Le fourgon des fous de Carlos Liscano

Le fourgon des fous de Carlos Liscano
( El furgón de los locos)

Catégorie(s) : Littérature => Sud-américaine

Critiqué par Sahkti, le 18 mai 2006 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 49 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 276ème position).
Visites : 4 499  (depuis Novembre 2007)

Résister à la torture

Nous sommes en 1973, Carlos Liscano est emprisonné à Libertad (quelle ironie!) par le régime uruguayen et vivra pendant treize ans de souffrances et d'humiliation. Il a alors 22 ans, est accusé de subversion politique et voit le monde autour de lui continuer à tourner sans qu'il puisse y participer. Tout cela est très dur, tant moralement que physiquement. La torture est quotidienne, dans les interrogatoires, les sévices, les brimades psychologiques. Comme un deuil ou un exorcisme, Liscano tente de raconter, avec des mots crus et violents, les détails de cette torture, de son enfermement et toutes les ruses qu'un prisonnier doit mettre au point pour supporter la douleur et tenter de conserver un peu de dignité.
L'écriture de Liscano est rapide, vive et la forme courte de ses chapitres augmente la sensation d'oppression qui se dégage des pages. Comme si il fallait respirer entre les coups, comme si un répit était nécessaire avant de passer à autre chose, à une autre souffrance.
J'ai été frappée par la puissance des mots de Liscano, qui tressaille dans chaque terme racontant ce qu'il a vécu, et qui arrive pourtant à témoigner de son emprisonnement avec un certain détachement, un recul qui permet à la fois de narrer tout cela froidement (et donc de manière terrible parce que sans pudeur) et en même temps de glisser beaucoup d'humanité entre les mots.
En couchant son histoire sur papier, Carlos Liscano tente, à mes yeux, de structurer l'horreur afin de pouvoir continuer à vivre et, à défaut de l'accepter, l'intégrer à son existence. Parce que ces souffrances font désormais partie intégrante de sa personne et l'écriture est sans doute un moyen d'échapper à une dérive irréversible.
J'ai à plusieurs reprises ressenti en le lisant les mêmes impressions qu'en lisant des auteurs dits de l'Holocauste, comme Primo Lévi ou Aharon Appelfeld, ce besoin de raconter l'horreur pour apprendre à vivre avec et aussi à s'accepter, avec ce deuil permanent au fond de soi.
Un récit dense et dur qui fait froid dans les dos et qui apprend beaucoup sur les mécanismes de résistance humaine, physique et psychologique. Une belle leçon.

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Les éditions

  • Le fourgon des fous [Texte imprimé], [récit] Carlos Liscano traduit de l'espagnol (Uruguay) par Jean-Marie Saint-Lu
    de Liscano, Carlos Saint-Lu, Jean-Marie (Traducteur)
    Belfond / Littératures étrangères (Paris)
    ISBN : 9782714441553 ; 3,36 € ; 16/01/2006 ; 159 p. ; Broché
  • Le fourgon des fous [Texte imprimé] Carlos Liscano traduit de l'espagnol (Uruguay) par Jean-Marie Saint-Lu
    de Liscano, Carlos Saint-Lu, Jean-Marie (Traducteur)
    10-18 / Série Domaine étranger
    ISBN : 9782264044952 ; EUR 7,50 ; 20/11/2008 ; 176 p. ; Poche
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A lire

10 étoiles

Critique de Faby de Caparica (, Inscrite le 30 décembre 2017, 62 ans) - 21 août 2019

"Le fourgon des fous " de Carlos Liscano (168p)
Ed.Belfond

Bonjour les fous de lectures ...
ATTENTION... A LIRE !!
Dans ce court récit autobiographique, Carlos Liscano raconte ses 13 années d'emprisonnement comme opposant au régime uruguayen.
Montévidéo, 1972, Liscano a 23 ans. Il est brutalement arrêté.
Il connaitra la torture, la peur, les cris, la solitude, les geôliers inhumains, l'humiliation, le dégoût de soi mais aussi la solidarité entre détenus.
Surtout ne pas parler, ne pas dénoncer..
Tous les jours, il faut se motiver pour tenir encore et encore., ne jamais perdre l'appétit de vivre.
1985.. fin de la dictature, Carlos monte enfin dans " le fourgon des fou" qui lui rendra la liberté.
Mais après ces épreuves, retrouve-t-on vraiment la liberté?
Il faudra de nombreuses années (plus de 30 ans) et un exil pour que Carlos Liscano parle de ce passé.
Qu'il est troublant ce témoignage.
Carlos Liscao se pose beaucoup de question sur lui-même, son rapport aux autres mais également sur la relation qui s'installe entre le prisonnier et son geôlier.
C'est pudique, bouleversant, posé ... c'est à lire absolument.
Découverte d'un grand auteur d'Amérique latine.

Un récit bouleversant

7 étoiles

Critique de Laura (, Inscrite le 11 août 2011, 35 ans) - 17 août 2011

Cette oeuvre retrace une partie du vécu de l'auteur lors d'années particulièrement difficiles en Uruguay. C. Liscano raconte ce qu'il a vécu au cours de ces années d'emprisonnement, l'horreur de ces états totalitaires qui font reigner la peur.
Ce témoignage regorgeant de simplicité est plutôt bouleversant !
Le seul point négatif à surligner est que le récit comporte des zones d'ombre qui empêchent à mon sens de rentrer pleinement dedans et qui donnent l'impression, à certains endroits, qu'il est un peu décousu ... Dommage ...

Récit indispensable pour témoigner de l’horreur humaine

8 étoiles

Critique de PPG (Strasbourg, Inscrit le 14 septembre 2008, 48 ans) - 8 novembre 2008

Témoignage très intense de Carlos Liscano quant aux moments de tortures quotidiennes vécus dès ses 23 ans. S’ensuivirent 13 années d’emprisonnement dans des geôles uruguayennes jusqu’en 1985, date de sa libération qui débutera par un transfert en fourgon, parmi des “fous concentrés sur la pensée de leur liberté”. Mais, finalement, paradoxalement, c’est cette liberté qui fait peur car, au contraire des ordres privant toutes réflexions personnelles, cette dernière demande de faire des choix de manière quotidienne.

Articulé en 3 chapitres non chronologiques, ce récit nous montre notamment comment Liscano, à travers la relation qu’il aura avec son corps, comme s’il était détaché de lui, réussira à résister à un milieu d’extrême brutalité. Face à ces assauts de violence, il expliquera que le corps, revenu à un état primitif, est désormais l’ “animal” avec lequel il dialoguera longuement, qu’il devra apprivoiser après avoir accepté, non sans difficultés, à s’accoutumer de sa déchéance et du dégoût qu’il éprouvera à son encontre.

Les phrases sont courtes, cinglantes. Comme lors de l’emprisonnement qu’il a vécu, il semble qu’il lui est nécessaire d’aller à l’essentiel, tout de suite, vite, car c’est la chose la plus précieuse face à la menace du néant qui guette en permanence et qui risque de tout engloutir.

C’est un récit fort, qui fait froid dans le dos, et qui nous montre, en paraphrasant Liscano, que l’homme n’est (en définitive ?) qu’un animal brutal à peine déguisé, à peine domestiqué.

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