Moi qui n'ai pas connu les hommes de Jacqueline Harpman

Moi qui n'ai pas connu les hommes de Jacqueline Harpman

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Zoom, le 19 juillet 2001 (Bruxelles, Inscrite le 18 juillet 2001, 70 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 27 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 504ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
Visites : 13 913  (depuis Novembre 2007)

Une dose d'imagination, de féminité et d'angoisse

Un groupe de femmes est enfermé dans une espèce de cellule, et gardé par des espèces de soldats muets. Elles ne savent pas ce qu’elles font là, ni comment ni pourquoi, ni pour combien de temps, ni où. Un jour les gardiens disparaissent et la porte s'ouvre. Le monde semble avoir disparu.
L’angoisse règne dans ce roman pas vraiment drôle mais captivant et fort. Et l'écriture de Madame Harpman est, comme toujours, un régal. (je suis une fan).

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Un parcours époustouflant

8 étoiles

Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 72 ans) - 9 juillet 2023

Jacqueline Harpman : « Moi qui n’ai pas connu les hommes »
Elles sont quarante femmes enfermées dans une cage sous la surveillance de gardiens qui ne s’expriment jamais si ce n’est avec leurs fouets. Elles viennent de milieux différents, elles sont d’âge différent, elles n’ont rien à leur disposition si ce n’est des bouts de tissus et un peu de fil dont elles se servent pour se vêtir. Elles ne peuvent pas se toucher. On leur apporte des légumes dont elles font des soupes, rarement de la viande ou du poisson.
La narratrice (comment est-ce son nom encore ?) raconte leur vie de recluses. Elle est la plus jeune, elle était encore enfant quand elle fut enfermée dans cette cage. Un jour, une sirène retentit. Heureusement, les grilles avaient été ouvertes par les gardiens pour une distribution de victuailles. A la seconde même, les geôliers disparurent. Elles étaient libres. Pendant des années, elles errent sur cette « terre » plate, uniforme, sans réelle saison, découvrent d’autres prisonnières enfermées mais mortes. Que des cadavres. Partout. La narratrice finit par se retrouver seule survivante. Pendant quarante ans, elle cherchera à savoir qui elle est, ce qui lui est arrivé …
Un parcours époustouflant !

Extraits :
- L’alternance des jours et des nuits n’est qu’un phénomène physique, le temps est l’affaire d’être humain et, vraiment, comment pourrais-je me considérer comme un être humain, moi qui n’ai connu que trente-neuf personnes et toutes des femmes ?

- Tant que les feuilles couvertes de mon écriture resteront sur cette table, je pourrai devenir une réalité dans un esprit. Puis tout s’effacera, les soleils s’éteindront et je disparaîtrai comme l’univers.

Un roman allégorique et mystérieux. Passionnant !

9 étoiles

Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 24 décembre 2022

La narratrice de ce roman post-apocalyptique raconte le quotidien de 40 femmes ayant vécu dans une cave, surveillée par des hommes armés. Elles n'avaient nul droit à des marques d'affection, n'avaient aucune intimité, ne voyaient plus la lumière ... Certaines femmes avaient connu la vie d'avant alors que la narratrice qui est la plus jeune du groupe n'en a aucun souvenir. Un jour, un sirène retentit, les soldats quittent rapidement les lieux, en laissant les clés sur la porte de la prison de ces 40 femmes qui se voient libérées et projetées dans un monde qui leur semble bien étranger.

Ce roman m'a passionné du début à la fin. L'atmosphère qui y règne est mystérieuse. Jacqueline Harpman ne nous donne pas toutes les explications et le lecteur sent bien que le roman est allégorique. Donc on interprète. Au départ, j'imaginais que le roman serait une analyse féministe de l'humanité, mais j'ai vite abandonné cette hypothèse quand on apprend que certaines caves ont contenu des hommes ... On se demande ce qui s'est passé à l'extérieur, pourquoi ces hommes armés ont fui, pourquoi 40 personnes se sont retrouvées enfermées dans un lieu souterrain en devant obéir à des règles strictes. Le lecteur qui aime avoir des réponses à toutes ces questions sera sans doute déçu par ce roman. L'un des principaux thèmes reste le temps et son emprise sur l'humanité. L'héroïne sera l'horloge du groupe, le vieillissement traverse tout le roman, puis il est dit que le temps ne se perçoit qu'en société car il structure nos journées et nos vies. S'il n'y a plus d'individus sur Terre, l'on ne percevrait plus le temps qui passe. C'est sans doute pour cela que l'écrivaine a choisi un cadre spatial qui n'est pas marqué de façon excessive par le changement des saisons. C'est aussi sans doute pour cela que c'est lorsque la narratrice se découvre dans un miroir qu'elle voit les marques laissées par le temps sur son visage. Sans le regard de l'autre, ce serait la fin du temps ? Ces emprisonnements témoignent-ils de notre assujettissement au temps et à l'angoisse qu'il pourrait engendrer ?

Certains lecteurs ont été gênés par le style de Jacqueline Harpman. Cela n'a pas été du tout mon cas. Elle a une écriture de facture classique, mais n'oublions pas qu'elle aime beaucoup la littérature des XVIIème et XVIIIème siècles. Certaines phrases alambiquées et riches en subordonnées pourraient rappeler la langue de "Manon Lescaut" ou pourquoi pas celle de "La Princesse de Clèves", sans égaler totalement la beauté et la correction de ces chefs-d'oeuvre. Sur un plan thématique, le roman n'a rien de classique. Le sujet est moderne et pourrait très bien être adapté en série tv ou en film comme "La Servante écarlate". Il est même dommage qu'aucun réalisateur ne se soit penché sur son cas ... Le roman questionne aussi sur l'humanité. Cette narratrice qui sort de la cave découvre le monde avec un jeune regard d'adulte. Et cela interroge sur notre rapport à certains objets, sur ce qui est vital dans notre existence, sur qu'est le sentiment amoureux pour une personne qui n'a pas connu les hommes. D'un coup, certaines valeurs que l'on plaçait haut se retrouvent rejetées à une place inférieure. L'amour et le désir sont-ils si naturels que cela ? Ne sont-ils pas fabriqués par notre société ?

C'est un roman qui m'a marqué, qui m'interroge encore et que je trouve très intelligent. Je ne sais pas si les lecteurs français lisent cette écrivaine belge en nombre mais elle mériterait d'occuper une très grande place dans les librairies.

A lire

10 étoiles

Critique de Hev (, Inscrit le 12 novembre 2017, 52 ans) - 12 novembre 2017

Je l'ai lu il y a longtemps et ça reste un de mes livres préférés. dans un univers de science fiction très dépouillé, J Harpman nous embarque dans son univers .Une grande leçon de philosophie pour les nuls !

Conserves et surgelés

8 étoiles

Critique de Jean Meurtrier (Tilff, Inscrit le 19 janvier 2005, 49 ans) - 29 novembre 2006

Je suis content de ne pas avoir lu les critiques avant d’entamer le livre, à cause d’une en particulier. La fin y est dévoilée au bout d’un résumé pas toujours fidèle à l’histoire, le tout parsemé d’attaques à l’encontre de l’auteur.
Le style est parfois qualifié de lourd. Peut-être. Je l’ai trouvé plutôt juste, adapté au récit. La narratrice est une femme qui a grandi dans une cellule aux règles strictes : il y était par exemple interdit de pleurer ou de toucher une de ses 39 codétenues. Elle n’a donc pas profité de la même éducation que les autres femmes plus âgées qui ont connu notre monde. En revanche, elle a développé une sorte carapace face aux drames. Sa manière de raconter son histoire est donc plutôt avare en émotion. C’est un des reproches rencontrés dans les critiques précédentes. Je crois que c’est une question d’harmonie entre sa sensibilité personnelle et celle de l’auteur. Je réagis plus profondément à une description sobre d’un évènement qu’à une envolée lyrique.
Si on se penche sur les énigmes propres à l’histoire, on se retrouve confronté à une longue liste d’interrogations. Y a-t-il eu une catastrophe nucléaire ? Cela expliquerait la posture insouciante des gardes dans le bus et les cancers dont sont victimes les survivantes. Auraient-elles été prisonnières pour être protégées de la radioactivité ? Dans ce cas pourquoi les séparer des hommes ? Le but de cet enfermement est-il alors d’éliminer le genre humain sans transgresser l’interdit du meurtre ? Ou ces femmes peu cultivées seraient-elles le rebut d’une sélection dont l’élite se trouve on ne sait où ?
Sur le plan métaphorique, comme évoqué dans une autre critique, ce livre pourrait représenter l’humanité face à un univers infini dont il ne comprend pas le sens malgré l’apparente uniformité. Les intentions précises de l’auteur restent impénétrables à mon interprétation. Cependant, je ne pense pas qu’il soit question de la condition de la femme car à quelques asymétries près, cette histoire aurait pu s’appeler « Moi qui n’ai pas connu les femmes ». Des caves remplies d’hommes sont d’ailleurs découvertes au cours du récit.
L’auteur, qui est psy, aborde des thèmes comme l’isolement, la vie en communauté, la part culturelle dans la construction de l’esprit, la sensation de n’exister qu’à travers les autres et de survivre dans la mémoire des vivants.
Au fil de ma lecture, j’ai eu l’impression d’assister à la longue agonie d’un feu de bois. De temps en temps une brindille reprend mais dans l’ensemble le combustible se consume inexorablement. Ensuite vient le vide, qui absorbe toute notion d’espace, et l’immobilité, qui en fait de même avec le temps. Triste et angoissant.

Cauchemar !

7 étoiles

Critique de Voni (Moselle, Inscrite le 1 septembre 2005, 64 ans) - 13 janvier 2006

Tout d’abord j’ai été très surprise du grand nombre de critiques de ce livre déjà faites sur CL. Aussi, en lisant l’ensemble de tous ces commentaires, il est intéressant de constater comme le site a évolué depuis 2001. Mais peut-être que les forums n’existaient pas à ce moment ?
Pour ce roman, il sera alors difficile d’ajouter quoi que ce soit puisque le débat semble avoir été vif en son temps. Comme Lucien l’écrivait, l’histoire m’a aussi d’abord fait penser à l’allégorie de la caverne de Platon (mais pas à celle d’Ali Baba comme il le suggérait aussi, dommage car elle aurait pourtant été bien plus drôle).
Ce qui est certain c’est que ce livre ne me laisse pas indifférente, j’oserais même avouer qu’il m’a bien perturbée. Pour moi, il aborde implicitement l’angoisse existentielle de l’humain dans la société qui l’entoure et que bien sûr il n’a pas choisie. Que faire sinon s’adapter ?
Il s’agit là d’un monde surréaliste, angoissant de solitude, sans unité temporelle. De quoi déstabiliser, non ?
Certains commentaires parlent de “lourdeur” d’écriture, pour moi c’est le contexte du récit qui pèse terriblement, à la limite du supportable. C’est à ce niveau alors qu’interviennent probablement les connaissances pointues de l’auteure en matière d’inconscient. Elle connaît sans nul doute parfaitement les affects qui régissent les individus dans un milieu hostile, déshumanisé et sans repère. Là, j’admire toute la force du roman écrit par une spécialiste de la psychanalyse qui parvient à construire une histoire forte, si proche des sensations et des images d’un cauchemar (à mon avis). Le fait que cette micro société n’ait pas de passé et n’en perce pas les raisons est vraiment angoissant.
Un livre dérangeant auquel je reconnais une réelle puissance. C’est aussi un genre qui emporte avec lui tout son mystère puisqu’il laisse le lecteur face à son propre questionnement.
Une intrigue originale et troublante que j’ai suivie de bout en bout sans parvenir à décrocher même bien après avoir tourné la dernière page.

hmmmmmmmm

7 étoiles

Critique de Gab (bruxelles, Inscrite le 31 décembre 2004, 49 ans) - 25 avril 2005

riche et beau

Critiqueur naïf..

7 étoiles

Critique de Goomazio (Liège, Inscrit le 17 avril 2005, 37 ans) - 25 avril 2005

J'ai lu ce livre sous la menace d'une amie qui me l'a vivement conseillé (elle l'a lu et relu...); elle aussi se l'était fait conseiller par un professeur de... niveau secondaire en tout cas. Il disait que c'était un des meilleurs livres qu'il ait lu.


Au début je me demandais ce qui se cachait derrière cet emprisonnement, une expérience?
J'ai été un peu déçu donc.

JH montre la différence qu'il y a entre la "femme à homme" et la femme qui n'en a jamais connu. Ou plutôt la femme qui n'a pas connu beaucoup de choses. Et j'ai trouvé ça intéressant.

Toutes ces guérites sont-elles là pour représenter les planètes de toute la galaxie? "Pourquoi sommes-nous seuls?", "il y a tant de chance pour qu'on ne soit pas les seuls".
Ce qui m'a plu aussi, c'est d'espérer lire, vers la fin du roman, une rencontre entre la petite quarantaine de femmes et un groupe d'hommes

les aventurières de Koh-Lanta

4 étoiles

Critique de Darius (Bruxelles, Inscrite le 16 mars 2001, - ans) - 19 janvier 2002

Le débat autour de ce livre m'a donné l'envie de lire celui-ci. En gros, je suis déçue, surtout après avoir lu "la plage d'Ostende". La critique qu'en fait Lucien est grandiose et j'y souscrit totalement. Il manque quelque chose dans ce livre, le style est lourd, les réflexions dignes d'intérêt sont inexistantes, aucune question existentielle n'y est traitée, l'humour n'atteint jamais les neurones de la narratrice.. "Ces femmes organisent leur survie et ne gaspillent pas leurs pensées" voilà, tout est dit.
Mais de quelle survie parlent-elles, puisque tout leur est donné ? le gîte et le couvert, la sécurité, le bon air, le climat propice.. On aurait pu penser que dans un monde où il n'était plus nécessaire de subvenir à ses besoins, des pensées originales pourraient surgir. je pense au merveilleux livre de Michel Tournier "Vendredi et les limbes du pacifique". Mais non, ici, c'est la médiocrité et l'ennui qui priment. Manger, dormir, coudre, construire des toilettes (quelle drôle d'idée !), et puis mourir... Toutes ces femmes demanderont que la mort vienne plus vite et n'hésiteront pas à accepter qu'on leur transperce le coeur ! Je ne connais personne qui oserait attendre une mort aussi atroce, en remerciant leur bourreau ! "Ces femmes que le désespoir avait tuées, bien plus que la vieillesse" nous dit la narratrice. Etrange comme dénouement. S'agit-il d'un livre allégorique ? l'enfermement des femmes représente-t-il la vie recluse des toutes ces femmes au foyer ? Mais alors, pourquoi sont-elles toujours aussi malheureuses lorsqu'elles sortent de leur geôle ? Ce qui m'interloque, c'est qu'au cours de toutes ces années de vie en commun, il a fallu de nombreuses années pour qu'elles se mettent à parler de leur vie antérieure ? Ce n'est jamais comme cela lorsque des femmes inconnues se rencontrent et passent quelques journées ensemble, d'autant plus qu'il n'y a rien d'autre à faire que parler dans la situation dans laquelle l'auteur a placé ces femmes.. Et cette finale très 20 ème siècle où il est de bon ton de mourir de cancer, franchement, cela me déçoit, et pourquoi pas du sida tant qu'on y est ? Bref, ce roman décevant qui n'apporte rien, ni à la littérature, ni au lecteur, n'est sûrement pas le meilleur Harpman.

Le sang retrouvé

5 étoiles

Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 68 ans) - 18 décembre 2001

Moi qui n'avais pas lu Harpman, hier j’ai comblé cette lacune. J’ai enfin lu LE LIVRE, et je vais tenter de réaliser à son propos une critique qui, à défaut d’être objective, se voudra… quel mot employer. Honnête ? Sûrement. Impartiale ? L'impartialité serait la première qualité d'un juge. Mais s'agit-il ici de porter un jugement ? Oui, après tout : le mot « critiquer » vient du grec « krinein », « juger ». Critiquer, c'est juger. Non pas juger un auteur (ne nous donnons pas le ridicule du procureur Pinard qui voua aux gémonies, la même année 1857, le plus grand recueil de poèmes et le plus grand roman français de son siècle : « Les fleurs du mal » et « Madame Bovary »). Mais juger sereinement des qualités et des défauts d'une oeuvre suivant le vieux principe : « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur. » Cette critique ne sera pas objective, revenons-y. Comment pourrait-il en être autrement, puisque le lecteur participe à la création de l'œuvre à laquelle il donne sens? Un livre n’existe pas sans son lecteur, pas plus que n’existe un son sans le tympan qui transforme ses ondes en perception. Or un lecteur, c’est une subjectivité ; cela ne peut être qu’une subjectivité, puisque c’est un être humain. Interviewé par Jean Ammerouche sur les relations entre la réalité et la fiction romanesque, Giono répondait que ces relations étaient plutôt de concurrence que de connivence. L'auteur d’un roman rate son coup, en général, quand il introduit sans transposition dans son livre des éléments de la réalité « objective ». Par contre, il a des chances de réussir quand il transpose la réalité, quand il la filtre à l'étamine de sa subjectivité. Où se situe alors la vraisemblance ? Elle s'insère dans la rencontre de deux subjectivités, celle de l’auteur et celle du lecteur. Ce long préalable m’amène à me poser la question : la subjectivité de Jacqueline Harpman a-t-elle rencontré la mienne ? N’ayant lu d'elle que ce roman, je ne peux répondre que pour lui. Et la réponse est : non. Précisons d'emblée que la subjectivité dont il est question ici n'est pas celle, générale, d’un être humain face à un autre : je n’éprouve aucune allergie particulière envers Jacqueline Harpman, je n'ai pas de préjugés contre les psychologues ou les féministes (mots que j’ai rencontrés çà et là au fil des critiques). Il est question de ma subjectivité de lecteur, c'est-à-dire de ce que MOI J’attends d’un livre. Ce que j'attends d'un livre ? Un peu comme Jules : l'union d'une idée et d'un style. Or, pour résumer ma pensée, je dirais que l'idée de ce livre est plutôt banale et que son style est plutôt lourd. L'idée me semble banale au sens où l’on entend l’adjectif dans les expressions « four banal » ou « moulin banal », c’est-à-dire « qui sert à tout le monde ». En effet, les idées sur lesquelles repose ce roman ont déjà beaucoup servi. Une thématique très ancienne abreuve ces pages. L'enfermement dans une cave de ces quarante femmes « qui vivaient sans savoir ce que leur vie signifiait » évoque les prisonniers de la caverne de Platon, exclus à jamais des lumières de la vérité ; les quarante dans une caverne rappellent aussi Ali Baba et ses quarante voleurs (quel vol ont-elles commis pour être ainsi punies ; pour quel crime prométhéen les êtres humains subissent-ils cet enfermement ?) ou, pourquoi pas, quarante académiciens qui, une fois libérés, redécouvrent pour « la petite » les règles oubliées du langage ; on songe aussi aux quarante jours au terme desquels sont libérés les prisonniers de l’Arche de Noé. La communauté exclusivement féminine rappelle bien entendu les Amazones, même si, dans ce cas - au moins au début - on a plutôt l’impression de femmes dominées, emprisonnées par les hommes, exclues par eux plutôt que l'inverse. On peut penser aussi, après la « libération », à une petite communauté organisée un peu à la façon du « Candide » de Voltaire, où il faut « cultiver son jardin » (voir l’unique livre découvert d'abord : « Manuel du jardinage ») ; dans cette optique, le point d'arrivée de la « petite » aurait des allures d'Eldorado (le salon confortable, les riches nourritures, les livres variés.). Extrapolations, peut-être, que certaines de ces références. Mais d'autres modèles, plus contemporains, sautent aux yeux, comme « Huis clos » (l’enfermement, l'incompréhension, la lumière perpétuelle, les gardiens aussi prisonniers que les détenus.) ou « En attendant Godot » : « Nous ne pouvons pas nous suicider, mais nous mourrons quand même. Il suffit d'attendre » (Harpman place en épigraphe d’une autre oeuvre la belle phrase de Beckett : « Elles accouchent à cheval sur une tombe, le jour brille un instant, puis c’est la nuit à nouveau. ») Jusqu’aux prénoms des deux principales compagnes, Théa et Dorothée, dont chacun comporte en son sein la racine « thée » (« dieu » en grec), comme le nom de Godot contient la racine « God » (« dieu » en anglais). Enfin, on lit dans cette aventure plusieurs allusions très nettes à certaines pensées de Pascal : « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie » ou encore la terrible métaphore filée : « Qu’on s'imagine un nombre d'hommes dans les chaînes, et tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux qui restent voient leur propre condition dans celle de leurs semblables, et, se regardant les une les autres avec douleur et sans espérance, attendent leur tour : c'est l'image de la condition des hommes. » De hautes références, donc… Alors, pourquoi le puzzle intelligent construit par Harpman ne suffit-il pas à donner à son œuvre la force du mythe ? Pourquoi ? Peut-être par manque. de sensibilité ? d'émotion ? de compassion ? A plusieurs reprises, le mot « aseptisé » m'est venu à l’esprit en parcourant ces pages. C’est voulu ? Pour souligner l'inhumanité, l'insensibilité de cette narratrice qui n'a connu ni les hommes, ni l'amour ? Je ne crois pas. Il arrive fréquemment que l’on rie, que l’on pleure dans cette errance de troupeau. Mais ces larmes et ces rires ne rayonnent pas vers le lecteur, n'éveillent en lui aucune empathie. Des exemples ? « Et nous avions des fous rires. Je riais aussi. » (p. 61) « Même, après un moment, les rires revinrent. » (p. 93) Les personnages rient, d’accord. Pourtant, la lecture de ces pages n’amène pas le moindre sourire. Pourquoi avoir banni de la narration l'humour, source du rire ? Parce que rire est le propre de l’homme, et que ce monde est déshumanisé? Mêmes constatations pour la tristesse ou l’émotion : la mort omniprésente, le deuil des amies, les chants de soprano de Rosette, tout cela pourrait donner lieu à la compassion du lecteur : « le ton était si lent, triste et profond que l’abomination se changea en douleur, et je sentis mon cœur se serrer. » (p. 97) Pourquoi cette émotion n'est-elle pas partagée par moi, lecteur ? Parce que son expression n'est pas romantique ? Parce que le style de l’auteur est, paraît-il, « classique » (donc qu’il est censé bannir l’émotion au profit de la raison) ? Alors, d'où vient que je sente « mon coeur se serrer » lorsque je relis « Phèdre » ? Et si, au contraire, cette absence de compassion provenait de la sensation d'être parfois, au contraire, devant un excès de romantisme, ou plutôt de romanesque ; devant des excroissances du romanesque aux allures de topiques : « Colette eut un frémissement de tout le corps » (p. 27) « Je fus glacée de terreur » (p. 34) « l'effroyable menace de mort » (p. 39) « A ce moment, un bruit d'une violence terrible retentit » (p. 63) « Je franchis la double porte et je m’arrêtai net, pétrifiée d'horreur » (p. 96) Plutôt que de dire ces émotions violentes, pourquoi ne pas amener le lecteur à les ressentir, ce que Jacqueline Harpman est sur le point de réussir page 66 dans la belle scène de l’escalier, grâce à cette phrase d'une page où l'on s’élève enfin vers la lumière ? Ici, Harpman commence à lâcher prise, et pourrait nous émouvoir. Grâce à quoi ?
Grâce au style, bien sûr, et cela m'amène à dire pourquoi je regrette de le considérer, en général, comme plutôt lourd. Je voudrais d'abord préciser que, pour moi, les « Nouveaux Romanciers » avaient raison : la distinction entre fond et forme est périmée. La forme n'est pas « un emballage autour d'une boîte de biscuits, une sauce qui fait passer le poisson ». Valéry disait déjà que la valeur d'un beau poème réside dans « l'indissolubilité du son et du sens ». Pourquoi en serait-il autrement du roman ? Qu’en est-il, ici, du son, de la forme, du style ? J’ai trouvé cette écriture plutôt laborieuse. Tout d'abord, la complexité grammaticale de certaines phrases me paraît nuire à la fluidité du récit : « Quand Dorothée se réveilla et trouva la force de relater notre conversation, elle ne révéla pas que je lui avais dit qu'elle était sotte, mais, si attentive qu'elle fût à ne pas ternir son prestige, elle ne savait rien de mon secret et ne put le dissimuler. » Ensuite, j’ai regretté l’emploi régulier du verbe « faire » : « quand l'épluchage est fait » ; « faire des vêtements »… C'est d'autant plus choquant que l’ensemble est plutôt travaillé, impression produite notamment par l'emploi du passé simple et surtout du subjonctif imparfait. A ce sujet, je me demande encore pourquoi cet emploi n'est pas généralisé ; pourquoi, sur la même page, un imparfait ou un passé simple dans la principale entraîne dans la subordonnée, tantôt un subjonctif imparfait, tantôt un présent. C’est encore plus frappant quand cela se produit dans la même phrase : « Il arrivait très rarement qu’une femme désobéît : mais alors le fouet claquait à côté d'elle, jusqu'à ce qu'elle fasse ce qui était ordonné. » (p. 39) N’insistons pas sur quelques maladresses de structure dues sans doute à une relecture trop rapide. Terminons par une remarque positive. Avouons que la plus belle trouvaille du livre réside sans doute dans ce touchant paradoxe final : « Il est étrange que je meure de l'utérus, moi qui n'ai jamais eu de règles et qui n'ai pas connu les hommes. » Très beau dénouement en effet, surtout si l’on songe que « la petite » a tenu lieu d'horloge vivante grâce aux pulsations de son coeur, que son SANG a été pour ses compagnes la mesure du TEMPS ; très beau dénouement, donc, pour cette « recherche du sang perdu », que cette page finale qui pourrait s'intituler. « le sang retrouvé ».

Avis sur un livre

7 étoiles

Critique de Sorcius (Bruxelles, Inscrite le 16 novembre 2000, 54 ans) - 17 décembre 2001

Je voulais juste donner mon avis sur un livre. Je ne savais pas, avant de vous lire, que JH était psy...
En tout cas, je ne le savais pas quand j'ai lu la Plage d'Ostende et si je lis un autre de ses livres, ça ne m'influencera pas non plus.
J'ai adoré la Plage d'Ostende, c'est une histoire magique. On ne connaît pas toujours la vie et les occupations d'un écrivain et ça n'empêche pas d'aimer un livre. Je ne me souviens plus trop du style, rien de spécial certainement, mais l'histoire était belle et moi, j'aime les belles histoires. Parfois on lit pour l'écriture, parfois pour l'histoire, parfois mais plus rarement pour les deux. Tout dépend du lecteur.

Un avis personnel...

4 étoiles

Critique de Leura (--, Inscrit le 29 janvier 2001, 73 ans) - 16 décembre 2001

J'ai entendu dire par des gens sérieux que Jacqueline Harpman est une bonne thérapeute, ce qui est tout à fait possible. En ce qui concerne ses livres, j'ose écrire qu'ils m'ont prodigieusement ennuyé, au point souvent d'en abandonner la lecture avant la moitié. Peut-être est-ce trop intelligent pour moi? Faut-il être soi-même psychanalyste pour apprécier?
Pour ce qui est de Syllah-ho, je pense que nous sommes sur ce site pour parler de livres, et non de sa personne. Il y a là une dérive regrettable. Le drame qu'il nous a relaté et qui l'a si fort affecté ne peut qu'éveiller des sentiments de compassion, et les critiques qui lui ont été faites me semblent déplacées. Personnel

Bientôt...

8 étoiles

Critique de Darius (Bruxelles, Inscrite le 16 mars 2001, - ans) - 15 décembre 2001

Je connais Jacqueline Harpman, mais malheureusement, je n'ai pas encore eu l'occasion de la lire... Cet oubli sera vite réparé grâce à ce titre accrocheur "Moi qui n'ai pas connu les hommes" et aux nombreuses critiques qui fusent sur le sujet, dont celles de Syllah-o... Rem. : veuillez excuser le manque d'accents circonflexes, ils sont devenus inexistants sur mon clavier..

Un roman qui m'a bouleversée

10 étoiles

Critique de Clickgirl (Louvain-la-Neuve, Inscrite le 11 décembre 2001, 46 ans) - 14 décembre 2001

J'ai lu "Moi qui n'ai pas connu les hommes" cet été, en vacances sous le chaud soleil d'Italie. Farniente, aucun souci à l'horizon. Et puis, cette histoire. L'horreur des questions sans réponse(s), de la solitude de chacun(e), l'espoir déçu encore et toujours, la mort alentour, constamment... Le contraste entre ce "monde" et celui où je me trouvais, a fait que je tremblais à chaque page, je les tournais une à une en espérant qu'elles trouveraient d'autres gens vivants... mais non, elles sont seules... et l'héroïne meurt en sachant qu'elle est la dernière. Je trouve cette histoire horrible, c'est un cauchemar, mais ça fait partie du plaisir: heureusement, ce n'est qu'une fiction! Et pourvu que ça le reste!

La plage d'Ostende (les cent premières pages)

5 étoiles

Critique de Eric B. (Bruxelles, Inscrit(e) le 15 février 2001, 57 ans) - 14 décembre 2001

La plage d'Ostende est trop long, mais son début est intéressant. C'est un peu Lolita sans les "effets" et sans la connotation sexuelle, et vu du point de vue de Lolita. Roman intéressant, je le répète, même s'il ne tient pas tout à fait, à mon avis, la distance. Pour le reste, je suis assez d'accord sur la perception que tu as du "phénomène" (de la mode) Harpman.

ah là là, m'enfin......merci Sorcius

8 étoiles

Critique de Zoom (Bruxelles, Inscrite le 18 juillet 2001, 70 ans) - 13 décembre 2001

La 2è personne du singulier de l’impératif des verbes en er ne prend pas de " s ". Merci Elvire mais ... c’était un éloge pour Syllah-o, qui ne l’a pas compris comme tel non plus. Syllah-o dont l’orthographe est bien meilleure que la mienne.
C'est un truc que j'ai retenu en primaire (il y a sûrement eu un évènement marquant ce jour là ! ) et je remarque toujours ceux qui ne font pas cette erreur. S’il fallait écrire sans faute pour s’exprimer dans ce site, où irions nous ? Ce n'est vraiment pas ça que j'ai voulu dire.
Mais bon, ça nous éloigne de l’objectif. " Moi qui n’ai pas connu les hommes ", pour moi, ce sont des liens , des relations qui se tissent entre des femmes qui vivent une situation absurde, c’est une angoisse à cru, c’est réinventer un monde à partir d'éléments manquants, ce sont des femmes qui doivent se loger, manger, vivre, alors que tout ce qu’elles ont appris, vécu, ne sert pratiquement à rien : et du coup ça parle aussi de ce qu'on appelle culture. Je n'ai jamais lu de science fiction et suis un terrain " vierge " face à ce genre d'histoire. J'imagine qu’il en existe de bien plus abouties, imaginatives. Mais cette société de femmes doit quand même apporter au récit une tonalité particulière. Dans le même genre, il y a " le mur invisible " de Marlen Haushoffer, peu connu, superbe, que je ne recommanderai pas à Syllah-o (bien que l’auteur soit simple femme au foyer). En effet, sans rancune.

Il y en a du mouvement!!

8 étoiles

Critique de Bluewitch (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 44 ans) - 13 décembre 2001

Ah, Jacqueline Harpman fait couler de l'encre! C'est vrai que ce débat anime le site... Mais je ne pourrais pas passer à côté sans ajouter mon petit mot. Ok, je n'ai pas lu "Moi qui n'ai pas connu les hommes", mais j'ai appris à connaître JH par bien d'autres de ses romans et je doute un peu (beaucoup) de ces qualificatifs que Syllah-o attribue à son écriture, en premier la niaiserie et la bêtise. On pourrait peut-être l'accuser de tirer ses histoires par les cheveux. Parfois, du moins. Est-ce dû à sa "qualité" de psychanalyste? Je pourrais le croire... Mais son intelligence ne mérite pas d'être affublée d'une étiquette aussi rapidement collée que celle d'être un écrivain à éviter.
Je suivrai sans doute l'intuition de Zoom en pensant que la littérature de JH est peut-être mieux à sa place dans les mains d'une femme. Pas pour un excès de sensiblerie, non merci! Mais parce qu'elle a appris à se connaître elle-même (une femme!!!) avant de faire vivre ses personnages.
Et pourtant, pourtant... ce serait dommage d'être si exclusive.

C'est ce qu'elle voulait dire!

7 étoiles

Critique de Sorcius (Bruxelles, Inscrite le 16 novembre 2000, 54 ans) - 13 décembre 2001

Je pense que Zoom en est très consciente et que c'est une sorte de clin d'oeil pour Sillah-o... Pour preuve: Zoom ne met pas de "s" à ses impératifs, deuxième personne du singulier. Enfin, peut-être que je m'avance, mais à mon avis, c'est ce qu'elle voulait faire passer...

Simple question d'orthographe

1 étoiles

Critique de Elvire (Wavre, Inscrite le 19 novembre 2001, 80 ans) - 13 décembre 2001

Dans la réponse de Zoom à Syllah-o, il y a " tu ne mets pas "s" à la forme impérative 2è personne des verbes en Er. Il a raison, le s est interdit. C'est le prof de français qui parle. Retiens-le et applique! Sans rancune.

Mais qui voilà !

8 étoiles

Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans) - 13 décembre 2001

Je ne te pensais plus à l'écoute de nos élucubrations depuis bien longtemps... Maintenant, je sais qu'une paire d'yeux attentifs scrute toujours nos textes. C'est vrai que depuis ta remarque j'ai essayé de faire attention. Je ne m'en porte pas plus mal et un peu plus de concision ne fait jamais de tort. Je reste cependant sur mon opinion, tout au moins pour les classiques: en connaître la fin importe peu. Le plaisir de la lecture, la jouissance de l'art de l'auteur, la joie de trouver des phrases intelligentes et les idées qu'il exprime ne s'en trouvent pas diminué ! Yourcenar disait que le meilleur lecteur était celui qui lisait deux ou trois fois le même livre. Il en connaît pourtant la fin. Je sais que Zénon meurt mais je m'en fous ! Là n'est pas le message de Yourcenar, là ne se place pas toute l'intelligence et l'art de son texte ! Mais je conçois très bien que beaucoup de lecteurs perdent une bonne partie du sel d'un livre si on leur en dévoile la fin. Cela me semble en tout cas vrai pour des livres récents et là, cela reste vrai pour moi aussi. Après tout, tout le sel du livre ne réside peut-être que dans celle-ci ?... S'il contient aussi beaucoup d'autres choses, pour le savoir, je dois d'abord le lire et, le lire, je risque fort de ne pas le faire si j'en connaissais déjà la fin...

au risque de...

9 étoiles

Critique de Zoom (Bruxelles, Inscrite le 18 juillet 2001, 70 ans) - 13 décembre 2001

J'avoue avoir un plaisir accru à lire les critiques éclair depuis que Syllah-o a déboulé dans notre paysage tranquille de gé-cri. Comme dit mémé, ça met d’la vie ces petits. Je suis mal barrée avec Syllah-o puisque d’un clic il s'apercevra que je suis psy (voilà, ce n’est pas la peine, le clic). J’en ai le diplôme, en tout cas, pour le reste... Mais heureusement j’ai lu avec grande joie qu’il ne tenait pas a priori pour imbéciles ceux qui aimaient ce qu'il n’aime pas en littérature. Puisqu’il le dit. Donc moi, j'ai ADORé " moi qui n’ai pas connu les hommes ", comme la plupart des Harpman. ( bien que je ne raffole pas de la personnalité de l’écrivain ). J’en avais fait une critique pour cette raison, mais de façon très laconique parce que ma lecture remontait à quelques années. D’abord ravie que Syllah-o en fasse une critique plus touffue, j'ai ensuite pâli devant la longueur du résumé & j’allais lui en faire le reproche, ce qui vient d’être fait par Casse-croûte.
Syllah-o a fait amende honorable, le débat est clos... Non ! Casse-croûte, achète ce livre ! ! (d'ailleurs en poche, il n'est pas cher) : le résumé n'a aucune importance : c'est l'atmosphère du livre qui est géniale. Et justement, si Syllah-o en a fait un si long résumé (alors que l'histoire d’un livre l’intéresse peu, dit-il), c’est peut-être de n'avoir pas saisi tout ce qu’il y avait derrière... (aïe, je m’expose). Après tout c’est peut-être un livre de femmes (je m'expose encore). Deux mots encore à l’attention de Syllah-o. J'ai lu comme toi " la psychanalyse est une imposture : j'ai aimé , à une certaine époque. J’en ai lu d'autres sur le sujet épineux de l’utilité de la psychanalyse. Ils tiennent le discours inverse : j'ai aimé aussi , à d'autres époques . Disons que les deux sons de cloche m'ont appris quelque chose. J'ai vu des gens revivre grâce à elle, ou vivre mieux, ou vivre toujours aussi mal. Il en va de la psychanalyse comme des chiens-chiens à mémés : ils en sauvent certaines d’une vieillesse solitaire, ils en horripilent d'autres. (surtout celles qui ont peur d'une vieillesse solitaire ?) Toi tu es écrivain : le papier te sert d’exutoire (et critiqueslibres, apparemment). D’autres ont le curé ou leur femme, ou l'art, certains ont besoin d’une oreille prêtée (pardon, louée & mais après tout on payait le curé...) Le fait qu'ils t'écorchent à ce point n’est pas banal. Quelle peur s'y cache? Tu pourrais être indifférent.
Tu parles d'insanités chez d’autres critiqueurs : je trouve que tu ne te défends pas mal, dans un genre camouflé, plus haut de gamme, sous couvert de belles phrases ou d'humour. A vrai dire, ceci n'est pas une critique car bien que tu m’évoques un des rares titres de Laurent De Graeve, tes critiques sont succulentes et on en redemande... On avait bien vu que tu n'étais pas sage, va... Et en plus tu ne mets pas " s " à la 2è personne impérative des verbes en er.
Oufti !

OK!

7 étoiles

Critique de Joujou (Bordeaux, Inscrite le 2 février 2001, 55 ans) - 12 décembre 2001

Tu es pardonné! C'est marrant, tu as eu la même réponse que Jules: la fin ne t'intéresse pas spécialement, c'est ce qu'il y a derrière qui compte. Je peux comprendre, mais il y en a qui eux, lisent des livres pour se détendre, pour connaître un bon suspense ou une belle histoire d'amour, bref, qui lisent des livres sans profondeur mais distrayants. Ca dépend du type de livre, en fait. Bon, à la prochaine!

Oups !

1 étoiles

Critique de Syllah-o (Liège, Inscrit le 5 décembre 2001, 61 ans) - 12 décembre 2001

Eh bien, je m'en excuse. La pensée que je dévoilais la fin de l'histoire ne m'a pas effleuré. Emporté par mon élan, vois-tu, j'ai dérapé. C'est que, personnellement, je me fiche pas mal de connaître ou non la fin des histoires, car je ne lis pas habituellement pour savoir si c'est bien X qui a tué Z. Ce n'est pas tant l'histoire qui m'intéresse dans un bouquin que la manière dont elle est racontée : défaut propre aux écrivains. Promis-juré, je ne le ferai plus.
Mais que cela ne t'empêche pas de lire tout de même ce bouquin si tu en avais envie. Il ne faut pas se laisser trop influencer par les critiques. Mes critiques même les plus négatives ne sont pas des réquisitoires contre la lecture, jamais. Je donne mon avis, c'est tout, et je conçois qu'on aime ce que moi je déteste. Mieux vaut lire l'oeuvre complète de Jacqueline Harpman et la relire dans la foulée que de regarder une seule minute... euh, j'ai le choix : "Derrick", "Les feux de l'amour" et autres malpropretés télévisuelles. Et je précise une fois encore que je ne considère pas comme des imbéciles ceux qui aimeraient ce que je n'aime pas en littérature. Tout ce que je peux faire, si un livre me déplaît par son absence criante de qualité, c'est d'inciter le lecteur à mieux choisir ses proies de papier, et je le fais non pour faire savoir que j'en connais un rayon, mais parce que j'ai beaucoup, beaucoup lu, et que je me crois autorisé de ce fait à partager mon expérience. Partager : non pas imposer.

Non, non : lis "Moi qui n'ai pas connu les hommes". Seulement ne gaspille pas ton argent pour un tel livre : emprunte-le.
Sur la sagesse de Jules... Hum. Jules a 57 ans, et moi 18... de moins. J'ai le temps. Du reste, je ne sais si j'aime tant que ça la sagesse. Je l'aime en philosophie, ça oui. Sinon, dans la vie, je m'efforce de n'être jamais sage. Je tiens à mes petites cornes velues de diablotin et... Oups ! j'allais encore dévoiler la fin de l'histoire !

Stop! pour Syllah-o

7 étoiles

Critique de Joujou (Bordeaux, Inscrite le 2 février 2001, 55 ans) - 12 décembre 2001

Je n'écris pas souvent sur ce site, mais je viens lire régulièrement ce qui s'y raconte, car j'adore lire et je cherche des avis.
Merci Zoom et Syllah-o pour vos avis. Qu'ils divergent, c'est très bien, mais Syllah-o, par tous les saints des livres, ne raconte plus la fin comme tu viens de le faire. D'accord, tu ne l'aimes pas, c'est ton droit. Moi, je ne l'ai pas lu, donc je ne peux pas juger. Ce qui est certain, c'est qu'après avoir lu ta critique, je n'ai plus envie de lire le livre, et pas parce qu'elle est négative, mais parce que tu racontes tout de a à z! C'est pas sympa! Tu es peut-être arrivé à ton but, mais que dirais-tu, toi, si, sur une de tes critiques où tu dirais: "et, je ne vous raconte pas la fin, à vous de la découvrir..." et que quelqu'un venait la raconter ensuite? Et puis qu'après, on dise: "Dommage, je l'aurais bien lu, mais maintenant, c'est un livre qui n'entrera jamais dans ma bibliothèque"?
Jules, en son temps de jeune critiqueur, avait un petit défaut bien compréhensible. Aujourd'hui, il le surmonte brillamment. Puisse sa sagesse t'atteindre...

Rions un peu avec Jacqueline H.

1 étoiles

Critique de Syllah-o (Liège, Inscrit le 5 décembre 2001, 61 ans) - 12 décembre 2001

Une connaissance au goût très fin m'avait un jour vanté le talent de Jacqueline Harpman. J'ai pris bonne note de cet avis. Quelques mois plus tard, je tombe sur une émission télévisée consacrée à J. H. Elle parle, plutôt bien, si peu sottement que j'en viens à douter de sa qualité de psychanalyste ! Le lendemain, je file à la bibliothèque et j'emprunte trois livres de Jacqueline Harpman, dont "Moi qui n'ai pas connu les hommes", vanté par l'auteur elle-même comme son ouvrage le plus abouti. Eh bien, le croirez-vous, je n'ai jamais rien lu de plus stupide que ce roman ! C'est crispant de niaiseries, bête à pleurer.
Nous nous trouvons en compagnie d'un groupe d'une cinquantaine de femmes enfermées dans une vaste cave, dans une cage immense, sans qu'on en connaisse la raison, sous la surveillance d'hommes ne parlant qu'un seul langage : celui du fouet. Dès qu'une de ces femmes bronche un peu, ou semble tenir un conciliabule avec l'une de ses compagnes, le fouet claque, et jamais l'homme ne profère un seul mot. On n'a jamais plus complètement châtré les hommes que dans ce roman ! Quant aux femmes, elles ne valent guère mieux avec leur psychologie plus que sommaire, à tel point qu'on jurerait que ce livre a été écrit par une gamine de 13 ans pour en distraire de plus jeunes ! Or, Jacqueline Harpman est une dame d'âge assez mûr et elle exerce la sainte et très qualifiée profession de psychanalyste. J'ai connu comme ça quelques escrocs...
Parmi ces femmes se trouve une toute petite fille, enfermée là avec les autres depuis ses premiers mois, sans qu'on sache pourquoi elle est la seule enfant parmi toutes ces adultes. Passent les années, rythmées au son du claquement des fouets. La fillette est maintenant une jeune adolescente. C'est elle, bien sûr, qui n'a jamais connu les hommes, et pour cause ! Un homme, pour elle, c'est un fouet qui claque. Les autres lui parlent bien d'une chose connue jadis sous le nom d'amour, mais comment pourrait-elle imaginer ce qu'elle n'a jamais eu sous les yeux ? Jacqueline Harpman, par pruderie ou bien par négation pure de toute sexualité, ne nous laisse même pas entendre que ces dames pourraient, entre elles... Et cependant les fouets claquent, si régulièrement et avec une si monotone insistance qu'on finit par éclater de rire, ce qu'il y a d'ailleurs de mieux à faire en lisant ce best-seller de la sottise et de la bouffonnerie involontaire.
Voici qu'un beau jour une sirène retentit. Panique soudaine des gardiens qui cavalent, disparaissent et jamais ne reviennent. L'un d'eux, dans sa fuite éperdue, a naturellement laissé choir la clé de la cage suffisamment près du grillage pour que les femmes puissent s'en emparer et s'enfuir. Ce qu'elles font. Fallait y penser, n'est-ce pas ? Elles s'égayent donc dans la nature, en fait un désert, ce qui laisse à supposer qu'une catastrophe dans le genre nucléaire a pu se produire, mais l'auteur reste muette ce sujet, faute sans doute... que sais-je, moi ? de temps, de connaissances suffisantes ? Elles parcourront des années durant le vaste désert sans jamais rencontrer personne, aucune trace de vie sinon celle d'une carcasse d'autobus avec dedans des corps ensevelis sous la poussière des ans (si j'ai bonne mémoire). Les plus vieilles et les plus faibles meurent, et comme il n'y a pas d'enfants, faute d'hommes pour les fabriquer (au moins Jacqueline Harpman sait qu'il faut un homme pour mettre la petite graine, c'est autant à mettre à son crédit), il ne reste bientôt plus que quelques femmes, puis une seule, la petite fille devenue maintenant presque une vieille femme, et qui n'a pas connu les hommes (elle ne peut donc les regretter). Elle découvrira dans sa vieillesse une sorte de bunker luxueusement aménagé, s'y installera à demeure pour y mourir au bout de quelques années dans un bon lit bien chaud...
Cette fin est plus hilarante encore que le reste, tellement c'est convenu, cousu de très gros fil blanc : le retour dans le ventre maternel, où il faisait si bon vivre, n'est-ce pas ?
Qu'ajouter de plus ? J'eus rétrospectivement honte pour le professeur de musique qui m'avait naguère si chaleureusement vanté les qualités littéraires et la sensibilité de Jacqueline Harpman. Un homme exquis pourtant, d'une culture si fine qu'on eût dit de la dentelle... Il y a comme ça des mystères...
J'avais, ai-je dit, emprunté à la bibliothèque trois livres de J. H. "Moi qui n'ai pas connu les hommes" m'a dissuadé d'en essayer un autre. Et quand aujourd'hui j'entends prononcer le nom de Jacqueline Harpman, je ricane doucement dans mon absence de barbe et je me dis que l'exercice de la littérature, décidément, devrait être interdit à certaines catégories socio-professionnelles.

Avenir impossible

4 étoiles

Critique de Elvire (Wavre, Inscrite le 19 novembre 2001, 80 ans) - 12 décembre 2001

Les anciennes de la Terre ne savent pas où elles sont, la narratrice non plus. Jacqueline Harpman le sait-elle? Quelle désolation et quelle désespérance! Dans un monde où il n'y a rien, il ne se passe forcément rien. Il faut beaucoup de pages pour qu'un événement se produise. Heureusement pas le moindre! Il y aura des découvertes mais de guérites en escaliers, de caves en marches, cela fait long et monotone comme le paysage. Il y a bien sûr des réflexions sur la condition humaine, la difficulté de la vie en société, la promiscuité, la dignité, mais...

Quel auteur!

9 étoiles

Critique de Bluewitch (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 44 ans) - 25 juillet 2001

Je suis moi aussi une fan de Jacqueline Harpman dont la subtilité n'égale que la finesse du style. C'est vrai, ses romans ne sont pas "réjouissants", mais ils possèdent une richesse extrême et la beauté, l'intelligence de ses textes sont un moment de lecture qui laisse une trace indélébile dans la mémoire. Je n'ai pas encore lu ce roman mais j'ai hâte de découvrir tout ce que Jacqueline Harpman a encore à nous offrir.

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  Décès de Jacqueline Harpman 5 Patman 25 mai 2012 @ 00:57

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