Le feu follet de Pierre Drieu La Rochelle

Le feu follet de Pierre Drieu La Rochelle

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Montgomery, le 27 janvier 2007 (Auxerre, Inscrit le 16 novembre 2005, 52 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (11 891ème position).
Visites : 10 383  (depuis Novembre 2007)

Les derniers jours d’un homme condamné à vivre

Livre culte, magistral et essentiel, autant dans la littérature de l’entre-deux guerre que dans la bibliographie de Drieu, le feu follet est une œuvre miroir. Par ce roman désespéré, nihiliste disent certains, l’écrivain atteint sans doute le sommet de son art. Les phrases y sont aussi sobres et définitives que l’issue qui attend Alain, le personnage fantomatique du roman..

L’adjectif n’est, pour une fois, pas galvaudé car Alain meurt dès les premières lignes même s’il s’agit d’une mort symbolique, je veux parler de la petite mort. Les pages suivantes confirmeront cette impression : Alain est ravalé au rang d’une « ombre abominablement distraite du règne des vivants » qui regarde les autres « avec l’attendrissement lointain et dérisoire d’un mort ». Toutefois, tout cadavre ambulant qu’il est, Alain semble malgré tout espérer du monde des vivants une main tendue. Ce pourrait être l’écriture dont « les mailles recueillent et rassemblent sans cesse toutes les forces diffuses de la vie humaine », mais la volonté lui manque. Dubourg, le grand ami, s’est embourgeoisé et se complait dans une vie familiale qu’Alain a tôt fait de qualifier de « solitude encombrée ».Mollement, Dubourg se propose de sauver Alain en lui enseignant la patience : celui-ci se dérobe, une fois de plus…

Il y a encore les femmes. D’elles Alain attendait de l’argent pour se droguer, maintenant il attend un télégramme qui pourrait le sauver. C’est peine perdue, même la délicieuse Solange se détourne et lui préfère la compagnie de Brancion, l’aventurier à la gueule cassée qui n’a pas peur d’arborer un magnifique dentier. Dépouillé de tout, talent compris, tout est prêt pour l’acte final. A l’aphorisme de Barrès « tout avoir pour pouvoir tout mépriser », Drieu répond qu’il faut ne rien avoir pour pouvoir mépriser le plus important, sa propre vie.

Avec Le feu follet, Drieu met en scène son propre destin sans que l’on sache si la littérature a fait de lui un devin ou si c’est lui qui s’est servi de son art pour coucher sur le papier sa prophétie crépusculaire.

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Le suicide comme refuge à la détresse existentielle.

9 étoiles

Critique de Vince92 (Zürich, Inscrit le 20 octobre 2008, 46 ans) - 5 septembre 2012

Drieu est un excellent écrivain , s'il était permis d'en douter suite aux polémiques nées de son entrée dans la prestigieuse collection de la Pléiade.
Dans ce petit roman, l'auteur parvient à faire toucher du doigt combien son personnage, Alain est désespéré, comment il ne parvient pas à se raccrocher aux petites choses qui lui donnaient envie de rester en vie, d'exister: l'argent, les femmes, la drogue.

En cure de désintoxication, Alain réalise qu'à trente ans, sa vie est un échec: sans talents littéraires, peu doué pour l'amour, vieillissant, ligoté par la drogue, il réalise que la vie pour lui n'a pas de solution à offrir... ses amis, rangés ou s'abimant encore davantage dans une vie mondaine délétère n'offrent pas à Alain la bouée de secours qui lui permettrait de participer de nouveau à la vie... une seule solution s'offre alors.

Ce petit roman dans l'édition donnée par Gallimard dans la collection Folio de 2008 est suivi d'un court texte intitulé L'adieu à Gonzague dans lequel Drieu s'adresse à Jacques Rigaut (une petite notice explicative dans le livre aurait été la bienvenue), ami de l'auteur et modèle pour Alain dans le Feu Follet. Ce texte qui se veut élogieux et qui sonne comme un hommage et assez cruel finalement.

Le film que Louis Malle a tiré du roman est excellentissime.

Mort avant mourrir...

8 étoiles

Critique de Baader bonnot (Montpellier, Inscrit le 11 janvier 2008, 40 ans) - 16 février 2009

"Le Feu Follet" est un des livres les plus sombres de la littérature française. Comme dans "Les Chiens de Paille", l'auteur a perdu toutes ses illusions et manifeste son indifférence envers tout ce qui l'entoure.

Jadis "heureux", Alain savait vivre et s'amuser. La drogue, les femmes et l'alcool satisfaisaient pleinement ses vingt ans. Seulement, le temps fait évoluer les consciences et les amis comme les idées changent. Ses amis, à l'instar de Dubourg, se sont trouvés des occupations comme l'Egyptologie ou la Famille. L'engagement est partout, chacun cherche à remplir sa vie afin de lui en donner une valeur qui n'est que poudre aux yeux. On privilégie l'aveuglement naïf à une lucidité effrayante et pleine de vide. Pour Alain, "le suicide est la dernière forme de vitalité lorsque l'être et l'âme sont rouillés".

Quand Dubourg évoque un choix de vie délicat rendant difficile la construction de toute forme de vie, Alain évoque sa paresse tant l'importance est un mot qui lui est inconnu. Lorsque l'on est jeune et que les femmes, la drogue et l'alcool semblent être plutôt des bienfaits, la vie paraît acceptable. Mais la maturité gomme toutes ces frivolités de la jeunesse pour finalement laisser place à un choix et non pas à un destin.

Sans être le meilleur roman de Drieu, "Le Feu Follet" est doté d'une certaine puissance ténébreuse qui prédit l'avenir de son auteur. Louis Malle a magnifiquement mis en image ce roman en préservant cette atmosphère pesante.

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