La tête perdue de Damasceno Monteiro de Antonio Tabucchi

La tête perdue de Damasceno Monteiro de Antonio Tabucchi
( La testa perduta di Damesceno Monteiro)

Catégorie(s) : Littérature => Policiers et thrillers

Critiqué par Mieke Maaike, le 14 mars 2007 (Bruxelles, Inscrite le 26 juillet 2005, 51 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 738ème position).
Visites : 6 051  (depuis Novembre 2007)

Un Simenon du Sud ?

Un jeune journaliste est envoyé à Porto pour enquêter sur un cadavre découvert sans tête par un gitan dans un terrain vague.

L'histoire commence donc comme un roman policier, avec un héros plongé dans une ville inconnue, utilisant son petit hôtel comme refuge, menant ses recherches avec application, rencontrant une galerie de personnages particliers et touchants. Le journaliste lui-même est un homme ordinaire qui ne se sent pas totalement à sa place, lui qui rêve d'écrire un essai sur la littérature mais qui se voit contraint à rédiger des articles morbides pour le journal à sensation qui l'emploie.

Il règne dans ce livre une ambiance qui n'est pas sans rappeler Simenon, un Simenon du Sud, écrasé par le soleil et imprégné de l'odeur des tripes. Mais ce début typique d'un roman policier prendra une autre tournure lorsque le héros rencontrera un avocat passionné par la "Grundnorm", la "Norme fondamentale". Cette norme au sommet de la pyramide du droit. Cette "Norme qui englue tout un chacun et dont pourrait descendre l'abus de pouvoir d'un petit seigneur qui se croit autorisé à fouetter une putain", ou encore à torturer dans un commissariat de police.

Ce roman qui mélange plusieurs styles d'écriture et plusieurs genres littéraires, est basé sur un fait divers authentique et constitue une belle critique de certaines dérives malheureusement présentes dans un Etat de droit démocratique.

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Les éditions

  • La tête perdue de Damasceno Monteiro [Texte imprimé] Antonio Tabucchi trad. de l'italien par Bernard Comment
    de Tabucchi, Antonio Comment, Bernard (Traducteur)
    Seuil / Points (Paris).
    ISBN : 9782020324601 ; 2,59 € ; 18/03/1999 ; 245 p. ; Poche
  • La tête perdue de Damasceno Monteiro [Texte imprimé] Antonio Tabucchi traduit de l'italien par Bernard Comment
    de Tabucchi, Antonio Comment, Bernard (Traducteur)
    Gallimard / Collection Folio
    ISBN : 9782070438570 ; 7,50 € ; 21/04/2011 ; 256 p. ; Poche
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Les livres liés

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De la justice

9 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 14 août 2012

On dirait un roman policier, il y a bien un cadavre, Manolo le gitan découvre un corps sans tête près d’un campement de nomades à la périphérie de Porto ; il y a bien une énigme, des enquêteurs : un jeune journaliste, envoyé spécial d’un journal à sensations, assisté de l’avocat des pauvres et de sa discrète mais efficace logeuse ; des hypothèses et même une solution plausible… mais c’est surtout une profonde réflexion sur la nature humaine à travers sa capacité à discerner la vérité du mensonge et le bien du mal que nous livre Antonio Tabucchi.

Ce roman qu’aurait pu écrire avec la même gourmandise Andrea Camilleri, s’inspire d’un fait divers impliquant la police dans un meurtre louche et un trafic mafieux qui sert de point de départ à l’auteur pour conduire une réflexion acérée sur la justice et ses limites, sur la notion de pouvoir officiel et de pouvoirs parallèles, sur l’interférence entre ces deux types de pouvoir et donc sur l’usage de la justice par le pouvoir. Mais cette réflexion va au-delà de la notion de justice pure car l’homme ne peut rendre que la justice qu’il est capable de percevoir, concevoir et mettre en œuvre.

C’est à une véritable exploration de la nature humaine à travers l’évocation du mensonge et de la vérité, du bien et du mal que nous invite Tabucchi, en conviant Nietzsche, Kafka, Camus, Amery et bien d’autres philosophes et écrivains à ce voyage dans les méandres de l’humanité en passant notamment par le Portugal de Salazar et l’Allemagne de l’horreur nazie. Un voyage qui permet à l’auteur de stigmatiser la torture comme moyen de justice même si elle remonte au pouvoir divin de l’inquisition, tous ceux qui se retranchent derrière le devoir d’obéissance pour ne pas assumer leur responsabilité ou derrière la Grundnorm pour justifier leurs actes. « … L’obéissance à un ordre supérieur n’est pas tolérable, trop de gens se sont cachés derrière cette misérable justification en en faisant un bouclier légal … Ils se cachent derrière la Grundnorm. »

Un texte sobre mais cependant littéraire, intelligent, érudit, cultivé qui convie les grands penseurs, comme Paco Ignacio Taibo II conviait les révolutionnaires, au chevet de la justice en grande souffrance devant la puissance de pouvoirs qui la dépasse : la dictature, la concupiscence, l’argent et bien d’autres travers encore qui condamnent l’humanité à se satisfaire de la justice des hommes. Justice aléatoire et orientée « parce que l’homme est méchant. »

Discours pessimiste qui tendrait à conclure que l’humanité est condamnée à subir le mensonge et le parce que c’est dans son essence même. Peut-être ? Mais, il reste tout de même une fenêtre ouverte sur un peu plus d’espoir car il y aura toujours des justes qui extirperont quelques âmes en perdition dans les crocs de l’infamie. Et le monde ne peut pas être totalement noir dans une ville comme Porto où même l’injustice ne peut pas gâter la gastronomie et la douceur de vivre.

Au passage l’auteur nous livre un plaidoyer explicite pour rendre justice, aussi, aux gitans andalous spoliés de leur honneur et de leur terre, confisqués dans des temps où l’intolérance existait déjà.

Polar lusitanien

8 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 11 juin 2012

Un journal portugais va s'informer de la découverte d'un mort sans tête par un gitan, et voilà cet Hercule Poirot lusophone parti dans un polar social, dans le nord du Portugal, à Porto et à Bragance. Ce livre va plus loin que le polar : il brosse les liens entre communautés et classes sociales, les difficultés économiques et sociales, tout cela en dépeignant des personnages hauts en couleur et souvent attachants.

L'intrigue est vivement menée, non sans humour et grincements, et est bien traité, au-delà de son genre, qui eût pu être un peu glauque, vu le sujet, et ce dépassement d'horizon m'a bien plu.

"Qu'est-ce que ça signifie, d'être contre la mort?"

10 étoiles

Critique de Sissi (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 53 ans) - 11 juin 2012

On s'attend à s'engager dans une histoire policière et finalement il s'agit plus d'une (très belle et riche) rencontre entre deux hommes: celle d'un jeune journaliste épris de littérature et d'un vieil avocat excentrique, obsessionnel,original, d'une lucide intelligence et d'une érudition hors normes. Et cette rencontre va les pousser, au delà de l'enquête qu'ils mènent, à avoir de longs échanges fascinants sur tout un tas de sujets, avec une prédominance sur la Justice, l'équité, et surtout l'impunité (et la fatale distorsion entre celui qui sait se défendre en manipulant les mots et les hommes, et quelqu'un de moins armé), et le fait qu'on laisse les hommes torturer d'autres hommes...
Fascinant et perturbant.

Le style est rythmé, le ton plein de verve, les dialogues sont profonds et justes.
Les références, qu'elles soient littéraires, historiques, d'ordre juridictionnelles ou philosophiques sont multiples, et poussent à l'interrogation personnelle.
Une petite dose d'humour apparaît de temps à autres, notamment avec les tripes de Porto qui reviennent comme un leitmotiv.
La fin, avec la plaidoirie qui nous est retranscrite à posteriori en écoutant avec l'un des personnages le magnétophone (enclenché lors du procès) défaillant (bribes de texte, tirets, points, bribes etc...) est un très bel exercice de style.

Si on rajoute à cela la grande profondeur du propos, on ne peut qu'affirmer qu'on tient là un très très grand livre.

Note de l'auteur (je la trouve utile):

"Les personnages, les situations et les lieux ici décrits sont le fruit de la fantaisie romanesque. Il n'y a de réel que le point de départ: la nuit du 7 mai 1996, Carlos Rosa, citoyen portugais, âgé de vingt-cinq ans, a été tué dans un commissariat de la Guarda Nacional Republicana de Sacavèm, à la périphérie de Lisbonne, et son corps a été retrouvé dans un parc public, décapité, avec des marques de sévices.
Certains thèmes juridiques du présent livre ont bénéficié des amicales conversations que j'ai pu avoir avec le juge Antonio Cassese, président du Tribunal Pénal International de La Haye, ainsi que la lecture de son livre Umano-Disumano. Commissariati e prigioni nelle'Europa di oggi (Laterza).
D'une certaine façon, ce roman a aussi une dette à l'égard de celui que j'appelle Manolo le Gitan; personnage de fiction, ou plutôt entité collective coagulée en une entité individuelle dans une histoire qui, sur le plan de ce qu'on appelle la réalité, lui est totalement étrangère, mais qui participe de certains récits inoubliables entendus dans la bouche de vieux gitans lors d'un après-midi déjà lointain à Janas, durant la cérémonie de bénédiction des bêtes, quand le peuple nomade possédait encore des chevaux [...].

La Norme juridique

9 étoiles

Critique de Koudoux (SART, Inscrite le 3 septembre 2009, 59 ans) - 8 avril 2012

Un cadavre sans tête est retrouvé par Manolo le Gitan.
Le journal O Acontecimento (Ce que le citoyen doit savoir) va envoyer son journaliste Firmino.
Il va mener une enquête avec l'avocat Don Fernando.
A travers ce polar, l'auteur nous explique la vie à Porto, la corruption, les habitudes, la cuisine...
Ce duo est étonnant, au début on le pense impossible et puis au fil du roman on se rend compte qu'ils sont complémentaires.
Cet avocat obsédé par la Norme juridique va être aidé par Firmino.
Un livre à découvrir!

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