Parle-moi de ton absence de Saber Assal

Parle-moi de ton absence de Saber Assal

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Gilpro, le 25 mars 2007 (Inscrit le 4 février 2007, 78 ans)
La note : 8 étoiles
Visites : 4 088  (depuis Novembre 2007)

La violence faite aux femmes

Dans un premier roman autobiographique (« À l’Ombre des Gouttes », Le Cerisier, Cuesmes, 2000), Saber Assal nous avait conté son enfance à Bruxelles puis au Maroc, victime d’un père psychopathe, alcoolique et violent, qui avait abîmé toutes les vies autour de lui. Privé du droit de séjour en Belgique (quoique né à Bruxelles et dès lors inexpulsable), l’auteur vivait ensuite durant plusieurs années les affres des sans papiers avant d’obtenir une régularisation et d’entreprendre des études d’assistant social.
La grande absente de cette enfance était la mère. Le père avait épousé une institutrice belge qui s’était chargée en même temps de ses quatre enfants (elle pâtirait de sa violence autant qu’eux, se verrait ruiner par ses entreprises hasardeuses au Maroc, et finirait par rentrer en Belgique pour y mourir d’un cancer). On devinait bien qu’elle avait existé, cette mère, elle apparaît furtivement au début du récit, victime d’une scène de violence terrible, et l’auteur la rencontrera au Maroc… durant une heure, pour une de ces combines incompréhensibles qu’affectionne le père.
Mais cette mère, Inès, un jour réapparaît et Saber Assal va se faire le scribe de ses souffrances. « Parle-moi de ton absence » est son histoire, confiée à son fils, transcrite par lui dans une écriture limpide et simple, dénuée des artifices qui cherchent trop souvent à rendre la langue parlée (ici l’arabe dialectal), et qui pourtant parvient à nous fait entendre sa voix.
Après une enfance heureuse dans une famille de paysans marocains pauvres, Inès, analphabète, est mariée à un inconnu alors qu’elle n’a que treize ans. Elle va connaître la jalousie, la séquestration, l’émigration, une violence conjugale de plus en plus terrible, l’abandon et le rapt de quatre de ses cinq enfants durant un séjour au Maroc alors qu’elle a vingt-et-un ans. Privée de passeport, en butte à la corruption de la justice de son pays et à l’indifférence des représentants du nôtre, elle va sombrer dans vingt années de dépression. Elle finira par en émerger pour revenir chez nous sans papiers, retrouver ses enfants, conclure un mariage « blanc » avec un vieillard auprès duquel elle se dévoue et retrouver ainsi le droit de séjour.

Le récit d’Inès est exemplaire. Saber Assal le parsème de réflexions et de données sociologiques. Dans sa préface, Gérard Adam analyse avec pertinence la panoplie des violences faites aux femmes, dans tous les milieux, toutes les cultures. S’y ajoute pour Inès l’appartenance à une société maghrébine où les femmes sont traditionnellement discriminées. Elle est née trop tôt pour avoir pu bénéficier des récentes avancées du droit de la famille au Maroc.
« Inès est attachante. Pas seulement parce qu’elle est malheureuse. Au fur et à mesure du récit, on voit la fillette se muer en femme. Elle ne se mure pas dans son malheur, se bat, cherche à comprendre, se prendre en charge, elle travaille, suscite des sympathies, apprend le français, élabore peu à peu une stratégie de résistance. Elle est même sur le point de se libérer quand surviendra la catastrophe. Son courage force l’admiration (… Elle…) n’a rien d’une icône ou d’une égérie brandissant le drapeau de la révolte. Elle n’était pas taillée pour devenir une héroïne de roman. Elle ne demandait qu’un peu de chaleur, un peu de tendresse. Tout ce qui lui a été refusé. »
Un récit qui nous en apprend plus que cent livres de sociologie.

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