miséricorde vis-à-vis des individus (il s’attache par exemple à sauver les enfants dans les parages de ses bombes).
Dans ce roman, il est constamment fait référence aux animaux : Ismaël est très attaché à un pur-sang et par après, dans sa fuite et ses péripéties, il lui arrive de s’identifier à un cheval. Il se targue de savoir parler aux animaux et compare bien souvent certains individus à des animaux, qu’il apprivoise.
Ismaël justifie son combat : « (…) seul dans la création, l’homme tue pour tuer, qu’il supprime la vie pour sa propre jouissance - au contraire des bêtes qui tuent pour se nourrir. « Et la guerre ? poursuivit Benzouina, le combat que toi et moi nous livrons ?... - L’homme fait la guerre parce qu’il porte le meurtre dans le sang. La preuve ? Chaque fois qu’il le peut, comme s’il fuyait la vérité de sa nature, il la maquille de nobles intentions, il invoque un idéal sacré : il tue au nom de l’Etat, de la Patrie, de Dieu. (…) Non coupable ! voilà ce qu’il crie à la face du monde ! (…) je ne supprime pas des vies humaines pour jouir. On n’est pas terroriste pour le plaisir ! à moins d’être un monstre. Et la guerre où toi et moi nous sommes embarqués, c’est l’étranger qui nous y a poussés. C’est le N’srani qui a obéit a l’instinct de meurtre inscrit au fond de la nature humaine, c’est lui qui camoufle sa victoire, même éphémère, sous des alibis mensongers : il proclame que s’il a envahi un territoire à nos yeux sacré, c’est pour satisfaire à son idéal de philanthrope - pour nous faire accéder au progrès, nous qui sommes en retard de plusieurs guerres. Il se ment, il outrage l’univers, il blasphème Dieu - il faut lui faire payer non seulement son mensonge, mais le meurtre auquel il nous oblige ! … » »
Et son ami conclut : « D’un côté tu dis que les choses sont arrivées par hasard, que tu n’es rien : un peu de boue anonyme, comme chacun de nous, pétri par l’événement, par le vent ou la neige qui soufflent par rafales, ou le soleil qui craquelle l’écorce de la terre ! De l’autre, tu dis que tu ne fais qu’exécuter les ordres d’un ouvrier supérieur. »
Au fil des missions qui lui seront confiées, Ismaël va mûrir et changer…
Un livre original et très actuel.
(Seul petit reproche : il est parfois difficile de comprendre certains termes pour ceux qui n'ont pas vécu au Maroc.)

• 

  Ismaël [Texte imprimé], roman Jean-Pierre Millecam

  de Millecam, Jean-Pierre
  Éd. du Rocher / LITTERATURE
  ISBN : 9782268063058 ; 19,80 € ; 23/08/2007 ; 347 p. ; Broché

  Go Amazon