Loulou Hebdo de Maurice Roche

Loulou Hebdo de Maurice Roche

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Signe, le 27 mars 2007 (Inscrite le 23 septembre 2004, 74 ans)
La note : 9 étoiles
Visites : 3 715  (depuis Novembre 2007)

"L'aigresistence" de Mauriçou

« L’aigresistence de Mauriçou »

Dix ans après sa mort survenue en juillet 1997, les proches et amis de l’écrivain Maurice Roche lui ont rendu un bel hommage posthume en permettant la publication du petit journal hebdomadaire intitulé « Loulou hebdo » qu’il envoyait depuis Paris à sa mère (Loulou ) restée à Clermont-Ferrand, la tenant ainsi au courant de ses faits et gestes quotidiens.
Ainsi apparaissent à travers plusieurs fausses rubriques, sur le mode synoptique des vrais journaux, quelques fragments de la « petite histoire » de cet écrivain qui au cours des années soixante a bouleversé la vie littéraire avec la publication aux éditions du Seuil de son premier roman, « Compact ».
Lui qui écrivait « La vie anonyme efface l’Histoire » s’est ingénié à laisser des traces de son passage bien avant de devenir l’auteur confirmé que j’ai rencontré dans les années 70.
A la lecture de ce journal nous sommes à la fin des années cinquante lorsque tout est à reconstruire dans l’effervescence d’une vie parisienne littéraire et artistique assez éloignée encore de la société consumériste et spectaculaire que nous connaissons, où l’on prend le temps de se parler, de se voir, de travailler ensemble, d’aller dîner les uns chez les autres, d’échanger des opinions et des livres, jusqu’au milieu de la nuit…
Musicien « avant toute chose », Maurice compose de la musique pour différentes pièces de théâtre dont les « Épiphanies » d’Henri Pichette, évoquant ainsi l’ombre de Gérard Philippe qui traverse la scène. Le journaliste qu’il devient à l’époque pour gagner sa vie, réalise l’interview du boxeur Georges Carpentier à propos du fameux match qui l’opposa à Dempsey et qu’il perdra.
En quelques traits de plume il esquisse un portrait amusant de l’écrivain René de Obaldia « en jeune homme très curieux, spécialiste « de la mystification » qui, se grimant au cours d’une soirée à Royaumont, parvient à se faire passer pour le poète Paul Léautaud.
Personnage empathique, s’il en fut, Maurice cultive également son contraire et règle ses comptes avec ses amis et connaissances (sans dénier leurs qualités), relate ses démêlés avec les « théâtreux », les éditeurs qui perdent ses manuscrits (dont le remarquable « Monteverdi » qui initiera la France à la musique baroque), se rend aux cocktails hebdomadaires des éditions du Seuil « pour y boire du porto », traduit, avec sa compagne Violante Do Canto, l’œuvre foisonnante et décousue d’un Jorge Amado dans laquelle il fera des « coupes » qui ne seront pas sombres car il pense au contraire en faire « quelque chose d‘amusant ».
Il se plaint également de ses problèmes de santé et d’argent ainsi que de ceux de ses amis, envoie les photos de sa collection de petites voitures et les dessins d’enfant de son beau-fils, s’insurge contre le harcèlement policier envers un écrivain nord-africain : « La liberté d’expression est entre les mains des flics » (Que dirait-il d’aujourd’hui où l’expression est passée au crible des intégrismes en tout genre !).
Mais derrière les historiettes plaisantes et les soucis du quotidien se profile, sous la rubrique « Le feuilleton », l’ébauche de son œuvre future, « Compact » qui s’intitule pour l’heure « La nuit de sable », œuvre pour laquelle il demande à sa mère « si elle arrive à comprendre et si cela ne lui paraît pas trop emmerdant ». C’est sans doute à ce propos qu’il affirme, pressentant soudain sa destinée : « Maintenant, je crois fermement que je vais faire quelque chose ».
Amateurs de curiosités littéraires, si vous désirez connaître la genèse d’une œuvre, entrer dans l’intimité d’un écrivain hors du commun qui ne refusait pas de se confronter aux autres, de leur céder un peu de lui-même, de sa « substantifique moelle », qui n’était pas avare de rires et de bons mots, et dont l’amitié et la fidélité pouvaient se révéler, somme toute, indéfectibles, procurez vous vite ce journal salutaire qu’est « Loulou Hebdo ». Il vous fera passer quelques instants d’authentique bonheur.
Soulignons au passage l’émouvante présentation de Bruno Cany et de Jean-Pierre Faye ainsi que la composition non moins remarquable de l’ouvrage due au mérite de l’éditrice Christiane Tricoit et de son équipe. pour la revue « Passages d’encre » 16 rue de Paris, F-93230 Romainville

Connectez vous pour ajouter ce livre dans une liste ou dans votre biblio.

Les éditions

»Enregistrez-vous pour ajouter une édition

Les livres liés

Pas de série ou de livres liés.   Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série

Forums: Loulou Hebdo

Il n'y a pas encore de discussion autour de "Loulou Hebdo".