Eric Eliès
avatar 25/01/2012 @ 12:13:28
Pour approfondir ma critique, j'aimerais (s'il y a des personnes intéressées par le sujet) l'ouvrir vers un domaine très légèrement évoqué par Lorenz dans son essai : la psychanalyse. Lorenz l'évoque en assimilant la cause des névroses au conflit, spécifiquement humain, entre l'instinct et la morale, généré par le processus d'auto-domestication. J'ai néanmoins été frappé par les analogies possibles entre certaines observations de Lorentz et certains concepts de la psychanalyse, notamment :
* l'invariance du comportement automatique endogène // la notion d'archétype dans l'inconscient collectif chez Jung
* la loi de variabilité du seuil d'excitabilité déclenchant le comportement automatique // la notion de libido dans l'inconscient individuel chez Freud

Il m'a semblé que Lorenz avait peut-être trouvé des fondements scientifiques à certaines spéculations des fondateurs de la psychanlyse.

Aria
avatar 25/01/2012 @ 16:20:41
Ouh, mais vous êtes bien trop savant pour moi, cher Monsieur !

J'ai déjà eu des problèmes sur le "processus d'auto-domestication" (waou !), mais j'adore "la variabilité du seuil d'excitabilité bla-bla".

Ca, c'est un truc pour le "têtes du site" : Pendragon, Stavro, Saule, Professeur Provis, bien aussi pour Radetsky, qui analyse en ce moment la libido de l'ours brun... et d'autres que j'oublie.

Pourtant j'ai lu Lorenz, mais le coup de l'éthologie et de la psychanalyse croisés puis multipliés par leur logarythme, j'ai du mal.

A vous les amis ! ;o))

Radetsky 25/01/2012 @ 20:31:50
Malgré la "brève" de publicité gratuite offerte, par Aria, je décline (c'est l'âge...) l'honneur qui m'est fait d'y mettre mon grain de sel. J'ai fréquenté un peu Jung, je sais de Freud ce que la vulgate en a véhiculé y compris chez ses détracteurs, mais je n'ai jamais mis une patte chez Lorenz. Difficile donc de faire la synthèse, en l'occurence. Je laisse donc la place à mes honorables collègues, sans doute plus affûtés !
Mais je remercie vivement Eric Eliès pour cette critique pleine de promesses : on n'a plus qu'une envie, se précipiter chez le libraire le plus proche. Ce n'est donc que partie remise.

Saule

avatar 25/01/2012 @ 20:37:43
Tout comme Radetsky. Cette critique donne assurément envie d'en savoir plus sur Lorenz, mais pour l'instant je n'y connais rien.

Eric Eliès
avatar 25/01/2012 @ 22:14:13
Je ne voulais pas paraître prétentieux ou incompréhensible. Mille excuses si je me suis laissé emporter... En fait, pour rendre la notion d'auto-domestication plus facile à comprendre, je vais préciser simplement (je ne parlerai pas de phénotype récessif ...merde, je l'ai fait) ce que Lorenz entend par là. Tout d'abord, il y a des signes physiologiques que Lorenz considère comme spécifiques des espèces domestiques (relâchement du tonus musculaire, etc. mais aussi les signes attestant d'une "reproduction" sélective - par exemple, il n'existe de nos jours des blonds aux yeux bleus que parce qu'il y a des blond(e)s aux bleux yeux qui recherchent des blond(e)s aux yeux bleus pour avoir des enfants blond(e)s aux yeux bleus). Mais il y a aussi des traits psychologiques que Lorenz considère être caractéristiques : goinfrerie, violence, hypersexualité, etc. avec une très forte variation dans la répartition et l'amplitude de ces caractéristiques au sein des individus. En fait, on peut penser que pour Lorenz, un homme "auto-domestiqué" type serait un homme qui sortirait le moins possible de chez lui et passerait son temps à bouffer en regardant des films porno ou en regardant depuis sa fenêtre les filles qui marchent dans la rue en rêvant de les violer... Je crois que ça existe et la misère, sociale et sexuelle, de l'homme moderne est au coeur des romans de Houellebecq, qui est pour moi l'écrivain qui incarne le mieux l'esprit de l'époque actuelle. Là où Lorenz peut le plus choquer, et ce qui fait qu'il a pu être récupéré par l'extrême-droite (en France, par exemple, le club de l'horloge se réclame de sa pensée), c'est qu'il considère que l'auto-domestication provoque nécessairement l'existence d'individus "tarés", au sens d'individus qui présentent des tares irrémédiables (hyperviolence, etc.) non compensées par la morale, qui les rendent fondamentalement dangereux pour la société. Pour Lorenz, l'humanité moderne se berce d'illusions en ignorant l'existence, en son sein, d'individus irrécupérables qu'il conviendrait d'éliminer ou d'isoler. En fait, je crois que Lorenz pense moins au délinquant qu'à Hitler. Pour cette raison, Lorenz considère que l'industrie nucléaire est dangereuse car elle dote l'humanité d'armes de destruction qui seront forcément, un jour, placées entre les mains d'un homme capable de les mettre en oeuvre.

Débézed

avatar 26/01/2012 @ 00:47:34
Pour cette raison, Lorenz considère que l'industrie nucléaire est dangereuse car elle dote l'humanité d'armes de destruction qui seront forcément, un jour, placées entre les mains d'un homme capable de les mettre en oeuvre.


Si tu avais commencé par là, j'aurais peut-être eu le courage de tout lire mais je dois avouer que je n'ai aucune compétence pour débattre de ce qui introduit ce fil.

Avada

avatar 26/01/2012 @ 07:15:32
(relâchement du tonus musculaire, etc. mais aussi les signes attestant d'une "reproduction" sélective - par exemple, il n'existe de nos jours des blonds aux yeux bleus que parce qu'il y a des blond(e)s aux bleux yeux qui recherchent des blond(e)s aux yeux bleus pour avoir des enfants blond(e)s aux yeux bleus). .

Je crois que Darwin parle aussi de ça. Ca a un nom que je chercherai ce soir.

Elya
avatar 26/01/2012 @ 07:44:55
Ta critique donne vraiment envie de lire ce livre, je ne connais rien à ce domaine. Seulement il n'est pas récent, peut-être sa thèse a-t-elle été réfutée depuis ? Confortée ? Sa thèse reste-t-elle à l'état de théorie ou est-elle enrichie de manière expérimentale ?

Radetsky 26/01/2012 @ 09:22:40
D'une certaine manière et pour rester dans les généralités, Darwin, Marx, Jung et Lorenz tournent autour du même pot, comme Hume et Rousseau au XVIIIe siècle : la civilisation engendre des monstres spécifiques dûs à l'enfermement social, économique, psychologique. La réduction d'un individu à une petite série de conditionnements, dans ces conditions, altère ses capacités à sortir de sa prison mentale d'une part, et par conséquent à chercher une issue vers la liberté, d'autre part. On peut appliquer l'observation non seulement aux plus misérables, mais aux autres, dès lors qu'ils sont voués par leur situation de classe à mettre en oeuvre, répéter, perpétuer, des comportements pathologiques.
Sans doute Lorenz met-il en évidence les modalités pratiques de mise en situation, relevant de l'apprentissage, du mimétisme, propres à la reproduction des systèmes sociaux, en premier lieu chez les animaux, ensuite dans les sociétés humaines. Mais je ne l'ai pas encore lu... Reste à voir si ses théories ne constituent pas simplement la modification d'un angle de perspective, sur une querelle vieille comme le monde : l'opposition entre nature et culture. Quant à la morale invoquée en guise de correctif, c'est une brave fille, mais à peu près tout le monde est passé dessus, à des fins souvent diamétralement opposées et avec des effets tout aussi contradictoires.

Radetsky 26/01/2012 @ 09:25:35
une petite série de conditionnements....
Il faut lire "comportements", bien sûr. NDLR

Aria
avatar 26/01/2012 @ 17:36:35
Lorenz est passionnant, mais Eric est très ennuyeux.

Où est l'erreur ?

Aria
avatar 26/01/2012 @ 17:37:36
L'ours blanc est-il plus affûté que l'ours brun ?

Radetsky 26/01/2012 @ 18:38:28
L'ours blanc est-il plus affûté que l'ours brun ?
L'ours n'est blanc que de plâtre, pour l'instant... Comme je le faisais remarquer, je n'ai jamais lu Lorenz. A lire Eric, il y aurait un gros débat à entreprendre autour des notions d'acquis et d'inné, d'hérédité des caractères acquis, d'atrophie de l'autonomie chez les sujets aliénés par la civilisation, de l'influence sur le psychisme des "civilisés" des liens établis à la naissance avec le monde social, du conditionnement et du mimétisme induits par la société, etc. etc. Quant à "l'élimination" des sujets dits "tarés", il faudrait faire attention où l'on met les pieds... si vous voyez ce que je veux dire.

Avada

avatar 26/01/2012 @ 20:33:25
(relâchement du tonus musculaire, etc. mais aussi les signes attestant d'une "reproduction" sélective - par exemple, il n'existe de nos jours des blonds aux yeux bleus que parce qu'il y a des blond(e)s aux bleux yeux qui recherchent des blond(e)s aux yeux bleus pour avoir des enfants blond(e)s aux yeux bleus). .
Je crois que Darwin parle aussi de ça. Ca a un nom que je chercherai ce soir.

Pardon de me citer : c'est ce que Darwin appelait "la sélection sexuelle", càd la tendance des êtres à se reproduire avec ceux qui leur ressemblent.
J'ai lu l'agression mais il y a si longtemps que je ne me rappelle quasiment de rien. je n'avais pas du y comprendre grand chose. Il y avait ausi à cette époque un certain Ardrey qui était dans le même courant d'idée. Ils ont inspiré le super film "Straw dogs" de Sam Peckinpah qui montre que tout homme possède en lui une violence inouïe.
Lorenz est passionnant, mais Eric est très ennuyeux.

Je ne comprends pas ce que tu veux dire : As-tu lu Lorenz ? Parlerais-tu d'Eric Eliès ?

Saule

avatar 26/01/2012 @ 21:05:58
Tiens, Alain de Botton lui prétend le contraire : il dit que les gens ont tendance à choisir comme partenaire sexuel pour la reproduction celui qui va "annuler" ses défauts. Par exemple, un homme trop efféminé aura tendance à choisir une femme un peu trop masculine, et comme ça les enfants seront équilibrés.

C'est pour ça que si une personne du sexe opposé rejette nos avances, il ne faut pas le prendre personnellement : c'est simplement que les caractéristiques biologiques ne s'accordent pas.

Eric Eliès
avatar 26/01/2012 @ 21:06:15
Lorenz est passionnant, mais Eric est très ennuyeux.

Où est l'erreur ?
Il n'y a peut-être pas d'erreur : je suis peut-être juste naturellement un type chiant... Quoi qu'il en soit, je te remercie, Aria, c'est toujours sympa de se l'entendre dire... même si tu as parfaitement le droit le le penser ! Cela dit, je suis curieux de savoir ce que tu as lu de Lorenz pour le trouver passionnant car, au-delà du fond et des idées, il peut être très ennuyeux à lire !

A part ça, ce que dit Radetsky (il y a private joke sur la couleur des ours ?) dans son mail de 09:22 est très bien vu et cerne bien la problématique posée. On en revient effectivement à la nature et à la culture, mais Lorenz en a une approche originale de biologiste de terrain. Néanmoins, le commentaire de Radetsky introduit la notion de "situation de classe" que Lorenz n'utilise à ma connaissance jamais ; les conditionnements sont pour lui ceux de la société humaine prise sur dans son ensemble.

Quant à "l'élimination" des sujets dits "tarés", il faudrait faire attention où l'on met les pieds... si vous voyez ce que je veux dire.
Tu as parfaitement raison et c'est ce qui fait l'ambiguité de Lorenz et permet sa récupération idéologique, d'autant que Lorenz a dans sa jeunesse défendu des thèses eugénistes. Il faudrait un spécialiste de Lorenz, que je ne suis pas, pour vraiment bien discuter du sujet mais je crois qu'il s'est rétracté en découvrant avec une horreur sincère l'ampleur des crimes nazis et l'utilisation raciste de l'eugénisme par les nazis. En fait, de la même manière qu'Ernst Junger, Lorenz a été obligé, pendant et après la 2ème GM, de remettre en cause des concepts en lesquels il avait cru. Néanmoins, il en reste forcément marqué.

Avada

avatar 27/01/2012 @ 20:50:14
Même si je suis incapable de discuter de ces sujets, je trouve que c'est très bien qu'il y ait des critiques de Lorentz sur le site. Continue.

Eric Eliès
avatar 31/01/2012 @ 23:01:59
Merci de l'encouragement, Avada, même si je ne suis pas d'accord avec ton dernier mail : tes critiques de livres et tes commentaires dans les discussions (évolution, génétique, etc.) m'inciteraient à penser que tu es parfaitement capable, peut-être d'ailleurs plus que moi, de discuter de Lorenz et de ses livres ! ;)

Aria
avatar 31/01/2012 @ 23:09:42
Tiens, Alain de Botton lui prétend le contraire : il dit que les gens ont tendance à choisir comme partenaire sexuel pour la reproduction celui qui va "annuler" ses défauts. Par exemple, un homme trop efféminé aura tendance à choisir une femme un peu trop masculine, et comme ça les enfants seront équilibrés.

C'est pour ça que si une personne du sexe opposé rejette nos avances, il ne faut pas le prendre personnellement : c'est simplement que les caractéristiques biologiques ne s'accordent pas.

Ouaip, on peut se consoler comme ça après avoir pris un râteau ! :)))

Aria
avatar 31/01/2012 @ 23:14:47
Merci de l'encouragement, Avada, même si je ne suis pas d'accord avec ton dernier mail : tes critiques de livres et tes commentaires dans les discussions (évolution, génétique, etc.) m'inciteraient à penser que tu es parfaitement capable, peut-être d'ailleurs plus que moi, de discuter de Lorenz et de ses livres ! ;)

Je t'encourage vivement, moi aussi, Eric, à nous aider à approfondir nos connaissances des travaux de Lorenz, mais s'il te plaît, moins de jargon !

Quant à ce que tu dis sur Avada, c'est parfaitement vrai. Un des cerveaux du site !

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