Le Guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa
( Il Gattopardo)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Béatrice, le 25 juin 2006 (Paris, Inscrite le 7 décembre 2002, - ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 12 avis)
Cote pondérée : 8 étoiles (394ème position).
Discussion(s) : 2 (Voir »)
Visites : 10 743  (depuis Novembre 2007)

Au temps du Risorgimento

On peut bouder le bouquin une fois qu’on connaît le film. Mais on peut lire le bouquin pour plein de raisons. Pour la somptueuse mélancolie. Pour retrouver dans leur contexte quelques phrases clé (« Si nous voulons que tout reste pareil, il faut que tout change »). Pour l’évocation passionnée de la Sicile. Pour réfléchir sur le destin de son auteur et pour se pencher sur le binôme roman – film.
Sicile, 1860. C’est l’époque du Risorgimento (résurrection). Plutôt que de s’intéresser à l’administration de ses domaines, le Prince de Salina se consacre à sa passion, l’astronomie. Entouré « d’un faste ébréché », il contemple « la ruine de sa race et de son patrimoine sans rien entreprendre pour s’opposer aux événements ». Le débarquement de Garibaldi ne fait qu’accélérer cette tendance. Le Prince est témoin des événements – l’histoire en train de se faire - les pèse, s’interroge, anticipe et finit par approuver le choix de son neveu Tancrède : par opportunisme, le jeune Tancrède se rallie aux chemises rouges. Pour enfoncer le clou, pour nous faire comprendre que nous sommes en pleine bousculade sociale, Tancrède épouse Angélique, roturière riche et sexy. A la fois confrontation et alliance de la classe aristocrate et bourgeoise, ce moment séduit par les détails et l’ironie.
A travers le regard sceptique du Prince, on découvre une Sicile fascinante, on dirait un personnage à part entière. Le climat excessif, ensuite un peuple empêtré dans la torpeur et la passivité car, au fil des siècles, les régimes successifs ont failli à leurs promesses. « Le sommeil, voilà ce que veulent les Siciliens, et ils haïront toujours celui qui voudra les réveiller, fût-ce pour leur apporter les plus beaux cadeaux ».

Giuseppe Tomasi prince de Lampedusa a écrit Le Guépard pendant ses dernières années de vie. C’est d’ailleurs son unique roman. Lorsque l’auteur mourut, le manuscrit venait d’être refusé par deux maisons d’édition. Il fut publié un an plus tard, en 58. (Quant à la présente traduction, j’ai des réserves, mais ce serait trop long…)
Le film tiré du roman est somptueux, le roman est discret. Une économie de moyens dont surgit l’inoubliable portrait d’un prince en fin de règne, le Guépard.

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Le crépuscule d'une époque

9 étoiles

Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 11 avril 2021

Il est des romans qui intimident tant ils sont célèbres et considérés comme des classiques. Je me suis enfin lancé dans la lecture de roman et je ne le regrette absolument pas. Je me demande même pourquoi j'ai tant attendu avant de lire ce texte italien au charme certain.

Le roman se déroule en Sicile, durant le Risorgimento, ce qui n'est pas anodin puisqu'il s'agit de la période de l'unification italienne, du nord avec le sud, avec Garibaldi comme figure héroïque. Le prince de Salina, le Guépard, incarne cette aristocratie sicilienne qui a connu ses heures de gloire, mais qui est consciente que dans ce contexte politique, les choses vont changer. Garibaldi, représente le nord l'Italie, et ne ressemble en rien à la mentalité sicilienne, plus nonchalante. Tomasi di Lampedusa dépeint cette figure charismatique qu'est Don Fabrizio, le Guépard, mais aussi sa famille et son entourage. Un intérêt particulier est accordé à son neveu, Tancredi, jeune vif et fougueux.

Ce roman peint un monde au crépuscule. Cela rappelle certains romans célèbres autrichiens de Schnitzler, Zweig ou même Joseph Roth qui dépeignaient aussi le déclin national. Il y a une certaine nostalgie dans ce roman, surtout dans le regard du Guépard, un homme vieillissant qui voit sans doute un peu de lui-même dans son neveu. Le temps passe et l'éternité n'est pas permise même pour les plus grands. L'auteur n'opte pas pour un roman qui enchaîne les péripéties, au contraire, il peut décrire longuement certaines scènes, ou certaines rencontres, voire même le décor, surtout les intérieurs. Le temps est donc clairement présent même dans la narration, comme si l'on traversait cette période en en mesurant la teneur et l'atmosphère avant qu'elle ne disparaisse à jamais.

L'écriture est très belle et a été l'atout principal de ce roman pour ma part. Elle est poétique, certaines phrases sont amples et permettent de se plonger avec plaisir dans cette atmosphère. Certaines scènes sont tellement bien décrites qu'elles continuent encore de hanter le lecteur. L'on sourit parfois et à d'autres moments on ressent cette nostalgie face au temps qui passe, comme si ce roman tendait un miroir dans lequel on peut tous se regarder. L'écrivain parvient à nous faire imaginer avec précision les lieux. De plus ses descriptions sont souvent empreintes de sensualité. Lorsque Tancredi et son amante déambulent dans la demeure de Don Fabrizio, on parvient à imaginer son immensité et à visualiser les lieux. Ce Guépard c'est le grand-père de l'écrivain. Les lieux et les personnages sont sans doute chers à l'auteur et ce monde qui s'éteint lui est donc familier.

"Le Guépard" est un classique qui permet d'immortaliser une époque et cette Sicile fascinante et aride. Les personnages principaux sont charismatiques et l'atmosphère est rendue avec panache.

Sublime mais d'une lecture un peu difficile

9 étoiles

Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 52 ans) - 19 avril 2019

Je suis tombé sur « Le Guépard » en fouillant les armoires d’une vieille dame décédée. La couverture du livre n’avait rien pour attirer spécialement et le titre était d’un banal. Mais le nom de l’auteur, un nom italien à particule m’a intrigué. Je l’ai donc pris à tout hasard, par curiosité envers ce nom, tout simplement. Ce n’est que plus tard ensuite que j’ai su c’était aussi le titre d’un film, qualifié de chef d’œuvre du cinéma, avec Burt Lancaster, Alain Delon, Claudia Cardinale. Maintenant que j’ai lu le livre, il faudra que je vois le film. Un livre dont Luchino Visconti a tiré un chef d’oeuvre ne peut être mauvais ! Et de fait, il s’avère d’une œuvre de haute tenue, à part, l’unique livre de Giuseppe Tomasi di Lampedusa.

Un livre qui commence doucement, qui a un peu de mal à se mettre en place. Ce n’est qu’à partir du 2ème tiers que l’œuvre prend toute sa force. Comme si l’auteur avait eu besoin d’un temps de réglage avant de trouver son rythme de croisière. Et quelle croisière ! Destination Sicile, 1860.

C’est l’histoire de l’aristocratie sicilienne (j’ai découvert que même en Sicile il y avait eu une aristocratie !), à une période clé qui provoqua son déclin. C’est ce que l’auteur raconte à travers la figure solaire et paternelle de Don Fabrice. Don Fabrice est un de ces aristocrates riches et respectés, figure inébranlable d’une classe sociale dominante sur une île pas très peuplée et brûlée 6 mois sur douze par le soleil, épris d’astronomie.

Inébranlable, Don Fabrice ? C’est ce qu’il aime à faire croire, en effet. Pourtant, petit à petit, par petites pierres qui se détachent et roulent, lui et ce qu’il représente se désagrègent, rongés par les changements sociaux alors en cours, ceux de l’unification de l’Italie. En tout cas, Don Fabrice essaiera de rester inébranlable malgré les concessions plus ou moins avouées qu’il a été obligé de faire (le mariage de son neveu Tancrède avec une riche roturière, sa participation au vote en faveur de la Révolution, lui l’aristocrate ! etc…), jusqu’à blesser même sa propre famille, pour continuer à survivre dans son mode de vie aristocratique à l’ancienne, et sauvegarder ses apparences de grand seigneur jusqu’à sa mort.

Ce n’est qu’après son décès que le déclin de son nom respecté et de sa famille illustre se prononcera plus clairement et brutalement, avec 3 de ses filles devenues vieilles filles et le prestige de sa famille réduit à presque rien tandis que Tancrède aura su redorer le sien avec Angélique la (belle) roturière sortie d’un caniveau immonde et oublié, et devenue princesse dans le nouveau monde surgi de l’unification italienne.

Une histoire qui dit que rien n’est éternel et que tout finit toujours tout par changer. Seule, peut-être, la Sicile elle-même et ses habitants, à la fois solaires et ténébreux, ne changeront jamais, d’après l’avis de Don Fabrice. Une histoire d’un pays et d’un peuple qui parle de l’âme sicilienne, comme Tolstoï parle de l’âme russe. Une histoire mélancolique traversée par l’esprit de la Mort, servie par un style en or éblouissant comme le soleil de Sicile, en fioritures prosatrices et en émotions profondes, qui parle d’amour, de passé, d’ambition, de mort.

Peut-être que Giuseppe Tomasi di Lampedusa s’est projeté tout entier dans cette œuvre, y jetant les derniers feux crépusculaires de son âme sans doute pleine de regret d’un passé familial à la grandeur perdue, avant de mourir sitôt le livre achevé.

C’est souvent sublime mais d’une lecture un peu difficile, aux chapitres longs, au ton et au style unique. Une véritable création littéraire.

Lourdeur et décadence

6 étoiles

Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 1 juillet 2015

Rédiger un avis sur une œuvre telle que "Le Guépard", unique roman de l’auteur, voilà une belle gageure. L’histoire peut tenir en quelques mots, soit le récit du déclin d’un aristocrate sur le fond historique de l’unification de l’Italie par Garibaldi.

Le livre évoque donc une époque où une aristocratie désargentée est en train de perdre définitivement son prestige. Elle tente de sauver les apparences tout en comprenant très bien ce qui lui arrive sans pour autant renier l’évolution logique des choses.
Écrit 100 ans après les événements historiques qui constituent la toile de fond, on peut légitimement le qualifier de témoignage, puisque l’auteur s’est librement inspiré de la vie de son grand-père pour créer le personnage principal, soit le guépard, sorte de pater familias qui voit son aura se dissiper.

C’est un roman politique, sociologique, avec des accents romanesques.

Ce récit, bien qu’ assez court, est d'une richesse stylistique qui le rend moins accessible qu’on pourrait le croire au départ et celui qui pense lire un roman à l’eau de rose, style « Autant en emporte le vent » à la sauce italienne, va vite déchanter, car il risque de décrocher avant la fin.

Pour conclure, il s’agit d’un roman dense, un vrai classique mais qui vaut plus par son niveau littéraire et ses références historiques que pour le vrai plaisir de lire, qui n’est pas une qualité constante de cette œuvre.

Grand roman

9 étoiles

Critique de Antinea (anefera@laposte.net, Inscrite le 27 août 2005, 45 ans) - 5 octobre 2014

Alors que des révoltes populaires ont secoué Palerme et qu'on annonce l'arrivée de Garibaldi, le Prince Don Fabrizio Salina, le Guépard, évolue dans sa belle demeure, en compagnie de sa famille, sans presque se soucier des événements. Il en parle peu mais tout en lui suggère qu'il accepte le changement, ou du moins, qu'il ne s'y opposera pas. Ne va-t-il pas laisser son neveu Tancrède, qu'il chérit particulièrement, épouser la fille d'un parvenu ? Il sacrifie ainsi sa propre fille Concetta, amoureuse de son cousin depuis sa tendre enfance, à la modernisation inévitable des sociétés. Mais malgré cela, le Guépard continue de vivre avec les privilèges et les préoccupations de son rang, parmi ses semblables, comme s'il souhaitait profiter de tout une dernière fois avant la chute prochaine.

Nostalgie de la jeunesse impétueuse pour laquelle l'avenir mouvant ne peut-être que prometteur, nostalgie de l'ordre ancien et de ses privilèges, nostalgie du foyer mais aussi conscience du temps qui passe, du renversement inéluctable, de la vie qui s'enfuit, tout en ce roman suinte la mélancolie, l'adieu et le regret. Période de transition vue à travers les yeux d'un homme qui regrette son passé, envie le futur de son neveu et peine à vivre un présent sans caractère. Pendant cette agonie de l'ordre révolu et l'émergence chaotique du nouveau monde, Fabrizio observe, passe comme un fantôme et laisse chacun accepter ou se révolter sans presque intervenir. Rien n'est dit, tout est suggéré, les sentiments douloureux, la détresse ou la fébrile impatience sont prégnants, roman fin et subtil écrit d'une main de maître.

J'ai vu le film de Visconti pour la première fois peu de temps après avoir terminé le livre. Les deux œuvres se complètent bien, magnifiques, sublimes, magistrales. Mais le dernier chapitre du livre, oublié du film de Visconti, reste pour moi un chef d'oeuvre à lui seul, la quintessence de ce renoncement douloureux au passé chéri, la plus belle et terrifiante évocation de ce deuil redoutable et pourtant nécessaire.

Magnifique

10 étoiles

Critique de Cyclo (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 78 ans) - 7 décembre 2013

Tout le monde connaît l'intrigue : en 1860, les troupes garibaldiennes débarquent en Sicile pour chasser les Bourbons du Royaume de Naples. Une ère nouvelle commence pour le pays. La vieille aristocratie comprend que ses jours sont comptés, et en particulier le prince Don Fabrice Salina, dont le blason de famille est orné d'un léopard dansant (le fameux guépard). Don Fabrice est sceptique, il ne croit pas en l'avenir, du moins à son avenir, et il va refuser la proposition qui va lui être faite par la couronne piémontaise d'être promu sénateur. Il voit son neveu Tancrède, intelligent et ambitieux, s'enrôler sous la bannière de Garibaldi, s'amouracher d'Angélique, la jolie fille du maire de Donnafugata, un commerçant enrichi, et l'épouser, ce qui eut été impensable quelques années auparavant. Le prince est résigné, son temps est révolu, place aux jeunes qui sauront se débrouiller dans ce nouveau monde : "L’œil de Tancrède le regardait avec l'ironie gentille que le jeunesse accorde aux personnes âgées. – Ils peuvent se permettre d'être câlins : ils sont si sûrs qu'au lendemain de nos funérailles, ils seront libres."
D'ailleurs, il est sûr qu'au fond rien ne change, et l'intelligente Angélique va se mouler parfaitement à l'aise dans l'aristocratie avec son Tancrède. Le roman est une suite de tableaux magnifiquement réussis, qu'il s'agisse d'une partie de chasse du prince avec l'organiste de l'église, du "cyclone amoureux" entre Tancrède et Angélique ("C'était le temps du désir toujours vivant, parce que toujours vaincu, le temps où s'offraient des lits innombrables que toujours ils repoussaient, le temps de la frénésie sensuelle qui, matée, se sublimait durant quelques secondes en renoncements, c'est-à-dire en véritable amour"), d'un bal (celui de la présentation d'Angélique à la haute société), d'une réunion de famille du jésuite Don Pirrone, confesseur du prince, ou de l'émouvante mort du prince.
Bien sûr, la figure du prince, "le guépard", domine le livre : survivant de l'ancienne aristocratie, il a installé un observatoire sur le toit de son palais et s'y livre à l'observation des étoiles, correspond avec Arago et l'Académie des sciences de Paris. Mais les personnages secondaires abondent, tous superbement typés, sa femme, ses filles, ses domestiques et régisseurs, les nouveaux riches, ses chiens même. Comme le grand roman de Proust (et on comprend que Visconti ait aussi songé à l'adapter au cinéma), "Le guépard" est l’œuvre d'une vie.

Les temps changent...

10 étoiles

Critique de Lecassin (Saint Médard en Jalles, Inscrit le 2 mars 2012, 68 ans) - 7 septembre 2012

« Le guépard » est l'unique roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa ; un roman paru en 1958, peu de temps après la mort de l'auteur.

Les temps changent…
Nous sommes en mai 1860, dans une Sicile endormie…
Débarque Garibaldi et ses troupes Piémontaises… le Gépard, Don Fabrizio Corbera, prince Salina, un aristocrate passionné d'astronomie voit son monde s'écrouler en même temps qu'il entre dans la vieillesse.
Une page d'histoire de la Sicile se tourne dans l'Italie qui s'unifie…

Pour un coup d'essai, il faut bien reconnaître que ce roman écrit par Lampédusa en fin de vie, est un coup de maître : Angelica et Tancredi, Don Fabrizio Corbera des personnages complexes, immergés dans une tranche d'histoire de l'Italie non moins complexe ; sans oublier la Sicile qui reste un des personnages principaux de l'histoire.

Un livre que j'ai découvert il y a bien longtemps par l'intermédiaire du film de Visconti. Un livre teinté de nostalgie porté par un style d'un grande élégance qui nous fait regretter que l'auteur ne se soit mis à l'écriture plus tôt : un seul roman… C'est bien peu ! Mais quel roman ! Un classique de la littérature italienne.

Un livre d'amour et de mort

9 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 14 mars 2012

Le cinéma, comme souvent, a transformé ce vaste roman social, historique, naturaliste mais aussi romantique, en une histoire d’amour à grand spectacle entre deux anges que la beauté devait inéluctablement réunir. Le beau Tancrède, neveu du prince qui règne sur un immense domaine, préfère la belle Angelica aux origines un peu douteuses mais à la fortune prometteuse, à sa cousine, la fille dudit prince, le Guépard, qui a imposé sa griffe sur ce coin de Sicile.

L’histoire commence en 1860 au moment où les troupes garibaldiennes débarquent sur l’île pour bousculer la monarchie du royaume des Deux-Sicile et imposer le pouvoir du roi de Sardaigne qui veut instaurer un royaume d’Italie. Tancrède choisit le nouveau monarque alors que le Guépard préfère conserver sa fidélité à son roi mais il se résigne vite à accepter le triomphe des troupes de Garibaldi. Tancrède devient alors un personnage important qui a un bel avenir devant lui. Il délaisse sa cousine, la fille du Guépard, en succombant aux charmes de la belle Angelica. Entre les deux amoureux une belle histoire d’amour éclot. Le prince a un faible pour son neveu en qui il se reconnait et ne contrarie pas cet amour avec la fille de celui qui incarne la classe enrichie, la classe qui prend peu à peu le pouvoir sur l’île.

Ce roman c’est d’abord une page de l’histoire de la Sicile qui se tourne, la classe sociale dominante, la vieille aristocratie, s’essouffle de plus en plus et doit laisser la place à de nouveaux enrichis, comme le père d’Angelica, qui ont spéculé sans vergogne et qui lorgnent avec avidité sur les biens des églises et des couvents qui sont dispersés à vil prix. Le Guépard comprend alors que le monde change, que l’ordre ancien sera bientôt révolu, qu’un autre pouvoir va s’installer et qu’il faudra composer pour conserver son rang même s’il accepte avec certains regrets de changer de roi.

« … depuis deux mille cinq cents ans nous sommes une colonie. Je ne le dis pas pour me plaindre : en grande partie, c’est notre faute ; mais nous sommes fatigués et vidés. »

L’auteur jette un regard acéré et sans concession sur la Sicile éternellement dominée par des puissances extérieures ; qui ne veut pas se compromettre dans un gouvernement italien. Une île figée dans sa gloire ancienne dont on peut lire, en filigrane entre les lignes de ce roman, l’histoire contemporaine où les parrains ont pris la place des Guépard d’autrefois.

« Piétinés par une douzaine de peuples différents ils croient avoir un passé impérial qui leur donne droit à des funérailles somptueuses. »

Ce livre est aussi un grand livre d’amour ; Tomasi di Lampedusa ne peut pas dissimuler le profond attachement qui le lie à sa terre natale, à ceux qui en ont écrit l’histoire, à ses ancêtres, à son grand-père qui était un peu le prince du roman, le Guépard, qui contemple ce nouveau monde qui se battit un peu à l’écart de son domaine, de sa famille, en dehors de son pouvoir. Ainsi, l’auteur avoue une liaison quasi charnelle avec cette terre généreuse si peu respectée par les envahisseurs. Une terre qui se déguste, se boit, se goûte, se respire, à travers les fruits qu’elle produit, les vins qu’elle secrète et les vents qui la bercent. Il nous offre une description somptueuse de la Sicile de l’époque des Bourbon, de ses paysages et de ses palais, de sa vie de cour dans une douce quiétude alanguie.

« J’appartiens à une génération malheureuse, à cheval entre les temps anciens et les nouveaux, et qui se trouve mal à l’aise dans les deux. »

Mais ce livre d’amour est aussi un livre de mort, l’auteur entrevoit le bout de son chemin, il chante une dernière fois le pays qu’il a tant vénéré et il salue ses ancêtres qu’il s’apprête à rejoindre dans l’autre monde. Il n’aura pas le plaisir d’assister à la publication de son livre, un grand et beau livre, un livre d’amour, où la haine n’atteint pas l’amoureux qui change d’avis, ni le conquérant qui s’impose, pas plus que les nouveaux riches qui s’accaparent les terres et les biens. Il décèdera avant.

« Crois-moi mon petit oncle, si nous ne nous en mêlons pas, ils vont nous fabriquer une république »

10 étoiles

Critique de Sissi (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 53 ans) - 14 janvier 2011

C'est Tancrède qui le dit, à son oncle Salina, dit "le guépard", vieil aristocrate qui comprend, désabusé, que la fin d'un monde est arrivé et qu'un autre est en marche.
Si Don Fabrizzio (le guépard) est fataliste, l'arriviste Tancrède désire fermement prendre le train en marche, de ce fait il reviendra bien vite sur ses dires, trahira sans scrupules son milieu pour se rallier à la bourgeoisie, grâce à un mariage convenu avec Angelica, jeune femme aussi jolie qu' insipide.

Il est vrai que ce roman ne peut guère s'apprécier à sa juste valeur si on ne possède pas quelques pré-requis historiques sur le risorgimento italien, et les différentes étapes de l'unification italienne achevée en 1870.

Car c'est un avant tout un roman historique, ou plutôt sur l'histoire, l'histoire de la Sicile à une période charnière de son évolution, à travers le regard d'un homme qui, arrivant à la fin de sa vie, préfère contempler les étoiles pour fuir une réalité qui le dépasse.

Le film est somptueux, notamment la scène du bal, qui m'a profondément marquée, par tout le symbolisme qu'il véhicule (en plus d'un esthétisme sans failles)

Après plusieurs lectures...

10 étoiles

Critique de Rouchka1344 (, Inscrite le 31 août 2009, 33 ans) - 7 octobre 2010

Comme Cruz, j'ai étudié "Le Guépard" lors de ma terminale il y a trois ans. Et comme elle, je ne l'ai pas apprécié à la première lecture. Comment aimer un livre qui se passe en Sicile au déclin de l'aristocratie sicilienne si on ne connaît rien de l'Histoire italienne?
Après 4 lectures, et des heures de cours, j'ai fini par l'apprécier à sa juste valeur. Les différents personnages sont restés dans ma mémoire comme de l'encre indélébile: Le charmant et ambitieux Tancredi, l'arriviste Angélica, la pauvre Concetta délaissée et vieille fille, le chien Bendico dernier vestige d'un monde disparu jeté par la fenêtre, et surtout mon personnage préféré le Prince Salina dont Burt Lancaster a immortalisé son image dans ma mémoire.
Je me rappelle encore des citations que nous devions apprendre et qui sont restées:

"Si nous voulons que tout reste tel que c'est, il faut que tout change"

Un très bon livre !

Avis d'une Terminale L

6 étoiles

Critique de Cruz (Punaauia, Inscrite le 16 novembre 2008, 33 ans) - 16 novembre 2008

La première fois que j'ai lu le roman, je n'ai pas du tout aimé. Trop longues descriptions, évènements historiques que je ne comprenais pas, etc... Il a fallu que l'on étudie l'oeuvre en cours pour que je puisse apprécier ce petit chef-d'oeuvre de la littérature italienne. Au début je me demandais pourquoi on avait mis cette oeuvre au programme de la Terminale L, mais maintenant je comprends pourquoi. Il y a de très beaux passages dans Le Guépard qui mérite d'être lu: "dans la délectation savoureuse de la haine", "d'un bonheur incompréhensible incapable de produire de l'angoisse", "le fracas de la mer se calma tout à fait", et bien d'autres citations!

Donc, pour pouvoir apprécier ce livre, il faut connaître un peu l'histoire de la Sicile, et c'est un régal! Voir l'Histoire de l'intérieur! Avec les sentiments des personnages. Bien entendu je ne pense pas que ce livre plaise à tout le monde, moi je l'apprécie modérément quand même, mais comme a dit Louis Aragon: "Un des plus grands romans de ce siècle". A vous de voir maintenant.

Intéressante illustration de décadence

8 étoiles

Critique de Vilaine cafteuse (Angers, Inscrite le 11 décembre 2007, 33 ans) - 12 mars 2008

Le Guépard, œuvre imposée au bac littéraire, a fait bailler plus d'un lecteur prépubère. Les longues descriptions que nous impose Lampedusa en ont meurtri plus d'un de cette lecture pourtant agréable. Cependant il est vrai que pour quiconque ne connait pas cette période d'instabilité politique italienne, la compréhension est un peu ardue.
Sans pour autant être un ravissement de distraction littéraire digne d'un Vargas, le Guépard est une lecture fluide, et surtout truffée de digressions philosophiques dont nous fait part don Fabbrizio. La légèreté insufflée par le recul du prince n'exclut pourtant pas une ambiance sombre en osmose avec le portrait que Lampedusa nous peint subtilement, car en plus d'être écrit avec un style plaisant, le Guépard analyse métaphoriquement la déchéance de l'aristocratie italienne.
Les personnages eux-mêmes font partie d'une démarche visant à refléter une période de la société italienne. Tant attachants que complexes, Tancrède, Angelica, Don Fabbrizio et sa pieuse femme etc. donnent au récit une vérité qui semble historique.
En somme, heureuse d'avoir eu à lire ce roman, pilier de la littérature italienne, qui a révélé à la fois une lecture sensuelle et en même temps victime de la décrépitude de la noblesse italienne, et une lecture portant à réfléchir sur des sujets peu engageants comme la mort ou le temps de l'existence et instruisant d'une façon romancée (forcément) une période historique que les manuels d'histoire n'ont jamais daigné évoquer.

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